Slike stranica
PDF
ePub

ses choix. Les ministres, obligés de faire subir à tout ce qui émane de leur initiative l'examen du conseil d'État, auraient eu la garantie de ne pas rencontrer dans ce corps indépendant de leur action une hostilité systématique. L'opposition du conseil d'État au Gouvernement serait toujours sans effet utile, puisqu'elle ne ferait que devancer les votes d'une Assemblée hostile et qu'elle serait détruite par les votes d'une Assemblée favorable, et elle pouvait avoir une influence désastreuse sur l'administration. La commission n'en avait pas jugé ainsi : elle s'était attachée au contraire à rendre impossible l'immixtion du Gouvernement dans la nomination des conseillers. Le champ des candidatures était illimité; aucune condition de capacité ni de service n'était exigée ; seulement une commission spéciale présenterait une liste de candidats que l'Assemblée serait maîtresse de repousser. Il était évident dès lors que toutes les nominations seraient des nominations de parti et qu'il serait tenu plus de compte des opinions et des relations que des aptitudes. L'Assemblée adopta cependant les articles du projet de loi, sur le refus fait par la commission d'y rien modifier; mais des amendements étaient annoncés pour la troisième discussion.

L'Assemblée fit subir une modification importante au projet de loi elle supprima le commissaire général qu'on proposait d'instituer près le conseil d'État tout entier. On alléguait avec quelque apparence de raison que le Gouvernement ne pouvait se passer d'un représentant spécial et officiel devant le conseil d'État tel qu'il était organisé selon la Constitution, c'est-à-dire devant un conseil d'État électif, et par conséquent indépendant. Ce fut le principal argument que MM. Vivien et Crémieux firent valoir en faveur du projet. Peut-être cet argument n'était-il pas sans réplique. On répondit, en effet, que le Pouvoir exécutif serait représenté devant le conseil d'État par les maîtres des requêtes nommés par lui, et, en outre, par le vice-président de la République. Peut-être encore était-il bon qu'il y eût près de la section du contentieux un commissaire du Gouvernement remplissant les fonctions du ministère public; mais on ne voyait aucune raison d'être au commissaire près le conseil d'État tout entier. La commission prétendait que ce fonctionnaire devait être l'organe du.

Gouvernement dans le conseil d'Etat, devenu indépendant du Pouvoir exécutif; mais il fallait alors qu'il fût nommé et pût être révoqué par le ministre de la justice. Loin de là, le commissaire général devait être nommé directement par le président; il était indépendant des ministres et perpétuellement tenté de s'égaler à eux rien ne l'empêchait de leur devenir hostile et de tourner contre eux l'influence qu'il pouvait avoir dans le conseil d'État. C'était donc un rouage ou inutile ou dangereux. L'Assemblée s'émut de ces inconvénients vivement signalés par MM. Gaslonde et Combarel de Leyval, et elle repoussa, malgré les efforts de la commission, la création du commissaire général.

L'article 19, relatif à la nomination des maîtres des requêtes, fut renvoyé à la commission qui se proposait de le remanier. Le projet de loi avait déjà reçu de rudes atteintes : il avait été conçu dans une pensée qui paraissait aujourd'hui difficilement réalisable. Il devenait chaque jour plus difficile de concilier le système de la commission avec les votes de l'Assemblée.

Le 25 janvier, toute la partie du projet qui concernait les maîtres des requêtes et les auditeurs fut votée sans modification importante. L'article 18 disposait que les maîtres des requêtes seraient nommés par le président de la République, sur une liste de présentation, double en nombre, dressée par le président et les présidents de section. L'Assemblée avait à choisir entre ce système et celui que voulait lui substituer M. Sauvaire-Barthélemy, en proposant d'attribuer directement la nomination des maîtres des requêtes au président de la République en conseil des ministres. Dans la pensée de M. Barthélemy, ce système se combinait avec le vote qui, sur sa proposition, avait supprimé le commissaire général de la République. Le Pouvoir exécutif aurait trouvé jusqu'à un certain point, dans la nomination directe des maîtres des requêtes, la garantie que le projet avait voulu lui donner par la création du commissaire général. Mais M. Barthélemy ne put faire accepter ses vues par l'Assemblée.

L'article 19 donnait au président de la République le droit de révoquer les maîtres des requêtes, mais avec certaines restrictions qui furent longuement débattues. Cependant cet article fut voté tel qu'il était proposé. L'article 20, qui réglait les attributions des

maitres des requêtes, et l'article suivant, qui disposait que les auditeurs seraient nommés au concours, en fixant l'âge auquel ils pourraient être nommés à vingt et un ans au moins et vingtcinq au plus, passèrent sans contestation sérieuse. Il en fut de même de celui qui déterminait les attributions des auditeurs.

