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fite pour lui-même, et se garde d'en faire profiter l'acheteur.

Supposez, par exemple, un fermier qui supporte un fermage de 12,000 francs; qui, pour acquitter ce fermage, ses impôts, ses frais de culture, l'intérêt des capitaux employés sur la terre qu'il exploite, a besoin d'obtenir pour 36,000 francs de produits de toute sorte, et qui trouverait dans l'abaissement subit du prix de son bail un avantage de 2,000 francs, et, par suite, le moyen de vendre l'hectolitre de froment un franc meilleur marché, croyez-vous qu'il se hâterait de réduire de 20 à 19 francs le prix de cet hectolitre de froment? Évidemment il garderait pour lui cet avantage, surtout la condition nouvelle qui lui est faite n'étant pas générale et ne s'appliquant qu'à une partie du territoire. Sans doute, lorsque, par l'effet des saisons ou des mouvements extraordinaires du commerce des grains, on voit, dans l'espace d'une année, le prix de l'hectolitre varier de 40 à 15 francs, ainsi que nous venons de le voir de 1847 à 1848, et même quand les variations sont beaucoup moindres, le prix des aliments s'en ressent tout de suite; mais une réduction forcée, violente, dans les fermages, d'où pourrait résulter une diminution d'un franc dans le prix de l'hectolitre, cette réduction surtout n'étant que partielle, n'aurait évidemment aucun effet sensible.

Croyez-vous encore qu'un marchand de l'un des grands quartiers de Paris, qui paye 5 ou 6,000 francs par an le magasin dans lequel il vend des étoffes,

VIII.

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des bijouteries, des ameublements, qui a 25 ou 30,000 francs de frais, qui est obligé de faire 150,000 ou 200,000 francs d'affaires, quelquefois 300,000 francs, et à qui, par un abaissement de loyer, vous auriez procuré 800 ou 1,000 francs de diminution sur ses frais, pourrait vendre à beaucoup meilleur marché les 2 ou 300,000 francs de marchandises sur lesquelles reposent ses bénéfices? En supposant qu'il voulût faire profiter l'acheteur de la diminution que vous lui auriez procurée, c'est à peine s'il pourrait lui accorder un demi pour cent.

Bien que de telles chimères méritent à peine d'être discutées, il n'est pas inutile de vous montrer la frivolité des calculs sur lesquels elles s'appuient. Ce prétendu crédit réciproque, qui reposerait sur un sacrifice égal imposé à tous, et sur un retour de bon marché dont tous profiteraient aussi, est donc une pure fable, car le sacrifice n'est imposé qu'à quelques-uns, et il est à peine profitable à quelques autres, qui n'en feraient profiter personne.

Maintenant, à considérer la chose du point de vue du crédit, peut-on considérer comme un véritable secours les 800 ou 1,000 francs laissés à un marchand, ce qui, pour le terme échu de son loyer, formerait un total de 4 ou 500 francs?

Transportez-vous dans ces riches quartiers de Paris, dont je parlais tout à l'heure, où le marchand est obligé de faire de 150,000 à 300,000 francs d'affaires par an pour obtenir un bénéfice raisonnable, et de

vendre, par conséquent, depuis 10 jusqu'à 25,000 francs de marchandises par mois; transportez-vous auprès de lui, et questionnez-le sur sa situation. Il vous dira ce que quelques-uns d'entre eux me disaient à moi-même ces jours derniers, qu'indépendamment de leurs malheurs de famille, car il y a telle rue où il y a sept ou huit morts et une douzaine de blessés, grâce à certaines doctrines, ils n'ont quelquefois pas vendu pour 1,000 francs de marchandises par mois. J'en ai entendu un qui, depuis quatre mois, avait à peine vendu pour quelques centaines de francs. Qu'importeraient à ces marchands leurs loyers et leurs impôts, si leur commerce recouvrait une partie de son activité première? Ils donnent tous les jours euxmêmes la preuve de ce qu'ils pensent à cet égard, en quittant un quartier où une boutique leur coûte. 3,000 francs, pour aller s'établir dans un autre, où la même boutique leur en coûte 6,000, uniquement parce que la circulation des passants y est plus active et plus continue.

