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alliez offrir une pioche, vous seriez barbares au lieu d'être secourables. A celui-là ce n'est pas du travail, c'est un secours qu'il faudra donner.

Ainsi, quoi qu'on fasse, c'est un secours que l'État peut donner, et pas autre chose. Il ne faut donc pas l'appeler droit.

Et puis faut-il vous parler du danger où vous vous trouveriez, lorsque ces classes se présenteraient devant vous, armées non plus du titre toujours si imposant de la misère, mais d'un article de votre constitution? La situation serait beaucoup plus difficile. Dans de terribles journées comme celles de Juin, ce n'est pas assez que d'avoir la force pour soi, il faut qu'à la force se joigne le droit, le droit clair, incontestable. Pensez, au surplus, à l'ancien article 14, et prenez garde d'armer un souverain nouveau d'un autre article 14! (Vive approbation à droite.)

Permettez-moi, en finissant, de présenter une dernière considération, c'est la considération financière. Il faut pourtant savoir quelle est la source à laquelle vous puiseriez pour satisfaire à ce nouveau droit si redoutable, si faussement appelé droit, que vous voulez introduire dans votre constitution. Oh! si la question était celle-ci si c'était tout le peuple, entendez-moi, si c'était tout le peuple en présence du trésor, et que ce trésor fût celui du riche, ah! je vous écouterais. Mais, d'un côté, il n'y a pas tout le peuple; de l'autre, il n'y a pas le trésor du riche. Quelques mots suffiront pour me faire comprendre.

Comme je le disais tout à l'heure, ces classes condamnées au chômage ne sont pas tout le peuple; elles ne représentent qu'une portion, une portion infiniment petite du peuple : celle qui est agglomérée dans les villes, et qui, je le répète, sans le vouloir, sans le savoir, est souvent un instrument.

En présence de cette portion du peuple, qu'y at-il? Il y a le trésor. Est-ce le trésor du riche? Non; quoi que vous fassiez, le trésor est toujours le trésor du pauvre. Quelques mots éclairciront complètement cette vérité.

On nous.dit: Mais, jusqu'ici, on a fait payer les impôts aux pauvres et non pas aux riches, et, quand on les fera payer aux riches, la question changera.

Eh bien, Messieurs, essayez, combinez des impôts. Vous avez eu au pouvoir des hommes qui avaient toute votre confiance et qui la méritaient : M. GarnierPagès par exemple. D'autres sont venus après lui. Ont-ils trouvé si facile de faire produire la masse de l'impôt par le riche? Je vais vous dire ce qui embarrasse tous les financiers, gens de routine, si vous voulez. C'est qu'en définitive le trésor est toujours le trésor du pauvre et non pas celui du riche, parce que les riches sont très peu nombreux. Si vous aviez étudié les tables de la population, vous verriez que, quelque combinaison qu'on emploie, en définitive, c'est toujours le grand nombre qui paye.

Ce n'est pas après en avoir trop apporté ici, que je vais encore vous donner des calculs; je ne présen

terai que des résultats généraux. Vous prendriez, par la loi agraire, par le communisme, toute la fortune de ceux qui méritent le titre de riches en France, que vous ne payeriez pas une année des dépenses publiques. De quelque manière que vous vous y preniez, que vous reversiez les impôts de consommation sur l'impôt foncier, vous ne faites rien que de vous adresser d'un pauvre à un autre.

Savez-vous ce que vous faites quand vous dégrevez certaines espèces d'impôts, l'impôt de consommation par exemple? Vous diminuez le prix du vin pour faire augmenter le prix du pain. Vous chargez la terre sans cesse, vous vous occupez du peuple des villes, et vous ne songez jamais au peuple des campagnes, ou du moins, par les mesures que vous prenez, on est fondé à croire que vous n'y songez pas.

Ainsi, par exemple, si vous voulez augmenter l'impôt foncier, c'est le peuple le plus intéressant, le plus patient, le moins salarié, que vous chargerez. Que vous proposez-vous donc en réalité? De fournir arbitrairement, pendant un temps de l'année, un salaire, un salaire obligé, appelé droit, à une partie infiniment petite de la population, et en prenant où? Dans le trésor de tout le peuple. Voilà le vrai. En présence d'une telle situation, permettez-nous, à nous qui voyons tous les intérêts, ceux qui sont d'un côté et ceux qui sont de l'autre, de chercher à vous arrêter, et de vous prier instamment de les bien peser tous. Ce trésor dans lequel vous allez puiser sans

ménagement, c'est un trésor qui n'est pas inépuisable, qui est très limité, qui est celui du pauvre, et, pour vous arrêter, nous faisons appel, non plus à votre humanité, mais à quelque chose de plus élevé, à votre justice.

(Marques nombreuses d'une vive adhésion.)

M. Mathieu de la Drôme s'étant rallié à un amendement de M. Crémieux, ainsi conçu : « La république doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail; elle reconnaît le droit de tous les citoyens à l'instruction, le droit à l'assistance par le travail et à l'assistance dans les formes et aux conditions réglées par la loi, » cet amendement, mis aux voix, fut rejeté à la majorité de 596 bulletins bleus contre 187 blancs.

L'Assemblée adopta définitivement la rédaction proposée par la commission, et cette rédaction est devenue l'art. 8 du préambule de la constitution du 4 novembre 1848.

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