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s'il y a entre vous et les insurgés de juin un lien plus étroit qu'entre les Cosaques et nous.

Maintenant, vous voulez défigurer la question, je le vois bien. Il s'agissait d'une accusation, et maintenant vous tâchez de venir présenter aux yeux cette question de la monarchie et de la république. Il ne s'agit pas de cela, vous le savez bien, vous n'êtes pas sincères. (Interruption à gauche.) Vous savez bien que, sous aucun régime, je ne me suis hâté d'adorer les gouvernements récents, naissants, et vous me l'avez assez reproché depuis dix-huit mois. (Nouvelle interruption.)

Mais l'argument dont vous vous servez prouve suffisamment que je ne me suis pas assez humilié devant votre opinion quand elle était triomphante, et je ne consentirai pas à ce que, dans un intérêt perfide, vous défiguriez la question, que vous nous fassiez une position qui n'est pas la nôtre. J'ai voté la Constitution, j'ai accepté la république sans arrière-pensée (rires ironiques à gauche), mais la république dans laquelle les majorités font la loi, décident souverainement, et non pas la république dans laquelle les minorités mécontentes ont le droit d'appeler aux armes (applaudissements au centre); celle-là, je n'en veux pas, je la déteste et je la combattrai pour cela. (Approbation.)

Dans la république il peut y avoir l'ordre et le désordre. Dans la république, il peut y avoir l'ordre, c'est pour cela que nous l'avons acceptée; mais dans

la république il peut y avoir le désordre, et nous n'en voulons pas; il peut y avoir l'anarchie.

A gauche. Nous n'en voulons pas plus que vous.

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M. THIERS. C'est celle-là que nous combattons. Si nous n'étions pas sincères, savez-vous ce que nous ferions? Nous nous mettrions avec vous, et nous précipiterions la république dans l'abîme. (Exclamations à gauche. Marques d'assentiment sur les autres bancs de l'Assemblée.)

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C'est parce que nous sommes sincères, c'est parce que nous sommes sous un gouvernement que nous n'avons pas fait, sous un gouvernement que nous avons accepté seulement, que nous cherchons le bien du pays, le bien du gouvernement lui-même, que nous combattons contre les entraînements de la démagogie, qui, si on lui cédait, ferait de la France ce qui est advenu de l'Italie.

Voulez-vous que je vous raconte les chefs-d'œuvre qui ont perdu l'Italie? S'il y a des Autrichiens, des Napolitains, des Espagnols d'un côté, et des Français de l'autre, c'est parce que l'Italie a cédé aux conseils, aux suggestions des démagogues. Ils ont raisonné comme vous, et la bataille de Novare leur a répondu. (Réclamations bruyantes à gauche.)

Savez-vous ce que nous ne voulons pas? C'est qu'on perde notre pays; c'est que, sous prétexte de combattre les Cosaques, on les ramène en France. Savez-vous ce que nous ne voulons pas? Ce sont des batailles de Novare provoquées par des démagogues,

qui ont été capables de les provoquer, mais qui n'ont pas été capables d'y combattre. (Murmures à gauche.)

Nous voulons, sous tous les gouvernements, sous tous les gouvernements quels qu'ils soient, l'ordre, la paix publique, pas d'effusion de sang, la discussion légale, la décision par la majorité, le pays gouverné d'une manière intelligente, et non pas provoqué sottement, absurdement, et poussé sur les champs de bataille, sur les baïonnettes étrangères, sans être préparé, comme le Piémont. Voilà ce que nous voulons; et le pays prononcera entre vous et nous. Mais quelquefois les événements prononcent, et ils ont prononcé sur cet infortuné Piémont, sur cette infortunée Sicile, que vous avez perdus, vous et vos amis. (Murmures à gauche.)

Nous ne voulons pas que la France soit exposée à avoir pour juge l'événement, car l'événement c'est Novare; nous voulons que la bonne politique, que la sage politique préside à ses affaires, et c'est pour cela que nous combattons votre influence, et que nous la combattrons jusqu'au bout.

(Très bien! Très bien! - Aux voix! Aux voix! — La clôture!)

Les conclusions de la Commission furent adoptées par 377 voix contre 8 seulement, une grande partie des membres de l'extrême gauche ayant cru devoir s'abstenir, et, le lendemain, sur la provocation de M. Ledru-Rollin et de quelques autres représentants réunis au Conservatoire des arts et métiers, éclatait l'insurrection du 13 juin, aussi promptement qu'énergiquement réprimée par le général Changarnier.

CLVI

DISCOURS

SUR LE

PROJET DE LOI RELATIF A LA PRESSE

PRONONCÉ LE 24 JUILLET 1849

A L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

Un décret du Gouvernement provisoire, en date du 5 mars 1848, avait abrogé la loi du 9 septembre 1835, concernant les crimes, délits et contraventions commis par la voie de la presse. Mais cinq mois après, à la suite de la grande insurrection des 25, 26 et 27 juin, il avait été reconnu indispensable de protéger l'Assemblée nationale et ses membres, le pouvoir exécutif, les institutions existantes, la propriété et la famille, contre les attaques violentes dont ils étaient quotidiennement l'objet dans les feuilles publiques et autres. La loi du 11 août 1848 édicta donc à ce sujet des peines sévères, et cette loi fut bientôt reconnue elle-même insuffisante. Elle ne mentionnait pas, en effet, le Président de la République, dont la fonction n'existait pas quand elle avait été votée, et n'édictait aucune mesure répressive contre les provocations à l'indiscipline dans l'armée, provocations devenues incessantes, contre celles au mépris et à la violation des lois, contre la publication de fausses nouvelles ou de pièces fabriquées ou falsifiées faite en vue de troubler l'ordre public, et, dans la séance du 25 juin 1849, M. Odilon Barrot présenta à l'Assemblée législative un projet de loi

ayant pour objet de combler les lacunes qui se trouvaient dans le décret du 11 août 1848 et d'assujettir l'exercice du colportage à l'autorisation préalable.

La Commission à l'examen de laquelle fut soumis ce projet, tout en le modifiant dans quelques-uns de ses détails, l'adopta en principe, et la discussion à laquelle il donna lieu dans le sein de l'Assemblée fut ouverte par un discours de M. de Montalembert absolument favorable aux mesures proposées, et par un autre en sens contraire de M. Jules Favre, qui les taxa de mesures de haine, de faiblesse, d'impuissance et de contre-révolution. M. Dufaure, devenu ministre de l'intérieur, invoqua ensuite, dans l'intérêt de la République ellemême, la nécessité de protéger la famille, la propriété, la religion, les lois, tous grands intérêts sociaux dont l'existence était chaque jour menacée, et, après un discours d'un orateur socialiste, M. Pierre Leroux, qui conclut en disant que, nonobstant toutes les lois de compression qu'on faisait contre le socialisme, le socialisme ne périrait pas, M. Thiers prit la parole.

Citoyens représentants,

Depuis que je siège dans les assemblées de la République, je me suis toujours imposé un principe de conduite, c'est de ne monter à cette tribune que lorsqu'il s'agissait de questions tellement générales, tellement sociales, tellement étrangères à toutes les formes de gouvernement, qu'il y avait pour nous tous, je ne dirai pas un droit égal, le droit est le même pour chaque membre de cette assemblée, mais une convenance égale à nous en mêler.

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