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blée constituante qu'appellerait une révision, avec le pouvoir exécutif existant, le seul remède qu'elle ait trouvé aux dangers de cette coexistence d'un pouvoir illimité de sa nature avec un autre pouvoir souverain, c'est d'abréger autant que possible une telle situation; et ce remède, c'est précisément celui que nous vous proposons. Le danger auquel le législateur a cru devoir ainsi pourvoir existe pour nous à un bien plus haut degré vous n'êtes pas, en effet, une simple assemblée de révision éphémère, ne se rassemblant que pour un seul objet, et avertie par la Constitution ellemême de se renfermer strictement dans cet objet. Non, vous avez, réunis dans vos mains, tous les pouvoirs de la société ; vous avez été tout à la fois pouvoir constituant et pouvoir exécutif, et, malgré la sagesse, le patriotisme que vous avez apportés dans l'exercice de cette dictature, il vous est impossible de ne pas vous en souvenir, et ce souvenir suffirait à rendre nos rapports difficiles. Et voyez comme la force des situations domine la volonté des hommes: votre choix, comme votre devoir, est d'accomplir votre œuvre constituante sans vous laisser détourner par d'autres soins; c'est le vœu exprès de la Constitution. Eh bien! que se passe-t-il depuis que la Constitution est faite? quels sont les débats qui ont rempli vos séances? quel jour s'est écoulé sans une nouvelle interpellation sur quelques points de l'administration ou de la politique? Vous vous êtes préoccupés bien plus de gouvernement que de constitution; quant aux lois organiques, vous n'en avez pas fait une seule! (A ces mots, un sentiment de colère, jusqu'alors comprimé, éclate dans la gauche; des cris: A l'ordre le ministre ! partent de ce còté. Allez-vous-en! me crie M. Portalis avec une grossièreté indigne dans la bouche d'un magistrat, et que, dans tous les cas, le respect dû au nom qu'il porte aurait dù lui interdire. Le président le rappelle à l'ordre sa fureur redouble et ses voisins le contiennent à grand'peine.) Voir le Moniteur.

Je laissai passer cet orage, et puisqu'on ne me tenait aucun compte de la modération de mes arguments empruntés à la Constitution elle-même, j'entrai plus avant dans le vif de la question et je m'en trouvai bien.

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... Quand je parle de vos préoccupations étrangères à votre œuvre constituante, est-ce que je dis une chose qui soit nouvelle et que n'attestent pas les procès-verbaux de toutes vos séances? Il ne fallait donc pas venir nous dire à cette tribune, comme on l'a fait, que l'Assemblée ne voulait prolonger son existence qu'en défiance du pouvoir exécutif et pour le surveiller; il ne fallait pas nous faire cet aveu, qu'au fond de votre résistance il y avait la défiance que vous inspire le vote futur du pays! (Réclamations à gauche. Assentiment à droite.) Eh bien! oui, cette défiance est au fond de la question : je ne vous en accuse pas; c'est votre patriotisme qui vous égare et vous fait entrevoir le danger là où il n'est pas. (Nouvelle explosion de colère à gauche. Cris: A l'ordre! de ce côté. M. de La Rochejaquelein: Quoi! on ne peut plus parler de patriotisme égaré! Le président de l'Assemblée: Si ces interruptions continuent, je lèverai la séance. Le calme se rétablit enfin et je continue :)... Je ne suis monté à cette tribune que pour accomplir un devoir; mais, si j'avais à lutter à chaque mot contre des susceptibilités que je ne comprends même pas, mes forces n'y pourraient suffire. Si vous ne me permettez pas de dire ma pensée avec respect, mais en toute sincérité, s'il ne m'est pas donné, sans soulever des tempêtes, de vous représenter respectueusement que votre patriotisme vous égare, je prends facilement l'engagement de renoncer à la parole désormais. Je m'imposerais le silence plutôt que de trahir ma pensée. (Très-bien!) Oui, je le répète : c'est la défiance contre l'élection qui s'avance qui pèse sur votre décision; or, jamais un gouvernement n'a impunément montré de la défiance envers le pays. Rappelez-vous les résistances, les atermoiements apportés à l'élection de cette Assemblée; alors on se défiait aussi du suffrage universel, on disait que l'éducation du pays était encore à faire (Vif assentiment à droite), et vous savez ce que cela a rapporté à ceux qui manifestaient cette défiance. Rappelez-vous les débats qui se sont élevés plus tard sur l'élection du président de la République; on cherchait également à éluder, à retarder ce choix qu'on redoutait. Eh bien ! ces hésitations, ces résistances ont porté leur fruit. Ce sont des expériences qui datent d'hier est-il nécessaire d'une troisième leçon pour vous apprendre que nous sommes tous soumis à un seul juge, le peuple, et qu'on ne gagne rien à contester son

