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ques jours pour que la dernière main fût mise à cette œuvre épineuse et toute difficulté levée.

Il ne paraît pas que le projet de la Prusse ait été connu de la conférence de Londres avant le 9 novembre, jour où l'envoyé hollandais le transmit à lord Grey. Le 11, S. S. répondit que cette communication ne contenait rien de plus qu'une offre d'accepter comme base de négociation le projet prussien, lequel projet semblait donner lieu, dans quelques-uns de ses détails, à des objections positives, et dans d'autres à des sujets de difficultés et de doutes qui exigeaient des explications et des discussions ultérieures. Le gouvernement anglais avait d'ailleurs commencé à exécuter des mesures (le blocus des côtes de la Hollande et l'arrestation de ses vaisseaux) qui ne pouvaient être suspendues. La remise de la citadelle d'Anvers et de ses dépendances devait être un préliminaire indispensable. de toute nouvelle négociation.

Le ministre hollandais informa lord Grey que S. S. s'était trompée en supposant que le projet était présenté comme une base de négociation. Il avait été proposé comme un traité susceptible d'être signé dans les 24 heures; la cour de Berlin avait laissé quelques points sans décision, mais ils pouvaient être réglés facilement et sans délai. Quoique surprise de voir la question de l'Escaut devenue tout à coup une question européenne, et les médiateurs s'employer à soigner leurs intérêts aux dépens de l'une des parties, la Hollande adhérait à ce que la cour de Berlin proposait à cet égard. Il ne restait plus qu'à régler le taux des péages. Le gouvernement anglais avait déclaré le 27 octobre qu'il pensait que le taux fixé par la Hollande était trop haut, et la Hollande consentait à l'abaisser. Quant au passage par le Limbourg, le ministre anglais luimême avait suggéré que cet obstacle pourrait disparaître en donnant à la Belgique une route au sud de Maestricht. Cette idée, communiquée à la cour de La Haye, avait reçu son assentiment.

Le gouvernement anglais observa que, bien

que la Hollande

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par

fût disposée à réduire le droit, elle n'avait pas encore déterminé la réduction. Il n'était pas possible de s'écarter du taux fixé la conférence sans le consentement de la Belgique. Ici il fallait s'engager dans de nouveaux délais, et pas un jour de retard ne pouvait être accordé. Il en était de même de la proposition d'une route au sud de Maestricht; la Belgique devait être consultée. Lord Grey ajouta que, si l'affaire de l'Escaut avait été traitée comme une question européenne, c'est la Belgique qui l'avait demandé, en se fondant sur le traité de Vienne. Au surplus, comme il était décidé que la citadelle serait rendue avant toute autre chose, la France et l'Angleterre passèrent outre à l'exécution complète de la convention du 22 octobre.

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Cette convention donnait enfin à la Belgique ce qu'elle avait réclamé si long-temps, ce que M. de Meulenaëre s'était engagé devant les Chambres à obtenir, l'emploi des mesures coërcitives contre la Hollande, et l'évacuation de la citadelle d'Anvers. Cependant, soit qu'il n'eût pas prévu ce résultat, soit que les conditions auxquelles il était acquis ou la marche des dernières négociations n'eussent pas eu son approbation, le ministère belge fut remplacé au moment même où la France ét l'Angleterre allaient signer la convention du 22 octobre. Un arrêté royal du 20 composa le cabinet de M. le général Goblet, ministre des affaires étrangères, dont il exerçait déjà l'intérim depuis un mois ; de M. Lebeau, ministre de la justice; de M. Charles Roger, ministre de l'intérieur. Le général Évain, restait au ministère de la guerre. M. Coghen, reprit ensuite sa place au ministère des finances.

Tel est de ministère qui se présenta devant les Chambres belges, dont l'ouverture qui ne pouvait plus être retardée d'après l'article 70 de la constitution, se fit le 13 novembre.

Le discours du trône, dans les circonstauces présentes, devait offrir un vif intérêt. Tout ce qui se rattachait à la convention du 22 octobre, et surtout à l'entrée d'une armée française en Belgique pour faire le siége d'Anvers, était d'autant plus

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délicat à traiter, que la nation s'était résignée à d'énormės sacrifices pour organiser son armée et qu'elle ne doutait pas de venger victorieusement les revers du mois d'août 1831. À cet égard voici comment le roi s'exprimait :

• Après de longs délais, moins nuisibles cependant qu'on ne devait le craindre aux intérêts du pays, le moment est enfin arrivé où j'ai pu répondre aux vœux des Chambres et de la nation, en amenant les puissances garantes du traité du 15 novembre à en assurer l'exécution. Les puissances avaient acquis la certitude qu'en s'abstenant plus long-temps de recourir à des moyens coërcitifs elles plaçaient la Belgique dans l'imminente nécessité de se faire justice à elle-même; elles n'ont pas voulu courir cette chance de guerre générale. Liées par une convention formelle, deux d'entre elles se sont engagées à commencer l'exécution du traité par l'évacuation immédiate de notre territoire. Les flottes de France et d'Angleterre réunies enchaînent le commerce de la Hollande; et si ces moyens de coërcition ne suffisent pas, dans deux jours une armée française viendra, sans troubler la paix de l'Europe, prouver que les garanties données n'étaient pas de vaines paroles.

Plus loin, et comme pour adoucir le mécontentement de l'armée, le roi ajoutait que, si l'exécution du traité par les puissances devait l'empêcher de signaler sa valeur, son dévouement lui était garant que, dans le cours des événements qui se préparaient, la violation du territoire par l'ennemi, ou tout autre acte d'agression contre la Belgique n'aurait pas lieu impunément. Au surplus le roi se hâtait d'annoncer que les intérêts de cette armée seraient de sa part l'objet d'une vive sollicitude: son organisation en temps de paix, l'avancement, les pensions formeraient la matière d'autant de lois particulières sur lesquelles les Chambres seraient appelées à délibérer.

