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ments rend presque impossible l'acquittement de leurs loyers, des débiteurs qu'une interruption générale des affaires a placés dans un grand embarras pour payer l'intérêt de leurs dettes, et l'on a fait appel à toutes ces misères, à toutes les passions qu'elles pouvaient soulever.

On a trouvé, pour tous ceux qui doivent ces fermages, ces loyers, ces intérêts, un moyen de ne pas les payer. Dénoncez votre dette, leur a-t-on dit, et l'on vous en remettra le tiers; et ce tiers sera moitié pour vous, moitié pour l'État, auquel il servira à détruire une foule d'impôts odieux. On a espéré avoir ainsi pour soi les fermiers, les locataires, les débiteurs; on a espéré avoir pour soi les cultivateurs, les patentables que l'impôt des 45 centimes écrase, et même les classes plus aisées que l'impôt progressif sur les successions a profondément inquiétées. On ne pouvait pas, nous le reconnaissons, mieux appeler à soi les mauvaises passions, et plus habilement armer la propriété contre elle-même. L'invention, nous l'avouons, est nouvelle; elle suppose une certaine fertilité d'esprit, dont, à notre avis, il n'y a pas fort à s'honorer; et, à cet égard, le projet, de puéril qu'il était sous le rapport financier, devient sérieux, habile même, mais en même temps digne d'une éclatante réprobation.

C'est de cette réprobation que votre comité des finances m'a chargé d'apporter ici l'énergique expression.

Le langage que nous avons employé est sévère sans

doute; mais, s'il y a des erreurs qu'il faut savoir plaindre et respecter, il y en a qu'il ne faut payer d'aucune indulgence. Que certains philosophes à vues bornées, inspirés par une misanthropic qui se rencontre souvent chez les esprits mécontents de la société et d'eux-mêmes, méconnaissent les grandes vérités nécessaires aux hommes, mettent en doute Dieu, la famille, la propriété, substituent à ces idées profondes et éternelles des idées fausses et funestes, cela s'est vu souvent, et cela ne mérite que compassion et respect; respect, entendons-nous, pour la liberté de l'esprit humain, qu'il faut respecter dans celui même qui se trompe, car, en voulant arrêter Spinosa, on arrêterait Platon, Descartes et Newton. Mais que, sortant de leurs méditations chagrines et solitaires, ces mêmes esprits osent, dans des temps de guerre civile comme les nôtres, où les idées fausses font mouvoir des bras criminels, osent se servir de leurs erreurs comme d'un moyen d'excitation pour soulever la multitude égarée, alors c'est un devoir, tout en respectant la liberté chez ceux qui en usent si mal, d'en blâmer le déplorable usage avec tout l'éclat d'un jugement national.

Telle a été l'intention de votre comité des finances dans le rapport qu'il m'a chargé de vous présenter. J'espère que, dans l'intérêt de la société si profondément ébranlée, l'Assemblée nationale voudra bien s'y associer.

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Un décret du Gouvernement provisoire, en date du 19 avril, avait établi pour 1848, sur toutes les créances hypothécaires, quelles que fussent leur cause, leur origine et leur nature, une contribution de 1 pour 100 du capital, ledit capital évalué à raison de vingt fois le revenu pour les rentes perpétuelles et de dix fois pour les rentes viagères. Pour arriver à déterminer l'assiette de cet impôt, il avait été prescrit à tous propriétaires d'immeubles grevés d'hypothèques ou de privilèges d'en faire la déclaration dans un délai de quinze jours, à partir de la promulgation du décret, et à chaque conservateur d'hypothèques de fournir, dans un délai de quarante jours à partir de la même date, un relevé pour les dix dernières années de ses registres d'inscriptions hypothécaires. Cette double déclaration devait mettre la régie des contributions directes à même de former les rôles de recouvrement, et la perception intégrale devait avoir lieu

dans les trois mois qui suivraient la publication de ces rôles. Un décret additionnel du 26 avril avait autorisé les poursuites directes pour le payement de la contribution, sauf leur recours envers les créanciers, contre tous propriétaires qui auraient négligé de faire les déclarations prescrites.

Ces deux décrets avaient soulevé les objections les plus vives, motivées sur ce qu'en imposant les capitaux on attaquait les éléments mêmes du travail ainsi que les sources de la richesse publique; sur ce qu'il n'était ni juste ni convenable d'atteindre les établissements ou associations de bienfaisance ou d'anciens travailleurs qui retiraient à peine le strict nécessaire du placement de leurs économies; sur ce qu'on imposerait ainsi une gêne regrettable à l'industrie en frappant des inscriptions prises en vue de l'ouverture d'un crédit commercial. De plus, très peu de débiteurs avaient consenti à faire les déclarations prescrites, et, en présence de toutes ces difficultés, le ministre des finances, M. Goudchaux, avait présenté, le 15 juillet, à l'Assemblée nationale, un projet de décret qui, exemptant les rentes foncières et viagères, les créances concernant les hospices et œuvres de bienfaisance, les prix de ventes d'immeubles restant à payer, ne soumettait plus à l'impôt que les prêts hypothécaires et les prix de ventes d'immeubles transportés, prenait pour base de cet impôt les intérêts et non plus le capital, et, le laissant à la charge du créancier, stipulait néanmoins qu'il serait payé à l'acquit de ce dernier par le débiteur. Ainsi réduite, la nouvelle contribution sur les prêts hypothécaires était estimée devoir produire 20 millions au lieu de 45 millions, chiffre des évaluations primitives.

Le comité des finances, à l'examen duquel fut renvoyé le projet de décret présenté par M. Goudchaux, conclut non seulement à son rejet, mais aussi à l'abrogation des décrets des 19 et 26 avril précédent. Il considéra, en effet, qu'aux divers points de vue administratif, économique et financier,

l'impôt sur les prêts hypothécaires était des plus défectueux; qu'il n'avait pas de base bien certaine et que le montant de son produit serait absolument aléatoire; qu'en élevant le taux de l'intérêt il porterait atteinte à la facilité des mutations et à toutes les transactions industrielles et commerciales; qu'il retomberait sur la propriété foncière déjà surchargée de la conversion des 45 centimes; qu'il altérerait la sécurité nécessaire à la libre circulation des capitaux et éloignerait en particulier les capitaux étrangers dont le concours était plus que jamais désirable; qu'il nuirait au crédit de l'État au moment même où le gouvernement se trouvait obligé de lui faire appel, et qu'enfin le faible produit qu'il donnerait serait loin de compenser tout le mal dont il serait la cause.

Les conclusions de la commission, appuyées par MM. de Lasteyrie et de Kerdrel, furent combattues par M. Goudchaux. Suivant le ministre, l'impôt proposé était un impôt frappant le revenu d'une partie de la richesse nationale exempte jusqu'alors de toute contribution aux charges publiques, et cet impôt était indispensable pour mettre le budget en équilibre etfaire face aux engagements du Trésor. La propriété immobilière avait été grevée de 45 centimes extraordinaires; un appel important avait été fait au crédit : la fortune mobilière devait aussi donner son concours, et ce concours lui était demandé sans qu'il dût en résulter ni gêne ni vexation pour elle. C'était aux débiteurs, en effet, que s'adresserait le Trésor, et les quittances qu'il leur remettrait les libéreraient d'autant à l'égard de leurs créanciers, dont la plupart n'auraient pas de peine à comprendre que la charge qui les atteignait exceptionnellement était juste et inévitable au milieu des circonstances difficiles que traversait le pays. Le ministre termina son discours par une attaque contre les comités en général et contre celui des finances en particulier, auxquels il reprochait d'enrayer l'action du gou

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