jugement? On ne réussirait, tout au plus, qu'à le passionner. Ah! je vous en conjure, ne commettez pas une telle imprudence; il y va, non de l'existence de quelques ministres, il y va, ce qui est bien autrement important, de la force morale de l'Assemblée, de cette force qu'elle doit emporter tout entière dans sa retraite, avec le souvenir des grands services qu'elle a rendus; il y va aussi de l'avenir du pays qui est si profondément engagé dans le choix de la future assemblée: il faut que ce choix se fasse dans le calme des passions; qu'il ne soit pas influencé par la lutte, ni inspiré par la colère, ce qui arrivera infailliblement s'il est contesté, dénoncé d'avance par vous comme devant être fu neste à la République. Je voudrais que la question, dégagée de toute passion, se posàt ainsi dans toute sa simplicité : Est-il bon, est-il utile au bien du pays, que l'incertitude continue à planer sur le moment où cette Assemblée sera remplacée par l'Assemblée législative? Si cette incertitude exerce une influence fâcheuse sur l'état des esprits, sur la marche des affaires, sur la sécurité et la prospérité publiques, ce que pas un homme de bon sens ne saurait nier, alors que l'Assemblée fixe elle-même, dans sa pleine liberté et selon ses convenances, le terme de ses travaux, et par là elle s'honorera une fois de plus par un de ces grands services dont les peuples gardent la mémoire.

Le grand mot était prononcé. C'est sur ce discours que l'Assemblée procéda au vote. La proposition Rateau fut prise en considération par quatre cents voix contre trois cent quatre-vingt-seize. L'Assemblée, on le voit, était nombreuse et la majorité bien faible, mais cette majorité, toute faible qu'elle était, n'en était pas moins décisive; car s'il est difficile à une assemblée de se proroger contre un mouvement d'opinion tel que celui qui s'était prononcé au dehors, alors même que ce mouvement n'est appuyé dans son sein que par une minorité, à plus forte raison cela lui devient-il impossible lorsque la majorité de ses membres, quelque minime qu'elle soit, vient à sanctionner cette opinion qui commande la retraite.

A partir de ce vote, et en dépit de tous les efforts qui furent faits pour le remettre en question, la dissolution à jour fixe de l'Assemblée constituante fut résolue; mais en même temps, à partir de ce jour aussi, nous ne devions plus compter sur aucun de ces ménagements que nous avions rencontrés quelquefois dans le parti républicain; nous entrions dans les phases d'une lutte de désespérés. La situation du ministère devenait des plus périlleuses; mais celle du pays était dégagée d'un grand danger, et c'est ce qui importait surtout.

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Deux mesures que réclamait impérieusement le rétablissement du bon ordre et de la sécurité publique firent éclater cet orage que nous venions de former contre nous ces deux mesures étaient la fermeture des clubs et la dissolution de la garde mobile. Par l'une nous attaquions l'anarchie dans son foyer, par l'autre nous lui enlevions une arme sur laquelle elle comptait, non sans quelque raison.

Le gouvernement du général Cavaignac avait bien essayé de soumettre les clubs à certains règlements de police, mais ces agglomérations violentes et tumultueuses s'étaient jouées de toutes ces mesures. La justice avait chaque jour à réprimer quelques nouvelles infractions : l'audace avec laquelle elles étaient commises annonçait assez que les clubistes, se souvenant que, sous le Gouvernement provisoire, ils avaient reçu la mission de sauver la République,

n'étaient nullement disposés à se départir de cette dictature révolutionnaire. Ils traitaient avec la dernière insolence les agents de l'autorité. Il fallait en finir de cette lutte qui exaltait chez les uns des passions dangereuses et entretenait, dans le public, une anxiété permanente. Les clubs, d'ailleurs, ne nous avaient pas débarrassés, ainsi qu'on s'en était flatté, des sociétés secrètes, ils les recrutaient, au contraire, et au jour de l'action, ils en formaient l'avant-garde; ils servaient, d'ailleurs, de lien entre les démagogues de toutes les grandes villes de France, et, quoique toute correspondance leur fût interdite, ils n'en communiquaient pas moins entre eux par des voies souterraines, mais rapides et sûres; à tel point que toute émotion ressentie à Paris se propageait au même instant et avec la rapidité de l'éclair à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, et dans toutes les grandes villes de France. Il ne fallait plus songer à pallier un tel danger; il fallait le supprimer et nous n'hésitâmes pas. Le jour où nous portâmes à la tribune le projet de loi qui supprimait les clubs, la Montagne se sentit comme frappée au cœur et poussa descris de rage. - Vous êtes des insolents! criaient les uns; Vous violez outrageusement la Constitution, s'exclamaient les autres. Un acte d'accusation contre le ministère, signé de quarante à cinquante Montagnards des plus déterminés, fut aussitôt déposé sur la tribune. Comme nous demandions la déclaration d'urgence pour notre projet, une commission fut nommée tout de suite et choisit M. Sénard pour son rapporteur, qui conclut au rejet de l'urgence. Cette conclusion présentée et soutenue par un homme qui était l'organe habituel et le plus accrédité du parti républicain modéré et que recommandaient, d'ailleurs, les services signalés qu'il avait rendus à la société dans les journées de Juin, nous annonçait assez le mouvement d'opinion qui, depuis la proposition Rateau,

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