Slike stranica
PDF
ePub

d'esprit ne sauraient faire sans devenir un peu chrétiens. Sa polémique n'aurait plus ce ton de matamore peu convenable et surtout peu en harmonie avec la place qu'il tient dans le monde ; il ne dirait plus que le Pape fait des encycliques insolentes; il s'abstiendrait de beaucoup d'autres facéties d'un goût médiocre ; et que les démocrates lettrés feraient bien de laisser à leurs amis de province; il ne compromettrait plus sa réputation de bon sens et ne ferait plus douter de la solidité de ses études, en disant que la Papauté a fini son rôle, qu'elle n'a plus qu'à garder des tombeaux, qu'elle a été « condamnée, par l'inéluctable >> loi des destinées et par les décrets librement acceptés du » Concile de Trente, à s'abstenir désormais de toute action. » Phrases de journaliste échauffé par la lecture de M. Louis Blanc ! La Papauté n'eût-elle qu'à faire observer les décrets du Concile de Trente, ce serait déjà de quoi vivre ; et le National avouera qu'elle y réussit mieux que lui à faire observer les décrets de la Convention.

Mais le grand profit que le National retirerait d'un peu de papisme, ce serait de comprendre et de servir enfin la liberté, au lieu de jouer pour son compte et à son détriment, tantôt le rôle de Croquemitaine, tantôt celui de Cassandre dans le premier, la rendant effrayante aux gens de bien; dans le second, la faisant battre sur son dos. Double jeu fort bizarre, où le National persévère sans pouvoir expliquer nettement l'avantage qu'il y voit. Car, enfin, que peuvent gagner les idées de liberté à ne se montrer aux yeux des gens que sous la figure blême et fausse des Girondins, ou sous le hideux bonnet des Montagnards, ou sous la casaque malfamée des CorpsFrancs? La liberté n'est-elle pas plus avenante, lorsqu'elle s'avance portant d'une main l'olivier de la paix, et de

l'autre se soutenant à l'étole de Pie IX? N'a-t-elle pas, de la sorte, un visage et une attitude beaucoup plus propres à rassurer ses ennemis? Elle en a, des ennemis, le National ne peut le nier; il ne s'est pas épargné pour en accroître le nombre !

(SUR LE DROIT D'INSURRECTION).

26 octobre 1847.

III. Le National est toujours occupé de nous montrer qu'il y a deux hommes en Pie IX, le souverain temporel des États romains et l'évêque de Rome. Ces deux personnages, à son avis, diffèrent essentiellement l'un de l'autre; tellement qu'en bonne logique l'évêque, « représentant d'une Église traditionnellement et dogmatiquement complice de toutes les tyrannies, » devrait frapper d'anathème les actes trop libéraux du souverain temporel. Pour nous prouver cela d'une façon claire, le National allait nous citer quelques faits appuyés de raisons sérieuses qui, véritablement, n'eussent pas été de trop. Mais le passage suivant de l'allocution prononcée en consistoire secret le 4 octobre l'a dispensé, de se mettre en frais d'érudition:

« Si nous désirons que les princes à qui le Seigneur a donné la puissance, fermant leurs oreilles aux conseils trompeurs et pernicieux, gar

dant la loi de la justice, marchant selon la volonté de Dieu, défendant les droits et la liberté de sa sainte Église, ne cessent jamais, par devoir de religion comme par humanité, de travailler au bonheur et à la prospérité de leurs peuples, nous nous affligeons vivement de ce qu'en divers endroits il se rencontre des hommes parmi le peuple qui, abusant témérairement de notre nom et faisant la plus grande injure à notre personne et à notre dignité suprême, osent dénier aux princes la soumission qui leur est due, soulever contre eux les multitudes et exciter des mouvements criminels. Ce qui est tellement contraire à toutes nos pensées que, dans notre lettre encyclique du 9 novembre de l'année dernière, adressée à tous nos vénérables frères les Évêques, nous n'avons pas manqué d'inculquer ' l'obéissance due aux princes et aux pouvoirs, et de laquelle, suivant le précepte de la loi chrétienne, personne ne peut jamais s'écarter sans crime, si ce n'est dans le cas où il serait peut-être ordonné quelque chose de contraire aux lois de Dieu et de l'Église. »

Le National trouve ce langage «< assez clair ». Néanmoins il ne laisse pas de le commenter un peu, afin d'en conclure plus aisément que si le souverain temporel des États romains donne la liberté à ses sujets, en revanche, l'évêque de Rome voue tous les peuples à un irrémédiable esclavage.

