RELIGIEUX, HISTORIQUES, POLITIQUES ET LITTÉRAIRES PAR LOUIS VEUILLOT Rédacteur en Chef de l'Univers TOME IV 1847-1849 PARIS L. VIVÈS, LIBRAIRE-ÉDITEUR rue Cassette, 23 1857 275.0.145. PIE IX ET LES RÉVOLUTIONNAIRES. On pouvait appeler le parti catholique un parti de libéraux sincères, et seul de tous les partis, peut-être, il méritait complètement un tel nom. Nous avions salué avec une joie, un amour et une confiance incomparables les réformes de Pie IX, notre Père et notre modèle, qui, comme nous, croyait qu'une partie au moins des libéraux voulaient la liberté. La polémique suivante montrera quel combat l'esprit de vraie liberté, l'esprit de liberté catholique, à la veille de la révolution, devait soutenir contre l'esprit démagogique dont le National était alors en France le plus habile et le plus actif instrument. I. PIE IX, 22 août 1847. I. Il n'y a point d'événements fortuits dans le monde, quoi qu'en pense notre faible raison. En vain l'homme secoue l'arbre des destinées, ses fruits n'en tombent que lorsqu'ils sont mùrs, et l'on voit que la tempête ou le souffle qui les détache ne s'est élevé que dans ce but. Les plus grands événements sont les hommes qui viennent, de distance en distance, présider aux transformations des sociétés. Ils se montrent dans le moment précis où la situation les réclame, souples instruments du moteur caché qui les fait agir, malgré l'orgueil qui leur persuade souvent qu'ils sont eux-mêmes ce moteur. Le peuple s'y trompe aussi ; cette erreur est nécessaire à leur mission, surtout quand ils accomplissent une mission de vengeance. On ne voit qu'eux; on croit qu'ils sont seuls; cependant ils ont eu des précurseurs inconnus, et d'autres hommes, dont le concours leur est nécessaire, sont sortis, au moment marqué, des réserves de la Providence, tantôt matières premières que le principal agent doit façonner lui-même à grand'peine, tantôt instruments déjà tout formés et qui attendent qu'on les emploie. A travers les difficultés que ces hommes rencontrent, tout est pourtant d'avance disposé pour eux, et Dieu n'y demande plus que leur action: ils l'apportent avec empressement quand la colère les envoie; ils essaieront en vain de la refuser, lorsqu'ils sont envoyés par la miséricorde. Dieu donne aux siens une croix à porter; mais il les assiste et les rend victorieux, même dans le supplice et dans la mort. Au contraire, les messagers de colère, qui sont des méchants, s'avancent et marchent en triomphe, presque sans y prendre peine, portés par des circonstances que déchaînent de toutes parts des coups ignorants et imprévus. Ils vont, autant qu'il plaît à Dieu, sans que rien leur résiste, jusqu'au jour où il les abime, ivres et |