M. Béchard et M. de Barthélemy demandèrent inutilement que les fonctions d'auditeur fussent gratuites: ils s'appuyaient sur la raison d'économie, et aussi sur des arguments d'une valeur peu contestable. M. Charlemagne rappela que les auditeurs, après avoir fait des études complètes, devaient avoir consacré quatre années à acquérir le titre de docteur en droit, et que s'il leur fallait passer encore quatre années comme auditeurs, ils arriveraient à l'âge de trente ans avant d'avoir une position. Bien peu de familles pourraient s'imposer les sacrifices considérables qu'exigent des études aussi suivies et l'entretien d'un jeune homme jusqu'à l'âge de trente ans. La gratuité des fonctions d'auditeur aurait pour effet d'en réserver exclusivement l'accès aux jeunes gens riches qui, par cette porte, envahiraient le conseil d'État et les fonctions administratives. Ces raisons, puisées dans un sentiment d'égalité un peu superficiel, devaient-elles prévaloir contre les judicieuses observations de M. Sauvaire-Barthélemy? La position que les auditeurs occupent dans le conseil d'État est-elle réellement une fonction publique? Assurément non ; les auditeurs sont nommés pour quatre ans ; le temps qu'ils passent au conseil est un temps d'épreuve et de stage; à l'expiration de ce terme, ils en sortent de plein droit. En d'autres termes, les auditeurs sont des aspirants à certaines fonctions administratives; ils occupent dans leur sphère la position que les surnuméraires occupent dans toutes les administrations publiques et les juges suppléants devant les tribunaux. Si on voulait rétribuer les auditeurs, pourquoi ne pas rétribuer également les juges suppléants et les surnuméraires de toutes les administrations publiques? On parlait de justice et. d'égalité ! mais qu'y avait-il de plus contraire à la justice et à l'égalité que de voir un auditeur au conseil d'État, un jeune homme de vingt et un ́ans, recevoir un traitement de 2,000 fr., c'est-àdire un traitement supérieur à celui du magistrat qui a vieilli sur son siége? Ces raisons, toutes puissantes qu'elles parussent, cédè

rent devant un mot, le mot mal compris d'égalité, et l'amendement de M. Sauvaire-Barthélemy succomba.

On a vu que le projet réservait aux auditeurs le quart des places. C'était là peut-être consacrer impérativement un usage suivi jusqu'alors en toute liberté. Les derniers gouvernements avaient souvent cherché parmi les auditeurs du conseil d'État des sous-préfets et des préfets, et ces fonctionnaires qui avaient puisé à une si excellente école la connaissance du droit administratif et des affaires avaient toujours eu sur les administrateurs empruntés à la politique une incontestable supériorité. Mais la commission s'était laissé entraîner à accepter un amendement de M. Dérodé, d'après lequel le quart des emplois de sous-préfets était réservé aux auditeurs, dans l'ordre des présentations faites par le président du conseil d'État et les présidents de sections. Il en serait résulté qu'on aurait pu devenir sous-préfet sans l'intervention et même contre la volonté du ministre de l'Intérieur. Les chefs du conseil d'État auraient eu le pouvoir d'imposer des sous-préfets au ministre, qui n'aurait eu d'autre ressource que de les destituer le lendemain de leur installation.

M. Odilon Barrot n'eut pas de peine à montrer qu'il y avait là un élément de désordre et de désorganisation pour l'administration et un véritable empiétement de la part des chefs du conseil d'État sur la prérogative ministérielle. Les observations de M. Barrot obtinrent une adhésion unanime, et la seconde partie de l'amendement de M. Dérodé fut supprimée.

La série des articles qui réglaient les travaux intérieurs du conseil fut votée presque sans débats. Seulement. l'art. 29, qui fixait les traitements des divers membres du conseil d'État, fut remplacé par une disposition plus simple, qui renvoyait la fixation de ces traitements à la loi de finances. Un seul amendement fut l'objet d'un assez long débat. M. Mortimer-Ternaux proposait de supprimer toute la portion du projet qui concernait la procédure du conseil d'État, et de renvoyer à un règlement d'administration publique le soin de statuer sur cet ordre de questions qui, par leur nature, semblent en effet plutôt réglementaires que législatives. Si cet amendement avait prévalu, la suite de la discussion en eût été considérablement abrégée. Mais les objections que

M. Bauchart présenta contre ce système, éveillèrent les susceptibilités de l'Assemblée sur sa prérogative; et, comme pour prouver qu'elle ne voulait rien céder sur ce point et qu'elle était décidée à remplir sa tâche dans les plus minces détails, elle rejeta l'amendement de M. Ternaux (26 janvier).

La commission proposait de laisser au conseil d'État, réuni en assemblée générale, la décision souveraine de toutes les questions de conflit qui s'élèveraient entre l'administration et la section du contentieux. Le conseil d'État, appelé à prononcer entre une de ses sections et le Gouvernement, aurait cédé tôt ou tard à la tendance naturelle à tous les corps, d'étendre leur influence et leurs attributions : il aurait toujours décidé contre l'administration, et, grâce à l'extension abusive de la juridiction contentieuse, il aurait insensiblement usurpé les pouvoirs du Gouvernement, qui n'aurait conservé que la responsabilité.

M. le ministre de la Justice fit ressortir tous les dangers de cette subordination du Gouvernement au conseil d'État, qui, indépendant et irresponsable, ne pourrait être arrêté dans ses envahissements. M. Barrot demanda que la décision des conflits qui s'élèveraient entre l'administration et la section du contentieux, fût déférée, comme à un arbitre naturel et indépendant, au tribunal des conflits établi par l'art. 89 de la Constitution. Cette proposition obtint un plein succès, et l'art. 52 fut amendé dans

ce sens.

Tous les articles suivants furent adoptés sans débats. Il n'en fut pas ainsi de l'art. 66 et dernier qui réglait la nomination des premiers conseillers d'État.

Il n'y avait rien là cependant qui, à première vue, pût faire soupçonner une difficulté. La Constitution semblait avoir décidé la question en remettant la nomination des conseillers d'État à l'Assemblée législative, dans les premiers mois de sa réunion. I était done tout simple que l'Assemblée législative nommât tout le conseil qui se serait renouvelé par moitié tous les trois ans, conformément à la Constitution. Le conseil d'État, en effet, était destiné à fonctionner concurremment avec le Président déjà nommé, et avec l'Assemblée qui succéderait à la Constituante:

« PrethodnaNastavi »