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tous les grands pouvoirs de l'État se seraient trouvés ainsi avoir à peu près la même date, et sortir du même mouvement électoral. Mais des calculs d'ambition particulière devaient chercher à troubler cet ordre naturel trop de représentants s'attendaient. à n'être pas réélus pour qu'ils ne cherchassent pas à se ménager des consolations dans le repos honorable des conseils d'État. Aussi, beaucoup se révoltèrent à l'idée de laisser à l'Assemblée législative la disposition d'un si grand nombre de situations désirables.

La commission avait dû céder à ces exigences secrètes et nombreuses, et elle avait proposé que l'Assemblée constituante nommât la moitié du futur conseil; l'autre moitié aurait été nommée par l'Assemblée législative. M. Vivien, dans son rapport, avait défendu cette combinaison par des arguments qui prouvaient surtout contre la prétention de faire nommer les conseillers par l'Assemblée actuelle. Mais un vote récent venait de réduire le nombre des conseillers d'État de quaranté-huit à trente-deux un tiers des places disponibles avait ainsi disparu et les combinaisons se trouvaient dérangées. Aussi, ne duton pas s'étonner de voir formuler un amendement attribuant à l'Assemblée constituante la totalité des nominations. Cependant, comme on ne pouvait priver l'Assemblée législative de son droit constitutionnel, la moitié des conseillers nommés serait soumise à la réélection avant peut-être d'entrer en fonctions.

Une moitié de l'Assemblée protesta contre un amendement destiné à faciliter des arrangements scandaleusement transparents. M. Lherbette, avec une franchise gênante, déclara qu'il ne pouvait voir dans cette proposition rien de sérieux, et qu'à ses yeux il y avait une contradiction fâcheuse entre l'honorable susceptibilité qui avait fait proclamer l'incompatibilité du mandat de représentant et de toute fonction publique, et cet empressement à pourvoir aux places du conseil d'État et à faire du titre de représentant un marchepied pour arriver à ces places. Néanmoins une majorité de douze voix fit prévaloir l'amendement proposé par M. Gautier de Rumilly au nom de la majorité de la commission,

et soutenu par M. Tranchand. (Sur 792 votants, majorité absolue 397, 409 pour et 383 contre) 27 janvier.

La loi tout entière était votée : il ne lui restait plus qu'à subir l'épreuve peu sérieuse d'une troisième délibération.

CHAPITRE V.

L'OPINION ET L'ASSEMBLÉE. PROPOSITION RATEAU.

Questions extérieures, bruits d'une expédition en Italie, projets du général Cavaignac, interpellations de M. Baune, M. de Lamartine et M. LedruRollin, excentricités diplomatiques et géographiques, réponse du cabinet, situation vraie des affaires en Italie. - Mouvement dans le pays en faveur d'une prompte séparation de l'Assemblée, pétitions nombreuses, attitude des con- Proposition présenseils généraux, idées de décentralisation, M. Raudot.

tée par M. Rateau pour fixer un terme à l'Assemblée constituante. — Rejet dans les comités, rapport de M. Grévy, discussion, M. de Montalembert, déclaration du Gouvernement par la bouche de M. Odilon Barrot, prise en considération. Nomination d'une commission hostile à la proposition, nouveau rapport de M. Grévy, surcroft de pétitions, M. Clément Thomas et l'opinion Arrêt de mise en accusation des publique, conclusion du rapport, conflit. accusés du 15 mai, haute-cour de justice, cour de cassation, question de rétroactivité, M. Baroche, M. Dupin, M. Eugène Raspail; adoption du renvoi, composition de la haute-cour.

L'armement d'un certain nombre de bateaux à vapeur dans le port de Toulon et plusieurs dispositions militaires rappelèrent les esprits vers les difficultés extérieures. On répétait les bruits les plus divers. Selon les uns, la médiation pour les affaires d'Italie était abandonnée; le Piémont faisait marcher son armée ; le maréchal Radetzki s'avançait sur Turin et sur Rome; le pape se réfugiait en France ou en Espagne. Ces rumeurs trouvèrent un écho dans l'Assemblée nationale.

