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un si urgent besoin, n'allez pas créer vous-mêmes des causes de haine, de résistance, de révolte peut-être, car ce serait pour la République elle-même la plus insensée de toutes les conduites!

Et nous, que vous accusez de nourrir des sentiments contraires à l'ordre de choses actuel, que vous accusez à tort, car, si nous sommes conséquents avec notre passé, nous sommes gens de légalité, nous respectons la République comme la loi du pays; nous, dis-je, nous vous conjurons de ne pas créer des obstacles à cette République, et vous, ses soutiens par excellence, qui vous croyez les seuls appelés à la diriger, qui vous révoltez qu'on vienne essayer de la gouverner avec vous, en même temps que vous, à côté de vous, qui devriez dès lors vous regarder comme plus particulièrement chargés de son avenir, de son salut, de sa grandeur, vous viendriez demander d'altérer la principale de ses institutions, celle qui lui assure la force militaire ! Ce serait la conduite de gens qui aiment beaucoup sans doute, mais qui aiment mal, qui aiment en aveugles.

(Vive approbation.)

L'amendement Deville fut rejeté à la majorité de 663 voix contre 140, et l'Assemblée adopta une nouvelle rédaction proposée par M. Deslongrais, et portant que le mode et les conditions de la faculté, pour chaque citoyen, de se libérer du service militaire personnel, seraient réglés par la loi de

recrutement.

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En prenant possession, le 20 décembre 1848, de la présidence de la République, à laquelle il avait été appelé par le vote plébiscitaire du 10 décembre précédent, le prince Louis Bonaparte avait constitué un cabinet composé d'anciennes notabilités parlementaires, parmi lesquelles M. Odilon Barrot, chargé, avec le titre de président du conseil, du portefeuille de la justice, et M. Drouyn de Lhuys de celui des affaires étrangères.

La révolution du 24 février avait eu son contre-coup en Italie, et y avait amené de graves perturbations. La Lombardie s'était révoltée contre le gouvernement de Vienne, et, avec le concours du roi de Sardaigne Charles-Albert, avait expulsé de son territoire les troupes autrichiennes. Mais ces dernières, mettant à profit le désaccord survenu entre les vainqueurs, avaient repris l'offensive, occupé Milan, et obligé le roi Charles Albert à rentrer en Piémont. D'un autre côté, le grand-duc de Toscane et le duc de Modène avaient dù quitter leurs États, la République avait été proclamée à Venise et enfin à Rome, où le parti révolutionnaire dominait complètement depuis l'assassinat du ministre

Rossi, le pape n'était plus qu'un prisonnier dans son palais. Le gouvernement provisoire de M. de Lamartine ainsi que le pouvoir exécutif du général Cavaignac s'étaient abstenus d'intervenir dans ces divers événements, et s'étaient bornés à offrir au Saint-Père d'envoyer une brigade à Civita-Vecchia pour protéger sa personne, à titre de chef de la catholicité, et à prévenir, par une médiation faite de concert avec l'Angleterre, l'entrée des Autrichiens victorieux en Piémont. Mais, dans le courant de février 1849, le pape ayant quitté Rome, s'était retiré à Gaëte, et la République romaine avait été proclamée. De plus, un mois après, au nord de la Péninsule, le roi Charles-Albert, en butte aux obsessions et accusations du parti révolutionnaire, avait repris l'offensive contre les troupes autrichiennes et avait été battu à Novare. A la suite de cette défaite, qui mettait son royaume à la merci de l'armée victorieuse, ce prince avait abdiqué en faveur de son fils Victor-Emmanuel, et, sur la demande qui lui en avait été faite par les deux représentants de l'Angleterre et de la France à Turin, le général Radetzki, chef de cette armée, avait accordé un armistice et suspendu la marche de ses troupes.

