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à 69 millions 675,000. Sur ce sujet si important, M. Napoléon Daru porta le premier la parole. Son discours, nourri de faits et de chiffres, entièrement dégagé de passion politique, n'en fut pas moins systématiquement interrompu par la Montagne, La conclusion de l'orateur fut que le résultat réel des propositions de la commission, si elles étaient adoptées, serait, en 'compromettant un capital immense, d'enlever du travail aux classes laborieuses; qu'après déjà tant de crises douloureuses, si l'on ne voulait pas que l'établissement du régime nouveau restât dans la mémoire des populations comme une époque de calamité universelle, il fallait en appeler aux ressources du pays et montrer que le Gouvernement républicain, lui aussi, est capable tout au moins de continuer ces grandes entreprises qui doublent la puissance d'un peuple et répandent le bien-être dans les classes les plus pauvres des citoyens. M. Daru, rappelant avec plaisir les paroles rassurantes du ministre des finances, pressa le Gouvernement de traduire ces paroles en actes significatifs et de profiter du mouvement d'amélioration qui se manifestait dans les affaires pour réveiller l'esprit d'association qui seul est assez puissant pour terminer le réseau de nos chemins de fer, les ressources ordinaires du budget ne devant jamais pouvoir y suffire.

Ce magnifique discours, ce langage si pratique et si élevé tout à la fois semblait avoir convaincu l'Assemblée. Mais la fureur des économies n'était qu'assoupie. M. Stourm, rapporteur de la commission, vint défendre avec habileté les conclusions du rapport. Ces conclusions n'allaient à pas autre chose qu'à maintenir un statu quo énervant. La presque totalité des allocations consenties par la commission n'étaient destinées qu'à liquider des dépenses déjà réalisées, à licencier des ateliers, à régulariser la suspension et l'ajournement indéfini des travaux.

Un représentant voulut toutefois aller plus loin encore: M. Desmolles demanda que le crédit alloué aux chemins de fer pour l'exercice 1849 fût réduit à 22 millions (27 mars).

L'Assemblée se contenta d'adopter les réductions déjà radicales de la commission, et aussi toutes celles qui suivirent, sauf une seule qui concernait les travaux à exécuter au ministère de l'Intérieur.

Sur la proposition de la commission, et avec l'assentiment du ministère, l'Assemblée adopta un article additionnel qui disposait, contrairement à l'usage suivi jusqu'ici, que les budgets spéciaux, après avoir été votés et promulgués, deviendraient obligatoires pour les divers départements (28 mars).

Pour le budget de l'agriculture et du commerce, la commission s'était montrée moins parcimonieuse, Elle n'avait proposé qu'un petit nombre de réductions s'élevant à des chiffres peu considérables. M. Buffet défendit d'ailleurs son ministère avec talent et fermeté. Parmi les réductions adoptées, on peut citer celle de 18,000 fr., applicable à la division des haras, qui se trouvait ainsi supprimée et réunie à celle de l'agriculture proprement dite. Le ministre, contre M. Marcel Barthe, rapporteur, combattit cette réduction dont l'effet serait peut-être de désorganiser une branche importante de l'administration publique.

La plus considérable des réductions proposées par la commission consistait dans un retranchement de 1 million 400,000 fr. sur le crédit de 2 millions 745,000 fr. relatif à l'enseignement professionnel de l'agriculture. Ce crédit avait principalement pour but de pourvoir à l'organisation de l'enseignement agricole d'après les bases fixées par le décret du 3 octobre 1848 (voyez l'Annuaire précédent, p. 279). On sait qu'aux termes de ce décret, l'enseignement agricole se divisait en trois degrés comprenant les fermes-écoles, ou écoles primaires de l'agriculture, les écoles régionales qui en formaient, pour ainsi dire, l'enseignement secondaire, et l'Institut national, qui en était, en quelque sorte, l'École normale. L'allocation portée au budget ne faisait que sanctionner le crédit ouvert par le décret du 3 octobre pour la création de ces divers établissements, La commission, en accordant la portion du crédit affectée aux fermes-écoles, avait proposé l'ajournement de la partie destinée aux deux degrés les plus élevés de l'enseignement. La conséquence de cette réduction, c'était donc d'ajourner l'exécution du décret voté depuis six mois à peine. M. Buffet et M. Tourret, son prédécesseur, auteur du décret, combattirent la commission avec une logique pleine de lucidité. Au moment où l'on cherchait le moyen d'améliorer le sort des classes ouvrières, quoi de plus inconséquent, de plus

impolitique que d'ajourner une dépense qui avait pour but de développer l'agriculture et d'attirer la population inoccupée des villes vers les travaux des champs? Ce point de vue sur lequel insista particulièrement M. Tourret, décida la question dans le sens contraire à la commission. L'Assemblée rejeta la réduction de 1 million 400,000 fr., après avoir admis toutefois un retranchement de 300,000 fr. consenti par le ministre.

La commission proposait encore une rédaction de 100,000 fr. sur le crédit de 639,000 fr., relatif aux manufactures nationales de Sèvres, des Gobelins et de Beauvais. M. Marcel Barthe avait exposé dans son rapport que ces établissements, bons sous la monarchie pour entretenir le luxe d'une cour et d'une aristocratie, étaient devenus une anomalie et presque un scandale pour l'austérité républicaine. En conséquence, il proposait de transformer la manufacture de Sèvres en une fabrique de poterie, et la manufacture des Gobelins en une teinturerie! `Ces étranges inspirations furent accueillies comme elles devaient l'être, et le crédit fut accordé.

Un crédit transitoire de 500,000 fr., réclamé par le ministre pour les mesures à prendre, vu l'invasion récente du choléra, fut rejeté après une épreuve douteuse. L'ensemble du service fut voté à une grande majorité (29 mars).

