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Rien n'est dans sa situation naturelle, rien; tous les États, un seul excepté, tous sont dans une situation fâcheuse, tous sont obligés de songer à l'intérieur, de se défendre contre les ennemis redoutables qui menacent leur repos. L'Autriche, l'Allemagne, l'Angleterre elle-même, toutes ont de grandes préoccupations. Il n'y a qu'une puissance qui profite, et savez-vous de quoi? De la désorganisation sociale. Savez-vous ce qu'il faut faire pour rétablir la balance en votre faveur? Il faut sortir du désordre, il faut organiser ses forces, et prendre une leçon, savez-vous de qui? Du seul État qui n'ait pas été ébranlé dans cette désorganisation générale. Cet État, qui n'a pas eu de fâcheuse situation à traverser, est le seul qui n'ait pas eu de malheur dans sa politique. Ce n'est pas parce qu'il est dans les mains d'un pouvoir absolu, je ne fais pas cet honneur au gouvernement absolu, mais c'est un fait qu'il est le seul qui n'ait pas souffert de la désorganisation de ses forces.

Eh bien, tirez donc des événements de cette année cette leçon que tous les États sont hors de leur situation naturelle, et qu'ils ont besoin d'y rentrer. (Vives exclamations à gauche. - Agitation prolongée.)

Un membre, ironiquement. — Le retour à la monarchie française.

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M. THIERS. Messieurs, je ne veux pas, en descendant de cette tribune, laisser à des adversaires qui peut-être ne pourront pas détruire la solidité de mes

raisonnements... (Exclamations ironiques aux bancs

extrêmes.)

A gauche.

C'est modeste!

A droite. Très bien! Très bien ! -Parlez! Parlez!

M. THIERS. Qui ne pourront pas attaquer, si vous voulez... je n'ai pas l'intention de m'adresser à moi-même des compliments... (Rumeurs et rires à gauche), qui ne pourront pas attaquer les simples vérités, les évidentes vérités que j'ai portées à cette tribune, je ne veux pas leur laisser l'avantage d'abuser d'une de mes expressions pour dire que j'ai voulu attaquer la Constitution de l'État. Non, non, je ne l'ai pas voulu. (Rumeurs à gauche.) J'ai toujours respecté... (Interruption nouvelle.)

Vous voulez que je l'aie attaquée, quel avantage y trouverez-vous? (Rires d'adhésion à droite.)

Quand j'apporte ici à cette tribune les opinions que j'y apporte depuis une année, je ne suppose pas qu'on m'accuse d'avoir craint de dire ce que je pense... Non, je n'ai pas voulu attaquer la constitution de l'État; non! Ne tirez pas avantage, contre les vérités que j'ai soutenues, de l'imprudence que j'aurais pu commettre, si j'en avais commis une; vous avez interprété ma pensée comme elle ne devait pas l'être. Je dis, ce qui reste vrai, qu'il n'y a de puissance et de force aujourd'hui que pour les États qui savent s'organiser, soumettre le désordre et triompher; ce sont ceux qui ne souffrent pas du désordre chez eux qui sont puissants au dehors... (très bien! très bien!), et je vous ramène à la

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vérité suprême de cette question et de ce sujet : Venez dire ici que, pour une question d'influence, vous demandez à la France, la guerre!

(Vive approbation à droite, agitation sur tous les bancs.)

Dans la même séance, l'ordre du jour proposé par le comité des affaires étrangères et accepté par le gouvernement fut adopté par 444 voix contre 320.

CLV

DISCOURS

SUR LA

MISE EN ACCUSATION

DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DES MINISTRES (PROPOSITION DE M. LEDRU-ROLLIN

QUESTION ROMAINE)

PRONONCÉ LE 12 JUIN 1849

A L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

Après avoir vaincu le Piémont à Novare et comprimé la révolution en Toscane, l'Autriche, à laquelle la République romaine avait fait d'ailleurs une déclaration de guerre, était entrée en Romagne, s'était emparée de Bologne et annonçait l'intention de marcher sur Rome pour y rétablir l'autorité du pape. Il n'était pas possible à la France de donner à la République romaine, foyer de toutes les passions démagogiques, un appui qui eût amené, d'ailleurs, un conflit avec l'Autriche; mais elle ne pouvait non plus laisser cette dernière puissance intervenir seule à Rome, et un crédit fut demandé à l'Assemblée nationale à l'effet d'envoyer en Italie un corps expéditionnaire chargé d'y maintenir la légitime influence de la France et d'obtenir pour les populations romaines un gouvernement fondé sur les institutions libérales. Le commandement de ce corps expéditionnaire, composé de 12,000 hommes, fut confié au général

Oudinot, qui, aussitôt débarqué à Civita-Vecchia et croyant, sur de faux rapports, qu'il serait accueilli à Rome à bras ouverts, s'empressa de se diriger sur cette ville sans attendre sa réserve et son parc d'artillerie. Mais, loin de trouver les portes ouvertes, il fut reçu à coups de fusil et de canon, et, n'ayant pas de matériel de siège, il dut se replier à quelques lieues en arrière.

Cet échec causa en France une grande émotion, et, à la suite d'un débat dans lequel de vifs reproches furent adressés au ministère pour avoir méconnu ses devoirs en permettant au général Oudinot d'attaquer Rome et la République romaine, l'Assemblée nationale vota, le 7 mai, un ordre du jour par lequel le Gouvernement était invité à prendre sans retard les mesures nécessaires pour que l'expédition d'Italie ne fût pas plus longtemps détournée du but qui lui avait été assigné.

Ce vote était un acte de blâme à l'égard du cabinet. Mais l'Assemblée nationale touchait à son terme. Le 13 mai devaient avoir lieu les élections pour l'Assemblée législative; quinze jours après cette Assemblée devait se réunir; c'était donc à cette dernière, expression la plus récente de l'opinion publique, qu'il appartenait d'apprécier avec autorité la conduite du Gouvernement, et le cabinet resta à son poste. Toutefois la France ne pouvait demeurer sous le coup de l'échec que son armée venait de subir devant Rome. Des renforts furent envoyés au général Oudinot, et un agent spécial, M. de Lesseps, fut chargé, avant que l'on eût recours aux moyens de force, de négocier avec le chef de la République romaine l'entrée de nos troupes dans Rome. Mais cet agent s'étant borné à conclure une convention relative au campement des troupes françaises, convention reconnue par le Gouvernement français contraire à l'honneur de nos armes, ordre fut expédié à M. de Lesseps de revenir et au général Oudinot de s'emparer de Rome le plus tôt possible.

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