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guement controversée. On ne cherchait autrefois ce terrain que pour s'y combattre; on ne veut plus s'y rencontrer aujourd'hui que pour se concerter dans un intérêt commun, supérieur à tous les préjugés personnels. >>

Enfin, la sollicitude de l'Assemblée pour les classes pauvres se traduisit par une proposition de M. de Melun (Nord), relative à l'assainissement et à l'interdiction des logements insalubres. La prise en considération fut votée sans débat, et le projet renvoyé à la commission d'assistance publique. Ce projet qui, dans sa forme actuelle, était peut-être de nature à soulever plus d'une objection, méritait une attention sérieuse. On sait que les logements insalubres figurent justement parmi les causes les plus actives de ce déplorable étiolement physique qu'engendre la misère au sein des cités manufacturières. On sait quelle est, sur la mortalité des populations industrielles, l'influence pernicieuse de ces habitations, où l'espace, l'air et la lumière manquent à la fois aux malheureux de tout âge et de tout sexe, qui y restent entassés aux heures de repos ou de chômage. Les épidémies y causent d'effrayants ravages; le sang s'y vicie; des générations entières y contractent des maladies héréditaires, outre que leurs mœurs s'y corrompent dans une promiscuité sans nom.

La proposition de M. de Melun avait pour but de provoquer la disparition de ces bouges infects et la construction de logements salubres et aérés pour les classes ouvrières. Elle distinguait entre les habitations dont l'insalubrité tient à des causes intérieures, et celles dont l'insalubrité provient de causes extérieures. Elle appliquait à celles-ci le principe de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle autorisait les administrations municipales à prescrire les mesures d'assainissement intérieur nécessaires à la salubrité de celles-là, ainsi qu'à interdire la mise en location des maisons ou logements dont l'assainissement serait impossible, et dont l'occupation serait jugée, par la nature de leurs constructions ou leurs dispositions vicieuses, nuisible à la santé de leurs habitants. Et comme il pourrait se faire que Fadministration municipale n'eût pas toujours les lumières nécessaires pour prévoir ou apprécier les abus dangereux, et pour

y appliquer les meilleurs moyens de les réprimer ou de les faire cesser, la proposition plaçait à côté de l'autorité locale un jury sanitaire chargé de rechercher et d'indiquer les mesures d'assainissement qu'il serait nécessaire de prescrire, et de signaler les logements insalubres qui, ne pouvant être assainis, devraient être frappés d'une interdiction de location. Ce jury serait composé, dans chaque canton, du juge de paix, président; d'un architecte et d'un médecin nommé par le préfet, auxquels viendraient s'adjoindre, pour chaque commune, deux membres du conseil municipal, deux membres du conseil de salubrité ou du bureau de bienfaisance, et, lorsqu'il y aurait possibilité, deux membres du conseil des prudhommes tous élus par leurs corps respectifs. Enfin, la proposition prévoyait le cas où, les logements salubres étant trop restreints pour les classes ouvrières, il deviendrait utile d'encourager des constructions nouvelles. Les communes auraient alors à examiner si leurs ressources pouvaient leur permettre d'entrer dans cette voie; elles auraient la faculté de s'imposer dans ce but jusqu'à concurrence de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sous l'autorisation du préfet, dont le devoir serait de les garantir de tout entraînement dangereux pour leurs finances ou contraire aux besoins d'une bonne police (30 juillet).

M. de Melun n'était pas le seul à se préoccuper des misères des classes déshéritées; mais, s'il avait pu intéresser la Chambre à ses efforts, c'est que sa proposition ne dénotait aucune intention politique. Il n'en fut pas de même pour M. Roselli-Mollet, membre de l'extrême gauche, qui demanda que l'Assemblée nommât, dans ses bureaux, une commission de trente membres pour examiner les propositions et préparer les projets de loi propres à favoriser et à encourager le développement du travail par des institutions de prévoyance et de crédit foncier, agricole et personnel. Le rapport de la commission fut défavorable à la proposition, et conclut à ce qu'elle ne fût pas prise en considération. Le rapporteur, M. Lestiboudois, faisait en effet remarquer que M. Roselli-Mollet indiquait trois moyens de venir en aide au travail: les institutions de prévoyance, le crédit foncier

