Slike stranica
PDF
ePub

prise d'armes contre l'Assemblée, au cas où elle choisirait le candidat qui n'aurait pas obtenu la majorité dans le scrutin populaire. « Si les partisans d'un de ces candidats tentaient une pareille attaque, dit-il, Dieu aidant, je leur donnerais une bonne leçon. »>

L'Assemblée, après avoir manifesté, avec éclat, ses préférences en faveur du général Cavaignac, reprend son ordre du jour.

En relisant ce débat, on se demande ce que voulaient MM. Jules Favre et ses amis de l'extrême gauche; obéissaient-ils à un scrupule exagéré de légalité, à une sorte de culte fanatique pour le principe de l'indépendance des suffrages et pour la non-intervention des gouvernements dans les élections? qui pourrait le croire, lorsqu'on se rappelle surtout ces circulaires si récentes dans lesquelles ils déclaraient qu'il fallait faire l'éducation du peuple et menaçaient les électeurs de province de la colère du peuple de Paris, s'ils ne votaient pas pour les candidats du Gouvernement! Il faut donc chercher ailleurs que dans les scrupules de la conscience la vraie cause de tout cet étalage de puritanisme électoral. M. Jules Favre et ses amis avaient trop d'esprit pour ne pas comprendre que tout ce qu'ils faisaient contre le général Cavaignac ne pouvait que profiter à son compétiteur, et que ruiner la candidature de l'un, c'était assurer le triomphe de l'autre. C'est donc en pleine connaissance de cause qu'ils favorisaient ainsi la candidature de Louis-Napoléon, en lui sacrifiant celle du général. Mais alors comment comprendre ces hommes, qui, en même temps qu'ils préparaient ainsi les voies à un Bonaparte, se disaient les seuls vrais républicains? où voulaient-ils donc aller? En vérité, plus on examine la conduite de ces hommes, plus on est embarrassé sur le jugement qu'on en doit porter; ils veulent, disent-ils, la République, ils la veulent

avec fanatisme et fureur, et ils la fondent sur des institutions qui ne sont pas même libérales! Ils sont prêts à donner leur vie, s'écrient-ils, pour la République; et, entre deux candidats dont l'un est républicain sincère, fanatique (même, et l'autre héritier tacitement avoué de l'Empire, ils combattent avec violence, avec scandale, le premier, et préparent les voies à l'ambition du second! comment expliquer une telle énigme ? Les petits ressentiments, les déceptions de l'ambition, les venins cachés contre tout ce qui s'élève, ne suffisent pas seuls à fournir cette explication, et il faut bien la chercher au fond même des opinions de ces hommes, et peut-être nous l'ont-ils donnée eux-mêmes, lorsqu'ils se sont défendus un jour d'être de l'école libérale. Mais alors de quelle école sont-ils, grand Dieu !

En présence de la candidature menaçante d'un Napoléon, tous les partisans de la République, à quelque nuance qu'ils appartinssent, auraient dù oublier leurs dissentiments et faire face à l'ennemi commun. Au lieu de cela, nous venons de voir une partie des radicaux, représentée par leurs hommes les plus considérables, combattre la candidature du général Cavaignac, au profit de celle de Louis -Napoléon; maintenant, c'est la commission exécutive représentée par plusieurs de ses membres qui, après avoir accepté son arrêt en silence dans les journées de Juin, après avoir laissé passer le débat sur l'enquête sans dire mot, s'avise tout à coup, et lorsqu'on l'avait déjà oubliée, de se remettre en scène et d'exhumer avec éclat ses prétendus griefs contre le général Cavaignac. Le moment aurait pu être mieux choisi, il faut en convenir, et pour elle et pour la cause républicaine.

Un exposé historique des événements de Juin, signé de MM. Garnier-Pagès, Ledru-Rollin, Duclerc, Barthélemy Saint-Hilaire et Pagnerre, circulait depuis

quelques jours dans le public, exposé dans lequel le général était fortement incriminé; celui-ci somma, du haut de la tribune, les signataires de cet exposé d'avoir à affirmer et justifier leurs accusations. Le défi fut relevé à l'instant même par M. Barthélemy SaintHilaire, un des caractères les plus courageusement honnêtes de notre pays, mais qui, dans cette circonstance, se laissa égarer par un sentiment exagéré de camaraderie politique.

<< Bien que n'occupant dans la commission exécutive qu'une position officieuse, dit-il, j'apporte toute mon âme dans ce débat, où l'honneur de mes amis et les intérêts de la vérité sont engagés. » Voici le résumé de l'acte d'accusation en forme qu'il dressait contre le général :

La commission exécutive, à la suite du vote de l'Assemblée qui rejetait la mesure d'ostracisme proposée contre Louis-Napoléon, était résolue à donner sa démission. Elle n'y renonça que sur les instances des ministres, et spécialement du ministre de la guerre, le général Cavaignac, lequel déclara que ce serait manquer à l'honneur que d'abandonner son poste au moment du danger. Le général était donc lié d'honneur envers la commission: il était solidaire avec elle et devait vivre ou mourir avec elle, et cependant qu'est-il arrivé?......