La démonstration n'est pas évidente. Pour la compléter, il faudrait deux petites choses encore : la première, que Pie IX, comme souverain temporel, eût proclamé l'insurrection le plus saint des devoirs; la seconde, qu'on ne pût condamner cette maxime sans condamner aussi les vœux d'une légitime liberté. Malheureusement pour le National, heureusement pour le monde, de ces deux choses, Pie IX n'a fait ni l'une ni l'autre. Il n'est pas plus un révolutionnaire qu'un despote. Sa doctrine est également éloignée de ces extrêmes qui se touchent comme tous les extrêmes. En même temps qu'il rappelle aux princes leurs devoirs envers

les peuples, il rappelle aux peuples leurs devoirs envers les princes, même mauvais, envers les gouvernements, même injustes. Il condamne le prétendu droit d'insurrection, parce qu'avec le droit d'insurrection nulle société ne pourrait être autre chose qu'un va-et-vient perpétuel et sanglant entre le despotisme et l'anarchie. La politique de la religion est ici, comme toujours celle du bon sens et de l'humanité. Elle protége encore plus la liberté qu'elle ne semble profiter au pouvoir.

Les peuples n'ont pas seulement le droit d'être libres, ils ont aussi le droit très important et très essentiel d'être gouvernés; c'est-à-dire, de préférer un ordre quelconque à l'anarchie, qui est la suppression de tout ordre et le règne le plus orageux de la violence. Pour n'en citer qu'un exemple, il y a en France des millions de citoyens très peu satisfaits de l'état de choses actuel, qui, néanmoins, l'aiment mieux que la guerre civile, même avec la perspective de pouvoir, en conscience, après le rétablissement de l'ordre, s'ils n'étaient pas satisfaits, s'insurger à leur tour. Car on ne prétendra sans doute pas que le droit d'insurrection s'épuise par la victoire de ceux qui l'ont d'abord invoqué.

Le National prend trop au sérieux certaines façons de parler en usage dans tous les partis, et spécialement dans le sien. Une faction quelconque prend les armes, tue quelques soldats, s'empare d'une ville : c'est le Pays qui se soulève, dit le National. Point du tout! c'est une faction qui veut donner des lois au Pays, sans avoir consulté le Pays. Si cette faction est assez forte, elle règne par la terreur; si le gouvernement est plus fort qu'elle, il se livre à d'impitoyables représailles, et n'en est que plus dur, une fois raffermi, pour tout ce pauvre peuple qui n'a

pas bougé. On a tué des hommes, pillé des maisons; voilà tout le gain du Pays, trop heureux encore d'en être quitte à si bon marché. Quelle est, depuis 1830, la tentative d'insurrection dont le Pays n'a pas fait les frais? A la fin, il a tenu si ferme au droit de ne pas s'insurger qu'après l'avoir payé de son sang dans les rues de Paris, il a limité autant qu'on l'a voulu tous les autres droits, pour s'assurer la possession de celui-là. C'est ainsi que nous devons aux amis du National les lois de septembre, l'augmentation de la gendarmerie et de la garde municipale, les ruineuses garnisons qui chargent toutes nos villes, les fortifications, etc, etc. Les amis du National auraient mieux fait de s'en tenir aux idées du Pape ; ils seraient plus libres et nous aussi. La liberté aurait pour partisans les trois quarts de ceux qui l'ont sacrifiée au spectre de la guerre civile, et nous ne verrions pas la masse effarée des intérêts écraser brutalement l'opinion.

Est-ce à dire qu'il faut se soumettre en tout, se soumettre toujours, que nulle résistance n'est légitime, hors le cas où la Religion, non seulement permet, mais ordonne de résister? Cette doctrine-là n'est point celle de Pie IX, c'est celle du National; et l'on sait avec quelle ardeur il la prêche en ce moment même, d'accord avec toute la presse libérale, à l'occasion de ceux qu'il appelle les rebelles et les révoltés du Sonderbund. Ces prétendus révoltés ne sont cependant ni sujets ni vassaux de ceux qui les attaquent. Ils se défendent, ils défendent leur souveraineté, la foi de leurs ancêtres et l'honneur de leur patrie; c'est tout leur crime, et on les voue à la destruction! En présence d'une si formidable iniquité, accomplie si effrontément par ceux qui osent lui reprocher de

« PrethodnaNastavi »