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chose de bien pis, c'était une soustraction des deniers publics. Appeler cela un secours est la seule manière de l'ennoblir.

J'ai vu de vieux soldats de la garde municipale qu'on employait à l'extraction du minerai de fer. Pour moi, j'approuvais M. le ministre de la guerre et les hommes qui les conduisaient de ne pas les obliger à travailler, je disais : C'est un secours.

Je vous défie de dire que c'est autre chose; si vous le dites, je répondrai que vous en imposez.

Vous leur proposez quelque chose de bien plus cruel encore qu'un secours, c'est l'expatriation. Vous dites à un ouvrier, privé pendant deux mois de travail, à l'ouvrier de Lille, de Roubaix, de Tourcoing, de Rouen Expatriez-vous, allez dans les marais du Cotentin, allez en Afrique... C'est quand vous avez dit cela aux ouvriers des ateliers nationaux qu'ils ont pris les armes et qu'ils ont répondu Nous ne partirons pas !

Vous voyez donc que, quoi qu'on fasse, quand on met de côté les déclamations, c'est un secours qu'on donne, et pas autre chose. La différence entre vous et nous, c'est que ce secours nous le donnons en sachant ce que nous faisons, nous le mesurons d'après les moyens de la société, nous lui donnons son vrai nom, et vous, vous agissez de manière que ce secours soit un acte malhonnête envers la société, car, si elle commande et paye un travail, il faut qu'on le fasse, sous peine de malversation; vous agissez encore de manière

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que ce secours soit dangereux, car il peut devenir la plus redoutable des exigences.

Il faut parler la langue, il faut la parler sincèrement, et avec la connaissance de la valeur des mots. Ce qui est un secours, un acte de bienfaisance, il ne faut pas en faire un droit. Or, je vais vous prouver, par des considérations courtes et décisives, que vous employez la langue hors de son vrai sens, de son sens éternel.

Quand vous venez placer ici le mot de droit, voyez ce que vous faites.

Lorsque quelques ouvriers chôment accidentellement, vous songez à les secourir. Tel gagnait 5 francs, tel autre 6 francs, tel autre 7 francs par jour : vous n'allez pas leur donner 6 francs, 7 francs; vous ne leur donnerez pas même 40 sous, si vous voulez les leur donner longtemps. Je voudrais qu'on pût accorder ces 40 sous; mais enfin il faut songer aux finances de l'État, qui ne sont pas les finances du riche, qui sont celles du pauvre. Vous leur fournirez tout juste de quoi se soutenir deux mois, trois mois. Mais, si c'est un droit, prenez-y garde! On ne plaisante pas avec les droits. Les droits, il faut y satisfaire complètement. On vous dira: Je gagnais 3 francs, donnez-moi 3 francs. Or vous ne donnerez pas même 40 sous; vous leur donnerez tout juste de quoi avoir du pain pendant deux mois, trois mois, et ce serait là un droit! Le droit n'admet jamais d'à peu près.

Puis, selon les circonstances, vous direz à ces

ouvriers Dans quel temps vous adressez-vous à moi? Est-ce en temps de crise ou en temps de prospérité ? Si c'est en temps de prospérité qu'ils viennent vers vous, vous leur direz : Pourquoi vous adressez-vous à l'État? Il y a du travail; vous n'avez pas besoin qu'on vous en procure. Si vous en demandez, c'est que vous voulez faire renchérir les salaires en vous refusant à travailler. Vous direz encore: Je donne dans un moment difficile, je ne donne pas dans un moment de prospérité. En effet, si vous alliez donner à tout venant, dans tous les moments, savez-vous ce que vous feriez? Vous bouleverseriez l'industrie par l'élévation arbitraire du prix de la main-d'œuvre.

Et ce n'est pas une chimère que j'imagine ici : au nombre des ouvriers des ateliers nationaux, il y en avait qui quittaient leurs maîtres parce qu'ils étaient mécontents d'eux, et d'autres parce qu'ils voulaient faire augmenter la main-d'oeuvre. Vous ruineriez donc l'industrie du pays si vous admettiez sans distinction ceux qui se présenteraient.

Il faut, par conséquent, que vous vous réserviez le jugement des cas, que vous disiez : Je donne aujourd'hui, je ne donne pas demain; je donne en hiver, je ne donne pas en été; je donne en temps de crise, je ne donne pas en temps de prospérité.

Et vous appelleriez cela un droit, quand vous resteriez maîtres des cas où il y aurait lieu de l'exercer! Non, ce n'est pas un droit, ou vous oubliez la langue. (Très bien!)

Mais maintenant voulez-vous voir, par un autre exemple, combien le mot droit est maladroitement appliqué ici? Un droit, Messieurs, n'admet pas d'exception entre les classes des citoyens; un droit s'applique à toutes. Le droit d'écrire, par exemple, tout le monde peut l'exercer; des ouvriers écrivent. Nous avons vu, dans les années qui ont précédé celle-ci, un excellent journal qui était rédigé par des ouvriers, dont quelques-uns sont ici auprès de nous; et nous sommes honorés de nous trouver auprès d'eux, car ils sont au nombre des hommes dignes et éclairés de l'Assemblée. Tout le monde peut donc écrire, c'est un droit pour tous; mais un droit que telle classe pourrait exercer, et pas telle autre, vous oseriez l'appeler un droit!

Voilà un ouvrier qui se présente à son vêtement, à son langage, vous le reconnaissez pour un ouvrier qui travaille de ses mains. Vous l'accueillez, vous lui donnez du travail si vous le pouvez. Mais, si c'est un individu d'une classe plus élevée qui se présente et dise: Je n'ai pas d'emploi; vous lui direz Vous êtes un solliciteur, retirez-vous; et vous aurez raison. (Rires approbatifs.)

On a fait des caricatures sur cette manière d'entendre le droit au travail; sous le comique de ces caricatures se cachait un sens vrai et profond.

Un droit est le patrimoine de tout le monde. Quand ce n'est que le droit d'une classe, ce n'est pas un droit; un droit qu'on accorde à celui-ci et qu'on refuse à celui-là n'est pas un droit.

Vous avez donc mal parlé la langue, je vous le répète. Si le mal se réduisait à la langue mal parlée, nous prendrions patience, car nous sommes résignés, tout en prenant au sérieux la Constitution, à laisser passer beaucoup d'expressions qui peuvent offenser des esprits exercés et délicats. Mais, quand on parle mal la langue, et que les expressions impropres peuvent amener des journées de Juin, permettez-nous, Messieurs, de réclamer la justesse rigoureuse du langage.

Je suis d'avis que le gouvernement s'applique à procurer aux ouvriers atteints par le chômage autre chose que des travaux de manouvriers. Je ne crois pas impossible, quand l'État est chargé de vêtir des soldats, de faire des machines, d'élever des constructions, je ne crois pas impossible que l'État puisse venir au secours des ouvriers dans les temps de chômage. Je pense qu'il doit réserver certains travaux publics pour les substituer aux travaux privés, quand les travaux privés viennent à manquer. Mais tout cela est borné, tout cela est accidentel, tout cela tient à des combinaisons qui peuvent réussir ou ne pas réussir.

Dans tous les cas, il faudra donner des secours aux industries de luxe, car, si l'État doit vêtir des soldats, il ne peut pas les vêtir de soieries; il ne peut pas établir des manufactures de meubles. Il y aura inévitablement des classes que, par les travaux de l'État, vous ne pourrez pas occuper. Si à un orfèvre vous

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