Des interpellations adressées par M. Baune au ministère sur les affaires d'Halie et d'Allemagne eurent pour résultat de soulever un débat plus sérieux. Quelques paroles du ministre des Affaires étrangères appelèrent à la tribune M. de Lamartine et M. Ledru

Rollin. M. de Lamartine n'était pas en cause mais l'honorable représentant voulut saisir cette occasion de désavouer de nouveau toute participation dans les fameuses expéditions de Savoie et de Risquons-Tout. M. de Lamartine rappela en vain son célèbre manifeste. A qui pensait-il faire croire que ce manifeste fût toute la politique du Gouvernement provisoire? En vain protesta-t-il de ses bonnes intentions personnelles dont personne n'avait parų douter il ne pouvait faire oublier une action directement opposée à la sienne. On put même s'étonner de voir l'illustre orateur accepter une seconde fois la solidarité d'une politique désormais jugée, et chercher à couvrir M. Ledru-Rollin comme d'un bouclier. Quant à celui-ci, il trouva bon de s'abriter derrière le manifeste de M. de Lamartine, et de désavouer certains actes politiques de son administration, laissant ainsi sans réponse le retentissement du procès d'Anvers, les accusations catégoriques du procureur-général belge, M. de Bavay, les déclarations des avocats des accusés d'Anvers, la conscience même de la France.

Quant à la situation générale de la politique européenne, M. Ledru-Rollin ne la jugeait pas d'une façon moins singulière. Tout lui paraissait rendre la guerre inévitable : à l'entendre, elle était presque commencée, et la France était cernée de toutes parts. En supposant vraie cette position de la France, était-ce au Cabinet actuel qu'il fallait demander compte des difficultés? « A qui la faute?» s'écria M. de Larochejaquelein.

Sur les autres questions, M. Ledru-Rollin ne fut pas plus heureux, et l'Assemblée put entendre avec satisfaction les répliques énergiques et concises de M. le ministre des Affaires étrangères.

M. Ledru-Rollin avait dit que la Prusse, profitant de l'aveuglement du ministère, concentrait sur notre frontière du Rhin des forces chaque jour croissantes. Il n'en était rien : le Gouver nement avait demandé des explications à la Prusse, et il avait acquis la preuve que les forces prussiennes, loin d'avoir été accrues, depuis le mois d'avril, avaient été diminuées.

M. Ledru-Rollin savait qu'une intervention armée en faveur du pape avait été proposée, que la France, Naples et l'Autriche de

vaient l'accomplir à frais communs; il savait même le conseil de Cabinet où cette question avait été débattue. Il n'en était rien : aucune proposition de cette nature n'avait été faite à la France, aucun conseil de Cabinet n'avait été tenu à ce sujet.

M. Ledru-Rollin avait dit que les négociations entamées à Naples au sujet de la Sicile, avaient été rompues. Il n'en était rien : les négociations se poursuivaient.

M. Ledru-Rollin signalait l'existence d'une flotte russe dans l'Adriatique, et informait le Gouvernement qu'une seconde flotte, non moins formidable que la première, venait de la Baltique, et menaçait la liberté dans l'Europe méridionale. Il n'en était rien, et ici l'erreur devenait plaisante. Il n'y avait, dans l'Adriatique, qu'une escadre française: aucun navire de guerre russe n'avait franchi les Dardanelles; quant à la seconde flotte, M. LedruRollin oubliait que la Baltique est fermée par les glaces pendant cinq mois de l'année, et qu'aucune flotte russe ne peut sortir de Cronstadt avant le mois de mars. M. de Tracy, ministre de la Marine, rassura l'orateur sur ce point.

M. Ledru-Rollin expliquait la supériorité de ces étranges informations par ce fait que le Gouvernement avait annulé toutes les nominations du Gouvernement provisoire, et ne devait plus avoir en Italie que des diplomates incapables. Mais il se trouvait que rien n'avait été changé en Italie, en ce qui concernait le personnel diplomatique, depuis que M. Ledru-Rollin avait quitté le pouvoir.

Ces discussions oiseuses, cette absence regrettable d'informations sérieuses, ces erreurs grossières en histoire, en géographie, en diplomatie, c'était un chef de parti, un homme éminent, placé un moment à la tête de la France, qui en donnait le triste spectacle. Les mœurs parlementaires de la Grande-Bretagne ou de l'Amérique du Nord ne présentent pas, même chez les orateurs de second ordre, un seul exemple de légèretés semblables (8 jan vier).

En résumé, les interpellateurs reprochaient au Gouvernement de n'avoir pas prêté main-forte à l'utopie de l'unité italienne.

Cependant, au-dessus de ces discussions parlementaires planait une difficulté sérieuse. L'Italie renfermait assez de causes de dés

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