et agricole, le crédit moral ou personnel. Or, la question des institutions de prévoyance, qui se rattache évidemment à celle de l'assistance publique, était déjà à l'étude; elle appartenait de droit à la commission chargée de s'occuper de toutes les questions relatives à la bienfaisance, et il n'y aurait aucune utilité à créer pour cet objet une commission nouvelle. Même objection en ce qui concernait le crédit foncier et agricole; M. Wolowski avait présenté, le 2 juin, une proposition sur le crédit foncier; une commission avait été nommée pour l'examiner. Diverses propositions avaient été faites pour changer notre régime hypothécaire; elles étaient aussi soumises à l'examen de commissions spéciales. Restait donc seulement la question du crédit moral ou personnel, auquel aurait droit, selon M. Roselli-Mollet, tout travailleur qui offrirait pour garantie sa moralité et sa personne; mais ici M. Lestiboudois avait formulé contre l'innovation proposée par M. RoselliMollet un jugement sévère. Le rapporteur, s'autorisant des explications sommaires fournies par l'auteur dans le sein de la commission, déclarait que proclamer le droit au crédit personnel, c'était faire plus que reconnaître le droit au travail, c'était consacrer, au profit du premier venu, le droit d'obtenir la richesse accumulée nécessaire pour travailler à sa volonté, aux risques et périls, non de soi-même, mais de l'Etat; c'était, vu l'insuffisance inévitable des ressources de l'Etat, livrer la propriété tout entière, mobilière et immobilière, aux agens des diverses industries, préparer le partage des biens, la spoliation directe ou déguisée sous forme d'impôt, la dispersion et la destruction probable des capitaux; c'était, en un mot, aller droit au communisme. C'est un fait bien remarquable, ajoutait M. Lestiboudois, que tous les zélateurs de cette école, dont le but est de doter tous les travailleurs d'un capital qu'ils ne devront ni à l'économie, ni à l'intelligence, ni aux efforts laborieux, se réunissent tous à trois idées communes : l'Etat fournira le capital, ce capital sera formé d'un papier-monnaie, ce papier-monnaie sera garanti par des valeurs qui n'appartiennent pas à l'Etat. Ce sont les biens des communes et autres sur lesquels on met la main pour servir de garantie; ce sont des bons hypothécaires, des lettres de gage

que l'Etat acquiert avec des billets créés sous une forme ou sous une autre, et qu'il met en eirculation. Les combinaisons varient en la forme, le fond est immuable; il s'agit toujours de trouver un capital, de le saisir, et de voiler ensuite le transport du capital social des mains de ceux qui le possèdent aux mains de ceux qui le dévorent. Il reste évident pour tout le monde que dépouiller ceux qui ont pour enrichir ceux qui n'ont pas, est une iniquité odieuse, qui a pour effet immédiat d'anéantir le travail et l'économie, sourees uniques de la richesse. Le rapporteur terminait en disant que charger une commission permanente de trente membres de discuter encore des utopies tant de fois reproduites, c'était ouvrir de nouveau les débats des assemblées du Luxembourg, débats dangereux et épuisés. Toutefois, il dégageait complétement la question personnelle et déclarait que la commission, tout en condamnant le système de M. RoselliMollet, croyait sincèrement à la droiture de ses intentions.

M. Roselli-Mollet ne se tint pas pour satisfait, il monta à la tribune pour se plaindre des insinuations blessantes dirigées contre lui dans le rapport; il protesta contre les expressions dont on s'était servi à son égard et demanda une sorte de réparation. Cette réparation n'avait-elle pas été donnée à l'avance? La prise en considération de la proposition fut rejetée au scrutin par 323 voix contre 162 (31 juillet).

Une autre proposition de M. de Melun (d'Ille-et-Vilaine), tendant à nommer une commission de trente membres pour préparer et pour examiner les lois relatives à la prévoyance et à l'assistance publique, souleva une fois de plus le plus dangereux problème qu'ait posé la révolution de février. On put regretter que M. Victor Hugo, dont l'attitude à propos des prétendus excès commis le 13 juin, par la garde nationale, avait été déjà digne de. remarque, apportât dans la discussion de ce projet plus de verve que de mesure. Sans le vouloir sans doute, le poëte inspira à l'orateur des exagérations brillantes, des tableaux chargés. On put se demander si ce langage irritant, si ces accusations si graves d'égoisme, d'indifférence, portées contre la majorité, étaient bien faites pour inspirer des dispositions calmes et utiles.

Attaquer les intentions de la représentation nationale, reven

diquer pour soi le monopole de la charité, cette attitude toute nouvelle chez l'orateur et qui semblait indiquer un parti pris politique fut sévèrement blamée par le président de l'Assemblée et provoqua les protestations les plus vives. « On peut supprimer la misère. Ces paroles imprudentes, furent le premier gage donné par M. Victor Hugo à un parti qu'il avait condamné jusqu'alors. L'Assemblée, après de sages observations faites par MM. Gustave de Beaumont et Denis Benoist, vota la nomination de la commission demandée (19 juillet).

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