Après avoir exposé longuement et minutieusement et les ordres réitérés de la commission pour diriger tout de suite des troupes sur tous les points où l'insurrection éclatait afin de l'étouffer à sa naissance, et les refus obstinés du général de déférer à ces ordres précis, M. Barthélemy Saint-Hilaire continue en ces termes :

Ce ne fut que le samedi à midi que le général se décida enfin à agir. Or, pourquoi tous ces refus et ces returds? C'est que, depuis quelques jours, il avait conçu l'espérance d'arriver

au pouvoir. Le 23, le général était sûr de l'appui du PalaisNational (lieu de réunion des républicains dits politiques): le général fit dire par un de ses amis, M. d'Adelsward, qu'il était prêt à prendre le pouvoir. Les événements précipitèrent ce complot des partis parlementaires; on demanda la démission des commissaires, que ceux-ci refusèrent péremptoirement; on revint à la charge: nouveau refus. C'est M. Sénard qui se montrait le plus pressant pour obtenir cette démission. De son côté, le général poursuivait son système de temporisation; il refusait au général Damesme un bataillon que celui-ci demandait. «Croyez-vous, disait-il à ceux qui le pressaient, que je sois ici pour défendre les bourgeois de Paris? je me souviens trop bien de 1830 et du 24 Février; si les insurgés s'avancent, eh bien ! je leur livrerai bataille dans la plaine Saint-Denis. C'est dans ce moment que M. Pascal Duprat proposa de conférer tous les pouvoirs au général, et c'est alors aussi que celui-ci se détermina enfin à agir; mais il leur fallut encore trois grands jours, et Dieu sait quel sacrifice d'hommes pour enlever des barricades qu'il avait laissé s'élever, etc...

[ocr errors]

Cette accusation faisait planer sur la tête du général Cavaignac la plus odieuse des imputations, celle d'avoir, par calcul, de sang-froid et pour arriver au but de son ambition, laissé verser un sang précieux, tout en compromettant gravement la sûreté de l'État et même l'existence de la société. Ce n'était plus seulement la prévoyance ou la capacité du général, c'était son honneur qui était attaqué. L'Assemblée était péniblement impressionnée par le spectacle de cette guerre intestine. Le général Cavaignac avait écouté en silence cette série d'accusations; il demande froidement à ses adversaires s'ils ont tout dit, et sur la ré-: ponse de Garnier-Pagès qui déclare s'en référer à l'exposé de son ami Barthélemy Saint-Hilaire, sauf les détails que la discussion pourrait produire, le chef du pouvoir exécutif monte à la tribune et commence cette justification qui eut alors, au moins dans le monde. parlementaire, un si éclatant et si légitime succès.

L'orateur déclare d'abord qu'il n'accepte pas la lutte avec la commission, ce n'est pas elle, en effet, qui l'attaque; ce sont quelques individus, et il les nomme1. Il discute ensuite successivement les chefs d'accusation formulés contre lui et reproduit sur son système stratégique les explications qu'il nous avait déjà données dans le sein de la commission d'enquête.

Ce système n'a pas été improvisé, dit-il, il était depuis longtemps mûri et communiqué à la commission; je lui avais déclaré formellement et elle l'avait accepté, que j'engagerais mes troupes comme je l'entendrais et surtout que je ne les disséminerais pas, comme en 1830 et en 1848, où deux gouvernements sont tombés pour avoir traité des luttes dans Paris comme des affaires de police et non comme des combats sérieux. Or, en Juin, on conviendra qu'il s'agissait bel et bien d'une bataille. Les généraux qui devaient exécuter mes ordres ont approuvé mon système, que je leur avais préalablement communiqué, comme à la commission: une seule dérogation a eu lieu à ce système, à la place des Vosges, où la troupe, disséminée, séparée de ses communications, a été enlevée. Si une semblable lutte recommençait, jamais je ne m'engagerais que quand je saurais à qui j'ai affaire et que je saurais bien où il faut frapper; les barricades ne se sont pas dressées successivement, mais en même temps et sur un plan d'avance concerté : si j'avais de suite engagé les troupes çà et là, je les aurais fatiguées et compromises. J'avais fait donner à chaque soldat une réserve de quatre jours de vivres, et c'est avec ces vivres sur son sac qu'il a combattu. Je n'ai pas voulu que le soldat se battit la nuit, pour le faire reposer et le faire manger; on m'a reproché de n'avoir commencé la lutte régulière que le 24, après-midi. Eh bien! le 23, il y avait déjà 195 soldats de ligne tués ou blessés, et il n'y en a eu que 708 d'atteints dans toute la lutte pendant les trois jours suivants. J'aurais dit que j'étais résolu à livrer bataille dans la plaine SaintDenis; j'ai pu en parler comme d'une dernière ressource à

1. MM. Arago, Marie, Lamartine se tenaient à l'écart.

« PrethodnaNastavi »