Elles auraient aussi à s'occuper de l'administration provin-ciale et communale, de l'amélioration des lois sur la garde civique et sur la milice, de la révision de la législation pénale et peut-être de l'enseignement public.

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Le roi, qui avait dit plus haut que la seconde partie de l'emprunt autorisé l'année dernière par les Chambres avait été négociée à un taux avantageux, eu égard aux circonstances (1),

(1) Au prix de 79 pour 100, c'est-à-dire 4 pour 100 plus cher que la première moitié.

Ann. hist.

pour 1832.

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déclarait ensuite que la situation générale du royaume continuait à être satisfaisante. Les revenus de l'État pour l'année courante avaient dépassé toutes les prévisions. L'événement avait prouvé que les craintes conçues sur l'avenir du commerce et de l'industrie étaient exagérées. Enfin le choléra, qui avait dépeuplé d'autres contrées, avait exercé beaucoup moins de ravages en Belgique.

«Je compte, Messieurs, disait en terminant S. M., que l'harmonie ne cessera point de régner entre les grands pouvoirs de l'État, et que la patrie continuera de trouver sa force dans l'union de tous ses enfants.»>

Cet espoir ne devait pas se réaliser. L'intervention de la France, qui venait assiéger la citadelle d'Anvers sous les yeux de l'armée belge forcée de rester l'arme au bras, avait blessé au vif l'amour-propre national. On prévit facilement que la discussion de l'adresse dans la Chambre des représentants serait le signal de violentes hostilités contre le ministère qui avait autorisé cette intervention, et consenti à évacuer Venloo et les autres portions du territoire assigné à la Hollande, en même temps que la Belgique rentrerait en possession de la citadelle d'Anvers et des forts qui en dépendent.

Dans cette prévision et pour amortir l'effet des coups auxquels il s'attendait, le ministre des affaires étrangères fit le 16 à la Chambre des représentants un rapport présentant l'historique de toutes les négociations pendant quatre mois. La première partie du rapport ne mentionnait que des faits et des documents déjà connus, mais les révélations commencèrent quand l'orateur arriva aux circonstances qui avaient suivi la formation du ministère actuel.

« Le nouveau cabinet, disait le général Goblet, s'est constitué sous des conditions très précises, très rigoureuses, ressortant comme conséquences nécessaires de la situation du pays et du système de politique extérieure suivi depuis mon entrée aux affaires.

«Des instructions rédigées en conséquence furent adressées à nos agents diplomatiques à Paris et à Londres; en notifiant la composition du nouveau ministère, ils furent chargés de ne pas laisser ignorer les conditions sous lesquelles il s'était constitué. La note verbale remise le a3 octobre

par M. Le Hon au cabinet des Tuileries, et dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture, me dispensera d'entrer, à cet égard, dans quel ques détails; elle révèlera, en quelque sorte, la pensée intime du ministère. »

Cette pièce (voy. l'Appendice) déclarait de la manière la plus positive que le gouvernement belge serait dans l'impossibilité absolue de prolonger l'attente dans laquelle il se trouvait au-delà du 3 novembre prochain. Que si ce jour arrivait sans que la garantie qui résulte de l'article 25 additionnel du traité du 15 novembre eût reçu son exécution, ou au moins un commencement d'exécution, le roi Léopold se verrait dans la nécessité de prendre possession par lui-même du territoire belge encore au pouvoir de l'ennemi. Telle était la condition d'existence du nouveau ministère. Ce n'était là de sa part ni une volonté arbitraire, ni un vain engagement; c'était la loi irrésistible de sa position, c'était celle qu'imposaient aujourd'hui, en Belgique, à tout ministère, quel qu'il fût, l'état intérieur du pays et la force des choses.

Un office d'une teneur semblable avait été remis le 24 au cabinet de Saint-James par le plénipotentiaire belge à Londres.

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Ces notes, continuait le général Goblet, furent prises, à Paris comme à Londres, en sérieuse considération; vous en avez la preuve, Messieurs, dans les événements qui occupent en ce moment même la scène politique.

Les efforts soutenus de MM. Le Hon et Van de Weyer ont puissammeut contribué à amener ce résultat, et je suis heureux d'avoir cette occasion de reconnaître hautement qu'ils y ont travaillé avec une activité pressante et une force d'arguments qui n'est jamais restée au-dessous des circonstances et de la tâche qu'ils avaient à remplir. Cette tâche, Messieurs, était loin d'être facile; bien des obstacles encombraient encore la route. Le 22 octobre, une convention avait été signée entre la France et la Grande Bretagne pour amener l'exécution du traité du 15 novembre; la pensée politique des deux gouvernements avait revêtu la forme d'un traité solennel; il n'y avait pas à craindre qu'ils se laissassent détourner par des influences latérales; mais celles-ci pouvaient avoir une action plus ou moins forte sur l'effet des déterminations prises, et c'était cette action qu'il fallait annuler ou du moins amortir, afin qu'il n'en résultât pas de préjudiciables délais.

Que pouvaient, me dira-t-on peut-être, ces délais sur nos propres résolutions? Rien, Messieurs, nos résolutions étaient irrévocables; mais, plus nous étions décidés à ne pas prolonger notre attente au-delà du 3 novembre, plus nous aurions cru manquer à ce que nous devions au pays et

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