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journaux, depuis la Réforme et au-delà, jusqu'au Siècle et en deçà. Quand le citoyen Froussard, maître d'école, déclare que Montalembert n'est pas français, parce que Montalembert s'avoue l'ami des Jésuites, le citoyen Froussard est l'esprit et la voix de toute la bourgeoisie libre-penseuse et républicaine. Vous entendez à la fois, la veille et le lendemain, le citoyen Flocon et le citoyen Perrée, le citoyen Barrot et le citoyen Caussidière, le citoyen Dupin aîné et le citoyen Considérant. Trois jours après les fraternelles affaires de juin, quand tous les blessés ne sont pas hors de péril, quand tous les morts ne sont pas ensevelis, quand l'Archevêque de Paris est encore sur son lit de parade, ces législateurs affamés de paix, d'amour et de justice, pensent avec le citoyen Froussard, avec le citoyen Ménand, avec le citoyen Quinet, qu'avant tout il importe de ruiner dans le pays « l'influence cléricale ! »

Les Arabes racontent qu'afin de décider une tribu à quitter, sous leur conduite, le territoire où elle vivait heureuse, des hommes méchants et ambitieux persuadè– rent à la foule que les puits où tout le monde allait boire étaient empoisonnés. Les puits furent comblés, et la tribu se mit en marche pour aller chercher plus avant dans le désert les beaux arbres et les sources vives qu'on lui promettait. Elle ne trouva que du sable et des ennemis. Il fallut revenir à l'ancien territoire; mais il était devenu aussi aride que le désert, et ceux qui restaient de cette malheureuse tribu, trois fois décimée par la guerre, la fatigue et la faim, moururent de soif près des puits qu'ils avaient comblés.

Cette légende est l'histoire de la monarchie; elle serait celle de la République et de la civilisation française elle

même, si le sentiment profondément catholique de la nation ne résistait aux folles entreprises de la bourgeoisie voltairienne et de cette partie du peuple à qui, après un siècle de travail, elle a pu imposer enfin une irréligion qui est le grand et l'unique péril de la société. Y aura-t-il une résistance, cette résistance sera-t-elle assez vigoureuse? C'est le secret de Dieu, qui sait seul si nos fautes ont dépassé la limite de sa clémence. Mais, nous l'osons dire, nous espérons invinciblement. Sans nous laisser effrayer par les plans développés de la religion nouvelle, malgré l'éloquence avec laquelle M. Quinet, M. Froussard et le National sauront annoncer l'Evangile trouvé par eux sous les pavés de 1848, nous regardons plutôt ces folies comme un symptôme consolant. On sent qu'il faut des vertus à la République, on sent qu'il faut pour racine à ces vertus une religion quelconque c'est une idée bien forte pour beaucoup d'hommes de ce temps-ci, et qu'ils ne s'attendaient pas, l'année dernière, à trouver dans leur cerveau! Laissons-la mûrir et se chercher une formule; le reste ira bien, pourvu que la miséricorde d'en haut seconde un peu ce bon sens chrétien qui subsiste encore dans toutes les parties saines de la vieille France.

LE DROIT A L'ASSISTANCE.

12 septembre 1848.

pour

Il s'agit du droit à l'assistance et du droit au travail. Dans l'état où se trouve la France, il en sera question longtemps encore, malgré tous ces hommes de bien et tous ces hommes de talent que je vois là devant moi, chargés de papiers, gonflés d'éloquence, et qui n'ont besoin que de parler, se disputer et se fusiller un siècle ou deux résoudre le problème. Illustres bourgeois, vertueux socialistes, conservateurs de la société, qui voulez détruire la vieille religion; destructeurs de la vieille société, qui voulez la reconstruire sur une religion nouvelle, avant que je rapporte ce que vous avez lâché aujourd'hui de paroles en faveur du peuple français, souffrez que je conte à mes lecteurs une histoire plus intéressante que tous vos

discours, et que je les entretienne d'un personnage plus savant en socialisme que vous ne l'êtes tous.

Les plus austères d'entre vous, j'en suis sûr, connaissent mademoiselle Déjazet et lui ont fait mainte offrande; je crois même que votre président a pris une loge à son théâtre. Mais connaissez-vous Jeanne Jugan? C'est une humble ouvrière de Bretagne, de ce pays absurde où l'on croit en Dieu, M. Proudhon; de ce pays incivilisable où, sous votre chère monarchie constitutionnelle, bons et sages bourgeois, votre Université faisait frapper de cent francs d'amende une pauvre fille qui, tout en gagnant sa journée de dix sous à filer sa quenouille, se permettait d'enseigner le catéchisme aux enfants du village : et peut-être que Jeanne Jugan n'a appris son catéchisme que de cette façon illégale; car elle sait le catéchisme, et ses parents n'eurent guère de quoi payer les mois d'école. Après avoir servi chez de bons maîtres, elle vivait, à Saint-Servan, de son travail et d'un petit legs dont les pauvres avaient leur grande part. Elle aimait les pauvres, parce qu'elle aimait Dieu. Un jour elle pria son confesseur de lui enseigner à aimer Dieu davantage encore. - Jeanne, lui dit-il, jusqu'à présent vous avez donné aux pauvres ; maintenant, partagez avec eux. La ville est pleine de vieilles femmes indigentes et infirmes ; à peine sont-elles vêtues et ont-elles un abri; elles ne vivent que d'aumônes, elles s'enivrent et se dégradent, et leur âme est totalement abandonnée. Recueillez chez vous une de ces malheureuses; vous la nourrirez, vous la servirez, vous la consolerez, vous lui parlerez du Ciel, et ainsi vous aimerez Dieu plus que vous n'avez fait.

Jeanne, le soir même, avait une compagne, ou plutôt une maîtresse,

Elle s'en trouva si bien, qu'au bout de peu de temps elle en eut une seconde et parla d'en prendre une troisième. Mais, lui dit-on, comment les nourrirez-vous? - Je mendierai, répondit-elle. Et bientôt, au lieu de trois, elle en eut six.

Alors, ses forces n'y suffisant plus, Dieu lui envoya des aides, de simples ouvrières comme elle, qui se consacrèrent à servir ce qu'il y a de plus abandonné dans le monde et de plus repoussant aux yeux de la chair : les vieillards infirmes, hommes et femmes, non-seulement perdus de maladies, mais souvent aussi abîmés, dégradés, rendus méchants par une impiété grossière et par de grossières débauches. Ces bonnes filles n'étaient pas plus riches que Jeanne Jugan. Elles n'avaient rien, absolument rien que leur aiguille, leur jeunesse et leur vertu. Le nombre des pensionnaires croissait. Elles quêtèrent, comme leur fondatrice en avait donné l'exemple, demandant de maison en maison ce que les domestiques ne peuvent pas vendre, ce que l'on donne aux chiens, ou ce que l'on jette les croûtes, les restes de tout genre en viande et légumes, jusqu'aux os et au mare de café. Emerveillée de leur charité, la population entière les accueillit avec joie et respect; elles eurent de quoi suffire aux besoins dont elles s'étaient héroïquement chargées. Tout venait en même temps, tout croissait dans la même mesure, les pauvres, les novices, les offrandes. Jeanne avait commencé par agrandir sa pauvre chambrette; il fallait maintenant une maison. L'argent manquait. Sans se décourager, les hospitalières entreprirent de bâtir elles-mêmes l'hospice, sur un terrain que de riches bienfaiteurs leur avaient donné. On les vit prendre la pioche et apporter des pierres. Alors, la charité des ouvriers s'é

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