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être suspendue par le préfet. A Dijon, on saisit des dépôts de munitions. A la Guillotière (Rhône), des factieux ayant arboré le bonnet rouge, le préfet mit les autorités municipales en demeure de le faire enlever. Dans le département de la Drôme, plusieurs maires ayant refusé leur concours pour faire disparaître cet emblème de désordre, le préfet dut conduire cette opération en personne, assisté de plusieurs détachements de l'armée des Alpes. Il en fut de même à Carcassonne, où, malgré les menaces des anarchistes, cette mesure rassura les honnêtes gens. A Uzès, à Narbonne, des mascarades indécentes furent l'occasion d'outrages contre le président de la République et de rixes déplorables. Les autorités, complices de ces désordres, par leur indifférence, furent immédiatement révoquées.

Ainsi partout fermentait le levain insurrectionnel. En vain la révolution de février avait inauguré l'ère du suffrage universel. Les démagogues ne devaient pas plus se soumettre au vœu de la nation tout entière qu'ils ne s'étaient soumis à tous les pouvoirs élevés depuis cinquante ans. C'est que ce n'était pas une forme de gouvernement qu'ils avaient attaqué jusqu'alors; c'était le gouvernement quel qu'il pût être, c'était la société elle-même.

CHAPITRE IX.

LOI ÉLECTORALE.

Rapport de la commission.

Première délibération, 8 février. Seconde délibération, 15 février. Amendement Charton, capacité électorale; les faillis, les condamnés civils, les condamnés politiques; circonscriptions électorales; vote au chef-lieu de canton, vote à la commune, vote à domicile, vote à Paris; M. Montalembert et M. Billault; nombre de voix nécessaire à l'élection; incapacités, l'adultère et M. Pierre Leroux, théorie de la souveraineté absolue; incapacités territoriales, cumul, fonctionnaires, ostracisme général, magistrature, exception pour les fonctionnaires militaires, M. Cavaignac, caractère aristocratique de la loi; tableau général d'attribution; indemnité des représentants. Troisième délibération, 6 mars.— Vote des armées en campagne, sollicitude de la Montagne pour les droits de l'armée; encore les incompatibilités, les ministres, maintien des exclusions; les représentants intéressés dans des fournitures ou dans des entreprises publiques, M. Lherbette. - Vote d'ensemble.

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La plus importante des lois organiques était sans doute la loi électorale qui devait organiser l'instrument par excellence de la Révolution: le suffrage universel. Le rapport de la commission fut présenté par M. Billault le 2 février. La commission s'était contentée en général de transformer en loi définitive la loi provisoire qui avait servi aux élections du 23 avril 1848 et à l'élection du 10 décembre. Elle y avait fait entrer en outre les dispositions pénales qui régissaient autrefois la matière. La Constitution admettant que les cantons pourraient être divisés en circonscriptions électorales, la commission avait les mains liées; mais elle avait réduit de quatre à trois le nombre des circonscriptions

qu'on pourrait établir. Elle avait conservé l'élection par dépar tement malgré les inconvénients de ce mode, inconvénients qui ne seraient qu'atténués par la réduction du nombre des députés de 900 à 750. Elle établissait l'incompatibilité la plus rigoureuse entre les fonctions publiques et la députation, rendant par là impossible un recrutement sérieux de la représentation nationale. La première délibération s'ouvrit le 8 février.

De toutes les lois organiques, la loi électorale était peut-être celle dont la Constitution avait le plus abrégé la tâche. Presque toutes les questions importantes, les questions de principe étaient résolues à l'avance. Parmi celles qui avaient été réservées à la loi organique, il n'y en avait vraiment que deux qui offrissent un intérêt politique, un intérêt législatif. La première était celle qui avait pour but de fixer les exceptions au principe déjà consacré des incompatibilités parlementaires; la seconde était relative au nombre des circonscriptions électorales à établir dans chaque canton. C'est à ces deux points que s'attachèrent principalement les divers orateurs qui prirent part à la discussion générale.

MM. de Champvans et Jobez firent subir au projet de la commission des critiques sérieuses ayant pour but de défendre le vote à la commune. Ils n'eurent pas de peine à démontrer que, dans beaucoup de cas, le vote au chef-lieu de canton équivaut à la suppression du droit électoral pour la majorité des habitants des campagnes. Mais la division du canton en circonscriptions pourrait atténuer les défauts de ce mode de voter, et obvierait aux inconvénients incontestables qu'aurait, dans certaines parties de la France, le vote à la commune, par la difficulté de composer convenablement les bureaux, et d'assurer aux opérations une régularité et une surveillance suffisantes.

Après avoir entendu la réponse en ce sens de M. Victor Lefranc, membre de la commission, l'Assemblée vota la première lecture de la loi (8 février).

