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calculé pour rendre à la France, au moins jusqu'aux élections, le régime tumultueux, la liberté illimitée de la presse des premiers mois de la révolution. MM. Ledru-Rollin, Pyat, et quelques autres membres de la Montagne allaient encore plus loin ils proposaient, par amendement, de supprimer, dès aujourd'hui, tout cautionnement. C'était là, au fond, l'idée même de la commission. M. Dupont (de Bussac) avoua que, forcé de violer la Constitution par le maintien provisoire du cautionnement, il cherchait à la violer le moins possible en se rattrapant sur la réduction du chiffre.

MM. Méaulle et Baze firent justice du système nouveau dans la discussion générale. M. Baze proposait de trancher la question entre les deux projets par un vote de priorité. Il demandait, en conséquence, à reprendre le projet primitif comme amendement. L'Assemblée vit là une infraction au règlement. Restait l'amendement radical de M. Ledru-Rollin. L'auteur et ses amis prétendaient que la presse n'est pas libre avec le cautionnement modéré qu'on lui impose. M. Faucher invoqua les faits, cita des articles assez violents pour prouver que la liberté de la presse, sous ce régime, n'avait rien d'illusoire. L'amendement de M. Ledru-Rollin fut rejeté à une majorité de 423 voix contre 291. L'article 1er de la commission, qui réduisait le cautionnement, fut également rejeté à la majorité de 552 voix contre 291. Il en fut de même pour l'article 2, supprimant le cautionnement pendant quarante-cinq jours; la Chambre le repoussa, à la majorité de 381 voix contre 261. Enfin, l'article unique du Gouvernement fut adopté.

Tout n'était pas fini cependant. La commission avait voulu exempter de l'autorisation préalable le colportage, l'affichage et le criage des journaux jusqu'aux élections prochaines. A cette occasion, M. Charras dénonça la prétendue partialité du Gouvernement qui permettait l'entrée dans les casernes aux bons journaux et l'interdisait aux mauvais. M. le ministre de l'Intérieur déclara, de la manière la plus catégorique, qu'aucun membre du Gouvernement n'avait autorisé la distribution d'aucun écrit politique dans l'armée. Au milieu du plus violent tumulte, le 1er paragraphe de la commission fut adopté par 338 voix contre 329.

L'ensemble de l'article fut voté à la majorité de 28 contre 311. Ainsi l'Assemblée autorisait l'agitation la plus effrénée pendant près d'un mois (20 avril).

Le lendemain, M. Baze réussit pourtant à faire adopter une disposition additionnelle par suite de laquelle les distributeurs, crieurs et afficheurs d'écrits devraient justifier auprès du maire, dans la commune duquel ils se livreraient à ces opérations, que l'écrit colporté, crié ou affiché, aurait été déposé au parquet du procureur de la République : ils devraient même en déposer un exemplaire à la municipalité. La loi fut adoptée dans son ensemble par 550 voix contre 79 (21 avril).

Le premier mois de l'année parlementaire avait esquissé un certain nombre de projets, abandonnés depuis pour des questions plus graves. L'Assemblée en reprit quelques-uns.

Nous avons parlé plus haut (p. 27) d'un projet de loi ayant pour but de soumettre au droit de mutation les biens de main-morte, c'est-à-dire les immeubles passibles de la contribution foncière, qui appartiennent aux départements, aux communes, aux hospices, aux établissements religieux, aux bureaux de bienfaisance et aux sociétés anonymes. Il s'agissait, on se le rappelle, d'établir sur ces biens une taxe annuelle qui pût équivaloir aux droits de transmission des propriétés ordinaires qui changent de mains, par suite de décès ou de mutations entre-vifs. Aux termes du projet, cette taxe devait être calculée sur le pied de 62 centimes 5 millièmes pour franc du principal de la contribution foncière établie sur les biens de main-morte.

La deuxième délibération s'ouvrit le 9 février. Un amendement de M. Huot, qui affranchissait de toute redevance les immeubles des établissements charitables et qui réduisait la taxe des autres biens de main-morte à 50 centimes pour franc, et des observations de M. Rasset, qui attaqua le principe même de la taxe, en soutenant qu'elle était injuste et qu'elle ne donnerait que des produits peu considérables, amenèrent à la tribune M. le ministre des Finances. M. Passy eut peu de peine à démontrer l'équité de la taxe ; il serait, au contraire, inique de soustraire à l'impôt des immeubles dont la superficie totale occupe le dixième du territoire français, et, dans l'état actuel des finances, il était important de

ne négliger aucunes ressources. Les paroles de M. Passy déterminèrent l'adhésion de l'Assemblée qui rejeta les amendements et vota la redevance de 62 centimes, établie par le projet (9 février).