La délibération sur le budget du ministère de l'Intérieur donna lieu dès les premiers moments à un débat d'une violence peu commune. M. Léon Faucher et M. Odilon Barrot, attaqués sur un acte important de leur administration, M. Dufaure qui prêta son appui au ministère, ne purent parler qu'au milieu d'interruptions furieuses parties de la Montagne. Il s'agissait d'un crédit demandé pour subvention à la Caisse des retraites de l'administration centrale. Un représentant, M. Brard, vint, à ce sujet, présenter des observations sur la mise à la retraite de dix-huit préfets qui avaient tous appartenu à l'ancien gouvernement leur pension avait été liquidée, bien qu'ils n'eussent pas trente ans de service, par application d'un décret de 1806, qui établit une exception en faveur des fonctionnaires atteints d'infirmités contractées dans l'exercice de leurs fonctions. C'était là, aux yeux de M. Brard, un abus d'autant plus révoltant, que trois d'entre eux étaient

maintenant replacés. Au reste, la liquidation avait eu lieu dans les formes voulues par la loi et d'après les règlements en vigueur. Les demandes de pensions avaient été renvoyées au conseil d'État, qui avait donné un avis favorable, et c'était sur l'avis du conseil d'État que le ministre avait statué. Il serait impossible de redire les injures prodiguées par une fraction de la Chambre à l'ad→ ministration. M. Léon Faucher fit observer que l'effet inévitable de toute révolution est d'entraîner un certain nombre de mises à la retraite, et qu'il était naturel de ne pas pousser les règles jusqu'à l'extrême rigueur à l'égard de fonctionnaires subitement frappés après de longues années de service. Il ajouta que lorsque le conseil d'État avait reconnu les titres valables, le ministre n'avait qu'à les enregistrer. C'est ce qu'avaient fait les ministres qui l'avaient précédé, c'est ce qu'il avait fait lui-même. D'ailleurs, M. Léon Faucher défendait moins sa propre cause que celle de ses prédécesseurs, puisque, sur les dix-huit préfets, il y en avait quatre seulement dont il avait envoyé la demande au conseil d'État.

M. Rivet vint, à son tour, justifier le conseil d'État. Les pièces lui avaient été transmises: il n'avait eu qu'à en constater la régularité. Ces explications furent complétées par M. Dufaure, qui dit qu'on pouvait trouver la législation actuelle insuffisante, mais que cette législation autorisait les pensions liquidées, et qu'il n'y avait eu là ni scandale ni immoralité.

Le grief le plus spécieux portait sur la réintégration des trois préfets admis précédemment à la retraite. Aussi, malgré M. Charras, qui voulait que l'Assemblée nommât une commission d'enquête pour examiner les faits; malgré M. Goudchaux qui demandait qu'on laissât ce soin à la commission du budget, les chercheurs de scandale, abandonnant les mises à la retraite qui concernaient aussi bien M. Ledru-Rollin que M. Faucher, concentrèrent tous leurs efforts sur la nomination des trois préfets replacés en activité. M. Flocon dénonça ces fonctionnaires comme ayant trompé le pays par des infirmités simulées, et le Gouvernement comme leur complice. M. Perrée, oubliant sans doute les conditions du pouvoir, proposa d'intimer à M. Léon Faucher l'ordre de révoquer les trois préfets réintégrés. M. Jules Favre scinda les deux ques

tions. Sur la première, celle qui concernait la liquidation des pensions, il adoptait le renvoi proposé par M. Goudchaux. Sur la seconde, il proposait d'exprimer un blâme direct et formel contre le ministère. M. Favre appuyait sa proposition d'arguments que M. Odilon Barrot n'eut pas de peine à réfuter. Etait-ce donc librement, de leur plein gré que ces trois préfets avaient résigné leurs fonctions pour faire valoir leurs droits à la retraite. Non, on les avait destitués: on avait brisé violemment leur carrière. Frappés dans leur avenir, ils avaient usé du droit qui leur appartenait rigoureusement, littéralement; ils avaient demandé le seul et dernier fruit qu'ils pussent réclamer de leurs longs et honorables services; ils avaient fait valoir leurs titres à la pension de retraite, et justifié des infirmités contractées dans l'exercice de leurs fonctions. Aujourd'hui, sous le règne d'une administration moins violente et plus juste, pourquoi n'auraient-ils pas eu les bénéfices d'une réparation? Pourquoi leur disputer l'honneur de consacrer à l'État les restes de leur force et de leur intelligence? Où était l'illégalité? Où était l'immoralité? C'était la doctrine de l'opposition, s'écria M. Odilon Barrot, qui était une véritable immoralité. M. le président du Conseil fit aussi remarquer dans quelle voie dangereuse l'Assemblée s'engageait en intervenant dans les choix faits par le pouvoir exécutif. C'était une véritable usurpation de pouvoir.

La question fut posée entre l'ordre du jour motivé, présenté par M. Jules Favre, et l'ordre du jour pur et simple avec renvoi à la commission. Cette dernière proposition, consentie par le Gouvernement et présentée par M. Goudchaux, obtint la priorité. 363 voix se prononcèrent pour elle et 350 contre (2 avril).

L'incident, terminé dans la Chambre, ne l'était pas dans le pays. De justes susceptibilités se soulevèrent en présence des accusations portées devant l'Assemblée. M. le préfet du Rhône crut devoir donner sa démission. Il était un des trois préfets désignés. M. Léon Faucher refusa de l'accepter. Il rappela, dans une circulaire, qu'il avait arraché les trois fonctionnaires calomniés à un repos devenu nécessaire et il donna un témoignage public d'estime aux trois préfets du Rhône, du Cher et de la Haute-Garonne pour les soutenir contre des outrages immérités. Le 7 avril,

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