La seconde délibération commença le 15 février.

M. Charton proposait de déclarer qu'à partir de l'année 1855, les citoyens qui auraient atteint dans cette année l'âge de vingt et un ans, ne seraient inscrits sur les listes électorales qu'en prouvant leur aptitude à lire et à écrire. En vain M. Charton re

cula-t-il le terme de l'épreuve jusqu'à l'année 1859, cette concession ne fit que précipiter la chute de l'amendement. Malgré un sage discours de M. Ferdinand de Lasteyrie, la proposition futrepoussée par l'Assemblée, qui parut craindre de restreindre en quoi que ce fût l'exercice du droit de suffrage consacré par la Constitution. Les cinq premiers articles furent adoptés sans débat ou renvoyés à la commission (15 février).

Le lendemain, au milieu de l'indifférence générale, vingt et un articles furent adoptés presque sans discussion. Il n'y eut qu'un seul scrutin pour un amendement de M. Emile Leroux, relatif aux droits électoraux des faillis. Toutefois, une question grave s'éleva tout à coup, et réveilla non l'attention sérieuse mais les passions politiques. Y a-t-il de véritables crimes en matière politibue? Tout un côté de la Chambre eut le courage de le contester. Les condamnations pour crimes entraînent la perte des droits politiques, et au premier rang de ces droits figure naturellement le droit électoral. La Chambre, par l'adoption d'un amendement, venait d'étendre cette incapacité aux condamnés pour crimes qui, par l'application des circonstances atténuantes et de l'article 463 du Code pénal, n'auraient encouru que la simple peine de l'emprisonnement. L'amendement de M. Vezin donna lieu à M. Gent de demander si l'on entendait appliquer la privation du droit électoral à ceux qui auraient été condamnés correctionnellement pour crimes politiques. MM. Degousée et Lagrange rappelèrent qu'ils étaient d'anciens condamnés politiques; ils déclarèrent s'honorer de ce titre, et firent observer qu'un certain nombre de membres de l'Assemblée, à commencer par son président, se trouvaient dans la même situation qu'eux. M. Vezin répondit que l'observation n'était pas fondée. Un décret du gouvernement provisoire n'avait-il pas, en effet, effacé toutes les peines prononcées en matière politique sous la monarchie? Et, ajouta l'orateur, quand même ce décret n'existerait pas, n'était-il pas évident que la proclamation de la République et le changement complet des principes du gouvernement entraîraient le même résultat? Il ne s'agissait donc que de l'avenir, et les condamnés de la monarchie de juillet n'avaient pas à craindre qu'on les privåt, pour des faits périmés, de leur droit électoral. Mais la suscep

tibilité des conspirateurs républicains allait plus loin qu'un oubli. M. Lagrange fut plus conséquent en demandant qu'on substituât aux mots de condamnés pour crimes politiques, ceux de condamnés pour faits politiques. C'était déclarer nettement qu'en politique il n'y a pas de crime; c'était justifier à l'avance toute insurrection, quel qu'en fût le principe. N'est-ce pas là la théorie révolutionnaire par excellence, qui renverse toutes les idées de droit et de moralité publique, et leur substitue la violence victorieuse ou vaincue. Après une discussion aussi vive que confuse, l'amendement fut renvoyé à la commission (16 février).

La question fut vidée le lendemain. Une disposition proposée par la commission, et votée immédiatement, porta que l'interdiction du droit électoral ne serait pas applicable aux condamnés en matière politique, si cette interdiction n'avait pas été prononcée par l'arrêt de condamnation.

Un amendement de M. Dufournel appela ensuite l'attention sur une disposition fondamentale. La commission, on l'a vu, avait réduit de quatre à trois le nombre des circonscriptions électorales à établir dans un seul canton, changeant ainsi ce qui avait été adopté pour l'élection du président. Était-ce un pas vers la suppression ultérieure de toute division, vers l'obligation de voter au chef-lieu de canton?

La commission avait décidé, à la majorité d'une seule voix, une autre innovation : c'était de transférer des conseils généraux au conseil d'État la distribution du canton en circonscriptions. Pour l'élection du 10 décembre, les préfets avaient présenté un travail préparatoire, et les conseils généraux avaient décidé. La commission enlevait la décision au corps le plus compétent pour la remettre au conseil d'État, à qui préfets et conseils généraux devraient simultanément faire connaître leur avis. C'était donner au conseil d'État une besogne longue et fastidieuse sans que son intervention pût être d'aucune utilité : les conseils d'État, si savants qu'ils pussent être, ne s'érigeraient jamais en arbitres sérieux de ces détails géographiques. La commission sacrifiait encore à cette manie, trop enracinée en France, de ramener dans les bureaux de la capitale la solution d'affaires qui peuvent, plus vite et beaucoup mieux, se décider sur les lieux.

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