En communiquant à l'Assemblée nationale, dans sa séance du 28 mars, la nouvelle de ces graves événements, M. Odilon Barrot avait ajouté que, bien que le roi CharlesAlbert eût agi contrairement aux avis de la France et que le dénouement de son entreprise ne fût que trop prévu, le gouvernement français n'en était pas moins résolu à sauvegarder, avec l'intégrité du territoire piémontais, la dignité et l'intérêt de la France. Le comité des affaires étrangères, saisi de cette communication, proposait le lendemain à l'Assemblée une résolution portant que si, pour mieux garantir l'intégrité du territoire piémontais et mieux sauvegarder les intérêts et l'honneur de la France, le pouvoir exécutif croyait devoir prêter à ses négociations l'appui

d'une occupation partielle et temporaire en Italie, il trouverait dans l'Assemblée nationale le plus entier et le plus sincère concours.

Au début de la discussion qui suivit la lecture de ce projet d'ordre du jour, M. Drouyn de Lhuys déclara que le gouvernement accepterait avec empressement de l'Assemblée toute offre de concours qui lui laisserait sa liberté d'appréciation et d'action, et il ajouta que, du reste, le chef du cabinet autrichien, le prince de Schwarzenberg, avait donné au ministre de France à Vienne l'assurance que l'Autriche ne voulait rien enlever au Piémont, et qu'elle était même prête à accorder toutes les garanties et à prendre tous les engagements que la France et l'Angleterre pourraient désirer à cet égard; qu'elle se réserverait seulement d'exiger le remboursement des frais de guerre et n'irait pas au delà de cette prétention, dont la légitimité lui semblait incontestable.

Mais les explications de M. Drouyn de Lhuys ne parurent pas suffisantes à M. Ledru-Rollin, qui jugeait l'occasion favorable pour intervenir d'une façon active en Italie au profit de la révolution et briser ainsi les traités de 1815. Il rappela à ce sujet que deux ans auparavant, dans un banquet à Saint-Quentin, le président du conseil, M. Barrot, avait déclaré que, si le conflit s'engageait en Italie entre le gouvernement autrichien et le peuple combattant pour ses droits et sa nationalité, la France ne pourrait rester indifférente, et qu'en 1839 M. Thiers lui-même avait vivement blâmé M. Molé d'avoir, par l'abandon d'Ancône, compromis l'influence de la France dans la Péninsule. Ces deux hommes d'État, fit observer M. Ledru-Rollin, ne pouvaient avoir oublié des paroles aussi solennellement prononcées, et, pour être conséquents avec eux-mêmes, ils devaient venir de nouveau soutenir à la tribune les opinions qu'ils avaient naguère exprimées.

M. Thiers prit la parole pour répondre à M. LedruRollin.

Citoyens représentants,

J'ai été la cause, hier, du renvoi de la discussion à aujourd'hui; j'en demande pardon à l'Assemblée. Je crains de ne pouvoir la dédommager du temps qu'elle aura perdu par un accroissement suffisant de lumières. sur le sujet qui l'occupe. Je voudrais cependant avoir toutes mes forces pour approfondir la grave question qui vous est soumise. Je ferai de mon mieux; pour l'éclaircir, je surmonterai ma faiblesse et ma répugnance à monter à la tribune.

J'éprouve, dans un sujet si grave, un besoin, celui d'une parfaite clarté. Je ne comprendrais pas que, dans un tel sujet, on se cachât les uns et les autres derrière des expressions équivoques et ambiguës. (Très bien!) C'est ce besoin de clarté qui, dans un sujet suprême pour le pays, m'a fait, malgré l'état de mes forces, demander à prendre la parole, et ce n'est pas, je vous demande la permission de le lui déclarer, l'attaque de l'honorable M. Ledru-Rollin. Non pas que je dédaigne une attaque de sa part, loin de moi une telle inconvenance; mais vraiment celle par laquelle il a tenté de m'attirer à cette tribune n'était pas sérieuse.

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