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cuse des circonstances, si favorables alors à une guerre de propagande, si défavorables aujourd'hui.

Cette satisfaction personnelle n'était pas, au reste, le but du discours de M. Thiers. Il voulait surtout mettre l'opposition en demeure de se prononcer, ou pour la paix, ou pour la guerre, L'intérêt et la dignité de la France ne pouvaient rester cachés dans les mystères d'une équivoque. La politique du cabinet actuel, c'était la paix; la politique contraire, c'était la guerre sans doute, à moins qu'on ne voulût se réfugier dans cette troisième politique, la pire de toutes, qui consiste à ne rien faire, en semblant faire quelque chose.

La guerre ! quel intérêt commandait à la France d'épuiser son trésor et de sacrifier le sang de ses enfants? Un intérêt d'honneur? Non, car la France ne s'était point engagée dans la lutte qui venait de se terminer dans les plaines de Novare, et qui avait été commencée contre son vou, malgré ses conseils. Sans doute il y avait dans cette affaire d'Italie une question d'influence; mais n'y avait-il pas d'autres moyens de la résoudre que par la force du canon, et cette question valait-elle que la France se lançât dans. une guerre qui serait une guerre contre le continent tout entier, en présence de l'Angleterre, neutre à coup sûr, à moins qu'elle ne fût rivale? Or, la France était-elle prête à affronter de pareilles éventualités? Sans doute elle s'était déjà trouvée seule contre tous, et elle était restée victorieuse; mais c'est qu'alors toutes les forces de la nation, soulevées par l'agression de l'ennemi, s'étaient réunies dans un élan suprême pour affranchir le sol de la patrie. Mais ces efforts désespérés que l'invasion inspire à un grand peuple, croit-on qu'ils se retrouvent aussi unanimes, aussi puissants quand il ne s'agit plus que d'une question d'influence? La France, disait-on, aurait la sympathie des peuples. Mais ces peuples, s'éeríait l'orateur, où sont-ils? Où étaient leurs soldats quand ces braves Piémontais qui combattaient pour eux se faisaient tuer sur le champ de bataille ? Où sont les légions de la Toscane quand il s'agit de se battre? Elles s'agitent dans les clubs, et Rome en est encore à trouver une épée qui remplace le stylet imprimé tout sanglant sur le blason de sa nouvelle république.

Etait-il vrai que la politique actuelle fût celle du Gouverne

ment provisoire, de la Commission exécutive et du cabinet du 24 juin? M. Thiers, reprenant tous les actes de la diplomatie, les manifestes, les dépêches et les votes de l'Assemblée ellemême, voyait partout l'empreinte de la même pensée, c'est-àdire, la négociation pacifique des intérêts italiens. M. Ledru-Rollin avait été au pouvoir qu'avait-il fait ? Avait-il lancé au-delà des Alpes les légions françaises? Il n'y avait jamais songé. C'est que les hommes les plus ardents et les plus passionnés, alors qu'ils sont en présence des faits, hésitent eux-mêmes et reculent. Ce que n'avaient pas fait le Gouvernement provisoire, la Commission exécutive, le général Cavaignac alors que l'Autriche était battue, alors que Vienne et Berlin étaient au pouvoir de l'insurrection, pouvait-on penser à le faire aujourd'hui ?

En proclamant dans son ordre du jour du 24 mai l'affranchissement de l'Italie, que voulait l'Assemblée ? Voulait-elle prêter à la Lombardie et à la Vénétie l'épée de la France pour repousser la domination de l'Autriche? Non, car c'eût été là une déclaration immédiate de guerre. Elle voulait que la médiation de la France résolût pacifiquement cette grande cause de l'affranchissement de l'Italie. L'Assemblée n'avait donc pas à se donner un démenti; elle n'avait qu'à persister dans la voie qu'elle avait tracée elle avait surtout maintenant à protéger l'intégrité d'un État voisin contre toute extension illégitime de la part de l'Autriche. Mais la première condition de l'affranchissement d'un peuple, c'est que lui-même il sache se montrer digne de la liberté.