Un second projet relatif à l'augmentation de l'impôt sur les successions (voyez plus haut, p. 24) fut discuté à nouveau le 30 janvier. Après avoir, adopté l'article qui portait de 23 à 75 centimes le droit de mutation sur les biens meubles en ligne directe, l'Assemblée rejeta celui qui devait porter l'impôt sur les immeubles de 1 fr. à 1 fr. 50 cent. Sur la proposition de M. le ministre des Finances, le projet tout entier fut renvoyé à la commission. Le 1er février, la commission, par l'organe de M. de Parieu, proposa le chiffre de 1 fr. 40 cent. qui se rapprochait autant que possible de celui qu'elle avait fixé primitivement. On s'accordait généralement à reconnaître que la différence établie par les tarifs actuels entre les meubles et les immeubles était beaucoup trop considérable; aussi la commission avait-elle atténué cette différence en triplant le droit sur les premiers et en ne l'augmentant que de 50 010 sur les seconds; il y avait d'ail leurs plusieurs motifs, à ses yeux, pour maintenir une distinction les valeurs mobilières étant plus faciles à dissimuler, il importe de ne pas accroître la prime de la fraude; elles donnent lieu à des évaluations plus rigoureuses; enfin il y a quelque chose de démocratique à prélever des droits moindres sur les valeurs mobilières qui composent le plus souvent l'actif des successions recueillies par les citoyens pauvres.

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Malgré ces motifs, l'Assembléé repoussa encore le chiffre de 1 fr. 40 cent. La commission déclara alors qu'elle n'avait plus qu'à retirer son projet dont l'économie se trouvait détruite. Il en résultait que l'Assemblée devait revenir au projet primitif, présenté par l'ancien Gouvernement et tendant à établir un impôt progressif sur les successions. Il était impossible à M. Passy d'accepter une pareille situation; mais, comme M. le ministre des Finances ne pouvait retirer le projet sans apporter un décret du président de la Répubilque, il réclama l'ajournement, afin d'avoir le temps de remplir cette formalité, L'ajournement fut prononcé (1 février).

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Un projet nouveau, présenté le 9 février, réglait le timbre des effets de commerce, des actions dans les compagnies et sociétés de finances, de commerce et d'industrie, et des polices d'assurances. Le projet ne reparut à l'ordre du jour que le 18 mai, c'est-à-dire à une époque où l'Assemblée ne pouvait discuter utilement et avec calme les dispositions de la loi. Après une discussion pénible de quelques instants, on s'aperçut que le projet soulevait des questions trop graves pour pouvoir être résolues dans les circonstances actuelles. En conséquence l'ajournement fut prononcé (19 avril).·

Tel est l'inventaire exact, mais peu brillant, des travaux sérieux de la Chambre. Comment eût-elle pu se livrer à des études profitables quand des luttes personnelles, quand des scandales incessamment renouvelés, quand des interpellations, sans autre résultat que le tumulte, quand enfin une agitation stérile l'occupait tout entière.

CHAPITRE XIII.

AGITATION ÉLECTORALE, DÉSORDRES, UTOPIES.

Agitation sourde, cris séditieux, banquets.

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M. Ledru-Rollin, flatteries à l'armée. Énergie de l'autorité, commissaires de police dans les banquets, barrière du Maine. Interpellations, encore le droit de réunion, ordre du jour.Violences des cluhistes, scènes de désordre. Approche des élections, union électorale, comite de la rue de Poitiers, fusion des opinions modérées, propagande de l'anarchie, propagande de l'ordre; programmes électoraux; la rue de Poitiers, le Palais national, les amis de la Constitution, la Montagne, comités bonapartistes. Les clubs déguisés en réunions électorales, doctrines sauvages, les clubistes à la 6o chambre, escroqueries, délations. Interpellations nouvelles sur le droit de réunion, M. Félix Pyat, M. Pierre Leroux et son miroir, calomnies, M. Léon Faucher et la Montagne, ordre du jour.- Suspension des réunions électorales socialistes de par le comité démocratique-socialiste, protestation, excitations et prudence. — Agitation dans la rue, rassemblements, arrestation de trois représentants, interpellations à ce sujet. Arrestations nombreuses, saisie de pièces, vehme démocratique, solidarité de la presse socialiste. Réaction légitime, banquet de Moulins, M. Ledru-Rollin chassé, le désordre appelle le désordre, interpellations, refus d'une enquête parlementaire. - Émeute armée à Dijon, dissolution de la garde nationale. - Anniversaire de la proclamation de la République, question de l'amnistie, glorification des transportés, apothéose des assassins du général de Bréa; l'échafaud politique. Procès du 15 mai, haute cour de justice de Bourges, verdict, révélations étranges, complicité dans le Gouvernement; accusations mutuelles de délation, Huber, Barbès et Blanqui; théories révolutionnaires, souveraineté du but, comment on fait une révolution. Le socialisme et la pratique, liquidation de la Banque du Peuple, M. Considérant et le phalanstère; rêveurs et factieux.

En janvier, le parti socialiste, affaibli par une première défaite, la lutte sociale de 1848, avait eu recours à l'arme des mi

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