Slike stranica
PDF
ePub

dit, que ce sacrifice, imposé à la propriété à titre d'impôt aussi bien qu'à titre de crédit, serait d'une inégalité inique; car toutes les terres non affermées, les maisons non lquées, tous les capitaux prêtés sous forme chirographaire, ne supporteraient pas le sacrifice exigé. J'ajouterai seulement que, sous ce rapport, l'impôt proposé ne serait en rien semblable à ce qu'on appelle en Angleterre l'income-tax, lequel frappe toutes les natures de revenu sans exception. Mais ce sont là des considérations que je négligerai, pour vous montrer tout de suite ce qu'il en serait du produit même de cet impôt. On a supposé 3 milliards à partager entre les débiteurs et le Trésor. Je demanderai d'abord si l'on a seulement fait un calcul, un seul, avant d'énoncer un pareil chiffre.

Voici, Messieurs, quelques calculs qui reposent sur des bases certaines, et dont les éléments sont à la disposition de quiconque possède les plus simples notions financières.

On a fait, en 1821, un travail approfondi sur le revenu foncier de la France, revenu net, en terres et maisons. Ce travail, exécuté en compulsant les baux authentiques, a été remanié depuis, soit pour constater les augmentations survenues dans une période de vingt-cinq ans, soit pour en faire un usage local dans divers départements. Il se révéla, en 1821, un revenu foncier net de 1,600 millions. Depuis, on a supposé que ce revenu s'était élevé d'un quart, ce qui l'aurait porté à 2 milliards, et, suivant quelques personnes

qui le jugeaient un peu atténué, à 2 milliards 200 milhons. Il doit être fort réduit aujourd'hui. En retranchant 300 millions environ d'impôt, il resterait 1,800 millions. Le tiers, dont on veut faire le prélèvement, donnerait 600 millions. Maintenant il est difficile d'évaluer la portion du territoire affermée en argent. J'ai consulté les hommes les plus compétents en cette matière, et l'on ne suppose pas que ce soit plus du tiers. Ce serait donc, en totalité, 200 millions d'obtenus sur les fermages et loyers saisissables.

Les créances hypothécaires, d'après un travail récent et authentique, en les dégageant de toutes les hypothèques légales ou de simple garantie qui ne procurent aucun revenu, présentent environ 4 milliards 500 millions de capital, rapportant en moyenne 5 pour 100 d'intérêt, c'est-à-dire 225 millions de revenu. Aussi n'avait-on porté l'impôt hypothécaire, en supposant une contribution du cinquième, qu'à 45 millions. Depuis, après un plus mûr examen, on a encore jugé qu'il était impossible d'atteindre au delà de 125 millions de ce revenu; ce qui, dans la proportion du cinquième, devrait donner 25 millions. Portez la proportion à un tiers, et ce serait un produit de 41 ou

42 millions.

Les rentes sur l'État, en 5, 4 1/2, 4, 3 pour 100, s'élèvent à un total de 242 millions, dont il faut défalquer 68 millions rachetés par l'amortissement, ce qui laisse une somme totale de 174 millions, appartenant, soit aux particuliers, soit à des établissements

publics qu'il faudrait doter d'une autre façon. Le tiers de 174 millions donnerait 58 millions.

Quant aux actions industrielles, le dénombrement n'en est pas facile à faire. Le produit en est complètement détruit aujourd'hui. Mais des documents récents feraient supposer que les chemins de fer, d'ici à quelques années, pourraient donner de 30 à 40 millions aux actionnaires. Je doute que les canaux, les mines, les compagnies d'assurances, produisent 20 millions. C'est donc une exagération que de porter à 60 millions le produit total des actions dites industrielles. Le tiers serait de 20 millions.

Ainsi, en additionnant ces revenus de diverses origines, on aurait, pour loyers et fer

[blocks in formation]

Je reconnais tout le premier que ces calculs ne peuvent être qu'approximatifs; mais j'affirme qu'ils approchent autant que possible de la vérité, qu'ils sont les seuls qu'on puisse présenter avec quelque fondement, et qu'il faut ou ne rien alléguer, ou, si l'on parle du produit probable, n'en pas énoncer un autre que celui que je suppose ici.

Ainsi donc, au lieu de 3 milliards, dont 1,500 millions pour le prétendu crédit réciproque, 1,500 millions

pour l'État, il s'agit de 320 millions, c'est-à-dire de 160 millions pour ranimer toute la production française, production agricole, manufacturière, commerciale, qui est peut-être de huit ou dix milliards en France, et qui s'obtient avec un capital immense, impossible à calculer, car c'est le capital national tout entier; et enfin de 160 millions pour cet impôt nouveau, qui devait être, disait-on, de 1,500 millions, et qui devait fournir le moyen de supprimer ou de réduire l'impôt des 45 centimes, l'impôt hypothécaire, l'impôt sur les successions, l'impôt sur les patentes, l'impôt sur le sel, la viande, les boissons, etc., c'est-à-dire de remplacer peut-être 300 millions de contributions diverses, de fonder des comptoirs d'escompte, des banques territoriales, et de donner le signal de la production à toute l'industrie française, en lui garantissant le placement de ses produits, dans la proportion qu'ils atteignaient dans les temps de la plus grande prospérité : 160 millions pour remplacer plus de 300 millions d'impôts et pour créer toutes ces merveilles! Voilà comment, dans les nouvelles écoles économiques, on ajuste la fin et les moyens!

Je ne dis rien de la convenance qu'il y aurait à frapper maintenant les rentes d'une redevance, non pas du cinquième, mais du tiers, dans un moment où vous êtes obligés de vivre de votre crédit. Dans ces gigantesques remaniements de la société, on ne s'arrête pas à de telles considérations. Je n'envisage que l'ensemble, et vous pouvez apprécier d'un seul regard ce

de

système de crédit réciproque et d'impôt nouveau, vant tout vivifier à la fois. Aussi, Messieurs, votre Comité des finances n'a-t-il pas pris au sérieux une telle conception, et, s'il m'a prescrit de vous l'exposer avec quelque détail, ce qui semble donner à un tel projet plus d'importance qu'il ne conviendrait, c'est pour vous montrer avec quelle connaissance de la réalité des choses, avec quelle précision de calcul, certains réformateurs conçoivent et arrêtent leurs systèmes.

Du reste, votre comité des finances prend ce projet pour ce qu'il est. A ses yeux, ce n'est ni un système de crédit ni un impôt nouveau tendant à créer de vastes ressources, c'est tout simplement, comme le premier jour où ce projet parut dans un journal suspendu, une attaque à la propriété, attaque aussi audacieuse que dangereusement combinée. Ordinairement c'est une proposition difficile, exposée à peu d'accueil, qu'une attaque avouée à la propriété ; car si, pour nous arracher telle ou telle proposition, on nous dit souvent que le peuple la veut, on peut dire avec plus de vérité, quand il s'agit de la propriété, qu'il y a en France dix millions de cultivateurs résolus à la défendre. Mais on a trouvé par le projet dont il s'agit, on a trouvé, nous le reconnaissons, un moyen qui n'est pas sans habileté. On sait qu'il y a des fermiers à qui le bas prix des denrées rend difficile l'acquittement de leurs fermages, des locataires auxquels la suspension de tous les paye

« PrethodnaNastavi »