Toute cette argumentation étincelante d'esprit et de bon sens fut entremêlée de dures vérités à l'adresse de la démagogie. Ce langage vraiment politique auquel la représentation nationale n'était plus habituée fit une vive et profonde impression sur l'immense majorité de la Chambre. Aussi, M. Ledru-Rollin, pour en atténuer F'effet, vint-il faire un appel aux passions révolutionnaires. Malicieusement accablé sous le poids d'éloges ironiques, désigné avec honneur comme représentant de la diplomatie pacifique, M. Ledru-Rollin, sans trop s'inquiéter de traiter la question qui lui était offerte, s'empara avec habileté du langage tenu en 1840 par M. Thiers. Il demanda à l'ancien président du conseil du 1er mars, si ce n'était pas aussi pour une question d'influence qu'il avait

failli embraser l'Europe tout entière. Mais, quelque talent que pût mettre l'orateur de la Montagne dans ces attaques rétrospectives, il fallait revenir à la question actuelle il fallait prendre parti. Ne vous cachez pas derrière des rédactions ambiguës avait dit M. Thiers. » M. Ledru-Rollin devait done choisir. « Ce que je veux, dit-il enfin aux applaudissements de la Montagne, c'est la guerre..... plutôt que la paix à tout prix. » Mais n'y avaitil pas encore là une ambiguité? Qu'était-ce que la paix à tout prix, et où commencerait le cas de guerre ?

Quant à sa conduite comme membre du Gouvernement provisoire, M. Ledru-Rollin n'hésita pas à s'en accuser en toute humilité; et il déclara que s'il avait un regret dans le cœur, c'était de n'avoir pas, au lendemain de Février, lancé les armées de la France au cœur de l'Italie.

Cet acte de contrition fut, pour M. Odilon Barrot, le signal d'une vigoureuse réplique. « Nous ne sommes pas venus au pouvoir, s'écria M. le président du conseil, pour réparer les regrets de M. Ledru-Rollin, mais pour réparer ses fautes et relever les ruines dont il a semé le sol de la patrie. »

M. Odilon Barrot reprit ensuite la question dans les termes où l'avait posée la veille M. le ministre des Affaires étrangères, et il déclara que le Gouvernement acceptait l'ordre du jour de M. Bixio, tel qu'il était amendé par M. Payer. M. Payer proposait de retrancher les considérants rédigés par M. Bixio.

Le débat épuisé, l'ordre du jour de M. Payer fut adopté par 444 voix contre 320 (30 mars).

Cependant les événements marchaient en Italie. Dès le 16 avril, M. le président du conseil était amené à déclarer que le moment paraissait venu. de pourvoir aux prévisions de l'ordre du jour du 30 mars; qu'une crise était imminente dans les États romains, et que la France n'y pouvait rester indifférente; « qu'enfin le protectorat de nos nationaux, le soin de maintenir notre légitime influence en Italie, le désir de contribuer à obtenir aux populations romaines un bon gouvernement fondé sur des institutions libérales, tout faisait un devoir au Gouvernement d'user de l'autorisation qui lui avait été accordée et d'entretenir sur le pied de guerre le corps expéditionnaire de la Méditerranée.» M. le

président du conseil ajoutait que, sans entrer quant à présent dans plus de détails, ce qu'une certaine réserve lui interdisait, il pouvait déclarer que « du fait de notre intervention sortiraient différentes garanties et pour les intérêts de notre pays et pour la cause de la vraie liberté. » En conséquence, M. le président du conseil demandait l'allocation d'un crédit extraordinaire de 1,200,000 fr. pour subvenir aux éventualités de l'expédition projetée.

