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fous d'orgueil, au sein de leurs effroyables succès. C'est ce que M. Thiers appelle la Fortune.

gens.

Telle fut la fortune de Robespierre. Rien de plus étonnant que la Terreur. Une poignée de bandits, non seulement infâmes, mais stupides, faisaient dans toutes les cités la loi à la masse mille fois plus forte des honnêtes Ils allaient de maison en maison arracher la femme à son époux, le père à ses enfants, le frère à ses frères, et ils ne rencontraient point de résistance, et les suspects déjà condamnés n'essayaient même pas d'immoler au moins un de leurs vils bourreaux. Cela passe la raison. Que des chrétiens se fussent soumis par l'héroïque effort d'une foi semblable à celle des martyrs, je le comprends; mais ceux qui se laissaient ainsi décimer étaient loin, la plupart, d'obéir au sentiment religieux. Ils n'attendaient rien du ciel, fermé depuis longtemps à leurs regards. Qui les contraignait? La Terreur, plus forte que l'amitié, que l'amour, que la colère, que la vengeance, et capable d'étouffer jusqu'à l'instinct de la vie. Chose étrange! ces âmes terrifiées étaient d'ailleurs vaillantes. On se laissait égorger avec une sérénité admirable; le crime même, l'impiété même, regardaient hardiment la mort, quand leur tour venait de subir la loi qu'ils avaient faite. Danton mourut bien. Robespierre ne fit pas mauvaise contenance. Le peuple s'étonna des cris de la comtesse Dubarry et de la fièvre de Camille Desmoulins, tant on était accoutumé de voir mourir bravement jusqu'aux courtisanes et jusqu'aux hommes de lettres.

La Terreur rendit seule possible le règne de Robespierre. Robespierre n'était par lui-même qu'un cuistre, et jamais ses apologistes n'en feront autre chose. Comment la France se laissa-t-elle égorger par ce faquin

maussade ? C'est un prodige. Dieu le voulait ainsi pour que le mal eût son cours, pour que le fléau fìt son œuvre. Et ce fléau fut l'homme, afin que la leçon ne restât point inutile et que la portion directrice de l'humanité la comprît.

Le fléau fut l'homme. Devant aucun autre fléau les yeux de l'homme ne se seraient suffisamment ouverts. Si Dieu n'avait voulu qu'appeler à son tribunal une grande multitude de coupables, il aurait pu envoyer la famine, la peste, le feu du ciel et tant d'autres ministres irrésistibles de son courroux. Mais, pour outrager Dieu, l'homme avait érigé ses passions en doctrines; Dieu s'est contenté d'armer ces doctrines, et l'homme a pu connaître le dernier mot des systèmes qu'il s'était créés; il a vu ce qu'il devenait sous leur empire.

Pendant près d'un siècle la société française s'était dit,

par la voix de ses lettrés, que le dogme catholique était un instrument de tyrannie, une prison d'airain sur l'intelligence humaine ; que l'Église catholique arrêtait brutalement le génie et la vertu dans leur essor.

Il vint des hommes qui ne crurent point en Dieu et qui eurent toute puissance : ils furent horribles de vices, de sottise et de férocité. C'est la moitié de l'histoire de la Révolution; c'en est toute la partie humaine, destinée à prouver que l'homme, lorsque son âme et son intelligence ont secoué le joug divin, n'est que le plus cruel des animaux et l'élément de destruction le plus terrible qui soit sur la terre, puisqu'il hait et frappe de préférence le génie, la probité, la vertu, tout ce qui fait l'honneur, la splendeur et la force des sociétés.

II. Cet enseignement sera-t-il perdu? On le pourrait croire à lire les livres qui se font, à écouter les choses

qui se disent, à voir les lois qui se préparent. De redoutables symptômes semblent annoncer une nouvelle explosion de l'esprit du Mal. Mais, d'un autre côté, là où n'apparaissaient, il y a cent ans, que la décadence et la ruine, se montrent des germes nouveaux, pleins de sève et de vigueur. A qui, jusqu'à présent, la Révolution a-t-elle surtout profité? A l'Église que les révolutionnaires voulaient surtout détruire. L'Église, n'a plus les dehors de l'éclat et de la puissance, mais elle en a davantage la réalité. Elle a gagné comme institution divine plus qu'elle n'a perdu comme institution humaine. Voyez si le rang, le pouvoir, la fortune même obtiennent les hommages que l'on rend à sa pauvreté. Il y a un homme devant qui les plus grands par la vertu, qui sont aussi les plus fiers, se mettent à genoux : ce n'est ni le prince de la force, ni le prince de l'or; c'est le prince de la foi. Π y a un roi, un seul, qui peut répondre devant les hommes de la solidité de son trône, c'est le Pape. Et ce Pape a pu être pendant quinze ans, de 1831 à 1846, un vieillard sans audace, on dirait presque sans courage, s'il n'y avait pas toujours du courage dans une conscience docile aux dictées de la foi.