Ce n'est point le manque de quelques centaines de francs pour continuer son commerce, ou le manque de quelques centaines de francs pour continuer ses cultures, qui constitue aujourd'hui la gêne du commerçant et de l'agriculteur. C'est le défaut de vente qui fait que le marchand n'achète pas au fabricant, que le fabricant ne fait pas travailler de peur de ne pas placer ses produits, que l'ouvrier demeuré sans ouvrage a de la peine à payer les denrées, que

les matières premières, ne sortant pas des dépôts des douanes, ne fournissent rien à l'impôt, que dès lors le crédit de l'État est ébranlé, et, à la suite de ce crédit, le crédit de tout le monde. Rendez quelque sécurité à celui qui possède des terres, des maisons, des capitaux placés, faites qu'on lui paye ses revenus, et il payera șes impôts d'abord, puis il reviendra au goût de consommer lorsqu'il aura recouvré les moyens de payer, et que, sa prudence cessant d'être alarmée, il ne sera plus tenté de tenir son argent en réserve pour des circonstances extraordinaires que tout le monde, à voir ce qui se passe, n'est que trop fondé à redouter.

Cet étrange système de crédit réciproque est donc exactement le contraire de ce qu'il faudrait aujourd'hui pour rétablir le crédit public et privé. L'auteur nous disait qu'il voulait remonter l'horloge sociale arrêtée. Nous lui répondons qu'il la brise. Avec beaucoup de violence, avec le renversement de tous les principes, il extorquerait à peine quelques chétives sommes, pour les dispenser, en forme de dons frauduleux, à des gens à qui elles ne profiteraient pas, et il arrêterait à l'instant même ce flot abondant que la confiance rétablie ferait couler dans tous les canaux de la production. Consolidez la propriété, rassurez-la, et, agissant alors avec la puissance et l'universalité de la nature, elle versera ses capitaux sur le travail vivifié. Alarmez-la, au contraire, elle se raidira, se soustraira à toutes vos violences, et s'enfuira en ne vous laissant, avec la misère, que la honte de vos odieux procédés.

Cette soustraction d'un sixième sur les fermages, loyers, intérêts de capitaux, ne se justifie donc sous aucun rapport et demeure ce qu'elle est véritablement, ou une audacieuse violation de la propriété, ou une prime accordée à la délation, si l'on considère le projet comme un système d'impôt. C'est sous ce dernier rapport que je dois maintenant l'examiner.

L'auteur nous a dit que, par le sixième abandonné aux fermiers, locataires, débiteurs de créances, on verserait d'un côté 1,500 millions sur le travail, et que de l'autre, par le sixième destiné à l'État, on ferait entrer 1,500 millions dans le Trésor à titre d'impôt, c'est-à-dire qu'on se procurerait 3 milliards d'un seul coup. Sans doute ce serait là un merveilleux résultat. Toutefois il faudrait d'abord se dire que, si en effet on pouvait enlever par une seule mesure 3 milliards aux uns pour les transporter aux autres, le déplacement seul, fût-il juste et parfaitement conduit, devrait amener un bouleversement inouï, et que, quand même on aurait donné aux uns le moyen de produire, on aurait probablement aussi ôté aux autres le moyen d'acheter. Mais ce sont là de vaines suppositions, dénuées de tout fondement; et ce prétendu système, qui devrait procurer aux producteurs 1,500 millions de crédit, à l'État 1,500 millions d'impôt, ne remuerait pas le dixième de ces sommes, quand même on se résoudrait, pour un résultat matériel insignifiant, à produire un mal moral immense.

Je ne vous répéterai pas ce que je vous ai déjà

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