Une commission fut nommée immédiatement. Unanime surla question d'urgence, elle eut quelque peine à s'accorder sur le fond même de la proposition. M. Jules Favre, son rapporteur, déclara que la commission, tout en accordant l'allocation, n'y consentait que sur la promesse faite par M. le président du conseil et M. le ministre des Affaires étrangères que les armes françaises ne seraient pas dirigées contre la République romaine. Le rapport n'indiquait pas nettement la politique adoptée par le Gouvernement, et M. Emmanuel Arago voulut obtenir des explications plus caté. goriques. M. Emmanuel Arago ne comprenait pas que la France pût mettre le pied en Italie autrement que pour soutenir la République romaine ou tout au moins pour empêcher qu'elle ne fût renversée. Etait-ce là le rôle qu'on voulait faire jouer à la France?

M. Odilon Barrot répondit avec quelque embarras. Il se borna à dire qu'il ne s'agissait que de sauvegarder la dignité et l'influence légitime de la France en Italie. Des événements graves se préparaient dans les États romains qui pourraient avoir pour conséquence la restauration du Saint-Père. Dans cette perspective, trois partis se présentaient entre lesquels il fallait choisir : ou bien marcher au secours de la République romaine et prendre sa défense les armes à la main. Ce n'était là ni la ligne tracée par l'ordre du jour de l'Assemblée, ni celle que le Gouvernement se proposait de suivre. A toutes les époques, soit par ses discours, soit en refusant de recevoir officiellement les envoyés de la République romaine, il avait prouvé qu'il n'entendait établir aucune solidarité entre la République française et celle de Rome. Ou s'abstenir mais c'était permettre à l'Autriche d'exercer seule son influence en Italie; c'était compromettre peut-être en même temps que les intérêts français, l'intérêt et la liberté des Italiens eux

mêmes. Le troisième parti, c'était de mettre le pied en Italie et de ne pas permettre que si des événements prévus s'accomplissaient, ils s'accomplissent en dehors de l'influence française. C'est à cette résolution que s'arrêtait le Gouvernement, comme le plus en rapport avec la dignité et les vrais intérêts de la France.

Ces déclarations furent accueillies avec violence sur les bancs de l'extrême gauche. M. Ledru-Rollin traduisit cette attitude dans un discours menaçant qui trouva une calme et énergique réfutation dans les paroles de M. le général de Lamoricière.

L'article 1er du projet fut adopté par 395 voix contre 283. Mais, dans le vote sur l'ensemble, la Montagne s'abstint systématiquement pour enlever au scrutin le nombre de votes exigible (16 avril). La même manœuvre fut reproduite le lendemain. Mais, cette fois, le projet fut adopté à la majorité de 388 voix contre 161, sur 549 votants (17 avril).

L'intervention était décidée.

Intervenir à Rome, en présence des dangers qui menaçaient le Gouvernement du Saint-Père, ce n'était autre chose que la politique immémoriale de la France en Italie. Autrefois à Ancône, aujourd'hui à Civita-Vecchia, l'intervention libérale d'une armée française prévenait l'intervention despotique d'une armée autrichienne. Telle avait été peut-être la pensée du général Cavaignac lui-même, qui avait annoncé, sinon entrepris, une expédition de ce genre. Tous l'approuvaient alors et cet acte d'énergie eût prévenu sans doute bien des difficultés politiques, bien des malheurs regrettables. Quelques-uns avaient vu dans la manifestation avortée du général Cavaignac une manœuvre électorale. Mieux vaut croire que la pensée de l'intervention avait été sérieuse et loyale. Mais alors le général avait dû reculer devant les préjugés démagogiques, devant les nécessités de parti.

Les événements se succédaient avec rapidité. Le Gouvernement français se hâta de réunir à Toulon un corps expéditionnaire placé sous le commandement du général Oudinot, et l'occupation de Civita-Vecchia fut le premier acte de l'intervention française. Bientôt parut une dépêche publiée le 6 mai et qui portait que le général Oudinot s'étant mis en marche sur Rome, où, suivant tous les renseignements, il était appelé par le veu de la popu

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