Quelle sera donc la puissance de Pie IX en ce siècle? Il sera, tout l'annonce, le guide et le réparateur qu'invoquait ardemment l'intelligence humaine, fatiguée de son anarchie et épouvantée de ses misères.

Les précurseurs et les pionniers de Robespierre furent le Jansénisme, Louis XV, Mme de Pompadour, Mm Dubarry, Voltaire, Diderot et la foule de ces esprits souvent éclatants qui surent donner une sorte de charme à tous les vices et à toutes les erreurs.

Les précurseurs de Pie IX furent les martyrs de la

foi durant les persécutions révolutionnaires, les prêtres fidèles que l'exil répandit comme une semence nouvelle dans les pays d'hérésie et de langueur; l'héroïque Vendée, noble combattant de la liberté religieuse; Joseph de Maistre, qui porta au gallicanisme une atteinte mortelle; O'Connell, qui réconcilia la religion et la liberté, et cette multitude de saints, ou obscurs, ou tout-à-fait inconnus, mais puissants néanmoins par l'esprit et par le cœur, qui, dans la France, dans l'Europe et jusqu'aux limites les plus reculées de la terre, exerçant en divers sens un apostolat partout le même, ont partout, à haute voix prêché et confessé Jésus-Christ.

Au nombre de ceux qui, avant qu'il ne vînt, travaillaient déjà pour aplanir ses sentiers, on a vu animés d'un zèle dont ils se sont étonnés plus tard, beaucoup de ces esprits frivoles qui ne recherchent que l'encens de l'homme et qui défaillent dans son enivrante vapeur. Ces ennemis actuels de l'Église, lui consacrant les prémices de leur talent, ont jadis poussé dans ses bras plus d'âmes que ce talent affaibli et déshonoré n'en peut aujourd'hui retenir dans l'erreur.

Il ne s'est rien fait de bon, de noble, de vraiment grand depuis un demi-siècle qui n'ait tendu à Dieu par quelque voie; il ne s'est rien accompli d'important nulle part qui n'ait frayé la route à celui qui vient au nom du Seigneur. Astre bienfaisant dont la clarté pénètre jusqu'au fond des ténèbres par les fissures qu'ont ouvertes et élargies de toutes parts tant de commotions politiques!

Les vœux et l'attente de l'Europe, avant 1789, se resumaient dans le nom et dans les pensées ou plutôt dans les passions de Voltaire, un athée! La Révolution

a brisé comme les autres, et plus que les autres, cette cloche dont le timbre aigu troublait l'esprit humain. Elle l'a dispersée en projectiles mortels; il n'est pas de main assez puissante pour les réunir, assez habile pour les refondre. Le nom retentissant, la pensée qui tient aujourd'hui l'Europe attentive, c'est le nom, c'est la pensée de Pie IX, un évêque, un évêque de Rome! Des régions de l'hérésie et même de l'athéisme, l'évêque de Rome voit, sans surprise, arriver au pied de son trône un parfum de louange, doublement étonné de se diriger vers lui et de ne point troubler sa raison.

Et cet évêque n'est si puissant que parce qu'avant tout il est évêque, évêque de Rome et du monde! Il n'est si habile, si glorieux et si aimé que pour avoir connu ses devoirs d'évêque et les avoir accomplis.

Il a pardonné, c'est le devoir d'un évêque; il est patient et indulgent, c'est le devoir d'un évêque; il cherche le bien de son peuple avec cette sollicitude paternelle qui ne se rebute pas de l'ignorance des enfants et qui ne se décourage pas de leur injustice, c'est le devoir d'un évêque; il avertit, il presse, il reprend, il corrige, il maintient sa liberté d'être juste, d'être bon, d'honorer les hommes en les gouvernant, malgré toutes les réclamations de ceux qu'effraie un tel exemple, c'est le devoir d'un évêque! Il sera grand et il dominera le monde, parce que rien ne domptera sa volonté de faire aimer en lui la sainte volonté qui l'éclaire, le Dieu bon qui l'inspire et qui l'a envoyé. On peut douter que le siècle s'achève sans ajouter quelques débris à ces restes d'insignes royaux qui traînent ça et là sur la la terre, brisés pour n'avoir pas voulu se renouveler et. devenus fragiles à force de s'endurcir dans l'orgueil:

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