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autrefois la noblesse, cependant il est vrai aussi qu'il y a plus d'enfants des classes aisées dans le corps des officiers que d'enfants du peuple, et ce n'est pas là de l'aristocratie. C'est la hiérarchie naturelle de la société qui le veut ainsi, hiérarchie que vous ne pouvez pas détruire. Ces enfants des classes aisées forment, grâce à l'éducation des écoles, cet admirable corps des officiers français, qui fait la principale force de notre armée. Nos soldats sont braves. Moi qui ai passé ma vie à célébrer leur gloire, on ne me suspectera pas apparemment de vouloir la sacrifier à quelque classe que ce soit; mais consultez les étrangers, et ils vous diront: L'Anglais est brave, le Prussien est brave, le Russe est brave aussi. Mais qu'est-ce qui fait la supériorité de l'armée française? Ce sont les officiers. Savez-vous à quoi tout le monde attribue cette supériorité de nos officiers? C'est qu'en France il y a ce qu'on appelait en 1789, ce que j'appellerai aujourd'hui, sans que je croie commettre un outrage envers la démocratie, il y a le tiers état, le tiers état le plus nombreux, le plus puissant, le plus étendu qui se rencontre dans aucune partie de l'Europe. Ce tiers état, c'est notre bourgeoisie elle-même. Elle est fière, elle est susceptible comme les classes qui autrefois étaient au-dessus d'elle, et qui, depuis 1789, n'y sont plus; elle est fière, elle est brave, elle est éclairée, elle a toutes les ambitions. (Très bien! Très bien!)

C'est elle qui fournit les officiers... (interruption) non pas seule, je le sais bien. Qu'on ne me prête pas

VIII.

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une pensée qui serait absurde, en parlant ici devant la démocratie française réunie tout entière. Non, je ne dis pas qu'elle les fournisse elle seule. Nos lois disent qu'un tiers des places sera exclusivement réservé aux sous-officiers de l'armée. Mais enfin les deux autres tiers sont remplis par cette jeunesse des écoles, qui est si éclairée, si instruite, et que tous les militaires regardent comme une pépinière excellente. Voyez cette école de Saint-Cyr, rappelez-vous ces élèves qui sont venus, il y a quelques mois, veiller. auprès de nous; rappelez-vous cette jeunesse pleine de vivacité, d'ardeur, qui a toutes les qualités de l'ancienne aristocratie, quant au cœur, et qui, en outre, possède les lumières qu'une longue éducation peut seule procurer.

Eh bien, vous voudriez, avec votre égalité de service, envoyer ces jeunes gens manier le mousquet, au lieu d'aller à Saint-Cyr apprendre les éléments de l'art militaire, à Saumur apprendre le maniement et la connaissance du cheval, à Metz apprendre la science de l'artillerie.

Ce que vous demandez, ce serait l'abaissement de l'armée française. Vous y supprimeriez toutes les lumières.

M. LE MINISTRE DE LA GUERRE. Nous n'avons rien demandé de ce que vient de dire l'honorable préopinant. (Mouvements en sens divers.)

M. THIERS.-Comment! M. le ministre de la guerre, qui a vu avec quel soin j'ai cherché à écarter ce débat

de lui et du cabinet, qui sait que je ne m'adresse qu'à un amendement extrêmement démocratique, le seul contre lequel je combatte, comment M. le ministre de la guerre vient-il me prendre pour adversaire quand je ne le suis pas! Comment veut-il me faire son adversaire, quand je ne veux pas l'être! J'accepte toutes les luttes lorsqu'on le veut, mais je supplie de ne pas m'y réduire. M. BRUNET. L'armée ne peut pas accepter les distinctions que vous voulez faire.

M. LE PRÉSIDENT. Je vous invite à vous abstenir de toute interruption.

M. THIERS. Je citerai peut-être à mon interrupteur des autorités militaires qui lui prouveront que l'armée peut accepter ce que je dis.

Voix nombreuses. Parlez à l'Assemblée! Parlez à l'Assemblée!

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M. LE PRÉSIDENT. L'inconvénient des interruptions a précisément ce résultat, que l'orateur est provoqué à s'expliquer, et alors la discussion générale est interrompue. (Marques d'assentiment.)

M. THIERS. Vous voyez, Messieurs, que je supporte patiemment toutes les interruptions; mais je supplie cependant les interrupteurs de me les prodiguer un peu moins, car il est impossible de suivre un raisonnement de quelque étendue, si l'on est interrompu à chaque instant. (Parlez! Parlez!)

Ces jours derniers, un orateur de ce côté (la gauche) a quitté la tribune, et il était bien moins interrompu que moi. (Dénégations à gauche.)

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M. DE LA ROCHEJAQUELEIN. Ne la quittez pas, quoi qu'il arrive.

M. THIERS. Je n'ai pas voulu établir de distinctions dans l'armée, je n'ai pas voulu y porter cette déplorable distinction qu'on apporte sans cesse à la tribune entre les pauvres et les riches. J'ai dit, j'ai reconnu qu'il est écrit dans nos lois que tout soldat, comme l'a dit un roi, si vous me permettez de citer un roi à cette tribune, que tout soldat a le bâton de maréchal dans sa giberne. Tout le monde sait cela depuis 1789, et dans ce temps-là on se connaissait en liberté. Néanmoins, depuis 1789, le tiers état n'a cessé de fournir la grande masse des officiers. Il faut donc que les enfants du tiers état, s'ils ont le goût des armes, reçoivent une éducation spéciale. Mais les faire simples soldats, les condamner à porter le mousquet, serait une détestable manière de s'y prendre, et je dis qu'il vaut mieux les envoyer à Saint-Cyr, à Saumur, à Metz, dans les écoles militaires, où, pår une éducation spéciale, ils apprendront à former cette classe d'officiers éclairés, auxquels est due la supériorité de notre armée. Je dis que j'aime mieux cette éducation pour eux que l'éducation du mousquet qu'ils pourraient acquérir pendant les sept ans passés dans un régiment.

Je dis donc qu'il est d'expérience certaine, incontestable, que la vie militaire doit être une profession spéciale chez les nations civilisées, et qu'il n'y a que les peuples barbares chez qui tout le monde soit soldat.

J'arrive maintenant à cette partie du sujet que j'appelais tout à l'heure le fond de la question, et à laquelle on voulait m'amener avec une certaine impatience, aussi peu bienveillante que peu polie.

M'y voici.

On allait trop vite, néanmoins on avait raison en disant que l'interdiction du remplacement n'était possible qu'avec trois ans, deux ans de service, c'est-àdire avec le système prussien. Oui, je sais que tels seraient les résultats, si cette mesure déplorable pouvait devenir loi. La première année, on n'y penserait pas, car on se hâte de faire passer un principe, laissant les conséquences venir ensuite quand elles peuvent. La première année, on ne dirait rien. Puis on demanderait la réduction des années de service à six ans, à cinq ans, à trois ans, à deux ans.

Mais les conséquences de ce changement seraient graves. J'ai vu les militaires signalés par une grande expérience, par d'illustres faits d'armes, être tous d'accord sur ce sujet, il y a quelques années. Je n'ai pas, il est vrai, consulté ceux qui servaient en Afrique, ils n'étaient pas à Paris, mais tous ceux qui avaient fait nos grandes guerres, qui s'étaient signalés par les actes les plus glorieux, étaient unanimes sur ce point qu'il fallait allonger le service au lieu de le raccourcir.

M. LE GÉNÉRAL SUBERVIE. Non!

M. THIERS. Tous ceux qui comptent étaient unanimes.

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