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rieure, il opta pour ce dernier département. Nommé aussitôt membre du comité des finances, il fut chargé de faire, au nom de ce comité, le rapport sur la proposition du citoyen Proudhon relative à la réorganisation de l'impôt et du crédit. Cette proposition, triste témoignage du désordre déplorable qui régnait dans les idées à cette époque, avait pour objet de dispenser tous les débiteurs, aussi bien l'État que les particuliers, de payer à leurs créanciers ou propriétaires le tiers des intérêts ou fermages échus ou à échoir. Ce tiers ainsi retenu devait être divisé en deux parts, dont l'une serait abandonnée aux débiteurs eux-mêmes, à titre de crédit que s'accorderaient entre elles les diverses classes de la société, et l'autre, versée dans la caisse de l'État à titre d'impôt sur le revenu, permettrait de réduire divers impôts de consommation pesant surtout sur les classes laborieuses. Le montant de la retenue était évalué par l'auteur de la proposition à trois milliards, soit 1,500 millions au profit du Trésor, et pareille somme au profit des débiteurs. Mais ce n'était pas tout, et le projet accordait encore à ces mêmes débiteurs, fermiers, locataires ou autres, la faculté de prolonger de trois ans, à leur convenance, la durée de leurs baux et de différer jusqu'à la même date l'acquittement de leurs créances. Dans le rapport que nous reproduisons, M. Thiers ne fit pas seulement bonne et sévère justice des coupables doctrines de M. Proudhon, mais il démontra aisément et d'une façon péremptoire la fausseté de ses calculs; et nous devons rappeler, pour l'intelligence de plusieurs passages de ce rapport, qu'au moment où il fut composé, venait d'éclater à Paris la sanglante insurrection de juin, provoquée par la dissolution des ateliers nationaux.

M. Proudhon développa sa proposition dans la séance du 31 juillet, et l'Assemblée indignée la repoussa sans discussion, à l'unanimité moins deux voix, par un ordre du jour motivé ainsi conçu :

<< Considérant que la proposition du citoyen Proudhon est une atteinte odieuse aux principes de la morale publique; qu'elle viole la propriété, qu'elle encourage la délation; qu'elle fait appel aux plus mauvaises passions; — considérant, en outre, que l'auteur a calomnié la révolution de février 1848 en prétendant la rendre complice des théories qu'il a développées, passe à l'ordre du jour. »

Citoyens représentants,

Le comité des finances, dont j'ai l'honneur de faire partie, m'a chargé de vous présenter son rapport sur la proposition du citoyen Proudhon, qui consiste à s'emparer du tiers des fermages, des loyers, des intérêts de capitaux, dans un double but d'impôt et de crédit.

Après avoir mûrement examiné cette proposition, votre comité des finances a décidé qu'elle ne devait pas être prise en considération. Il l'a décidé à l'unanimité.

Je dois d'abord vous faire connaître les principales dispositions du projet soumis à votre examen.

D'après ce projet, les fermiers et les locataires seraient dispensés de payer le tiers des termes échus ou à échoir de leurs fermages et de leurs loyers. Les débiteurs de créances hypothécaires ou chirographaires seraient également dispensés d'acquitter le

tiers des intérêts auxquels ils sont obligés par leurs contrats. L'État, à son tour, serait dispensé de servir le tiers des rentes inscrites au grand livre. Il n'acquitterait qu'une partie des pensions ou salaires dus par lui, en suivant, dans cette réduction, une progression qui s'élèverait depuis 5 jusqu'à 50 pour cent. Même disposition aurait lieu pour les actions industrielles, au détriment des porteurs d'actions, au profit de ceux qui en doivent les dividendes.

Le tiers des sommes retenues serait divisé en deux sixièmes, dont l'un serait abandonné aux locataires, fermiers, débiteurs de tout genre, à titre de crédit que s'accorderaient entre elles les diverses classes de citoyens; l'autre serait versé dans les caisses de l'État; à titre d'impôt sur le revenu.

L'auteur du projet évalue à 1,500 millions la part qui serait abandonnée aux locataires, fermiers, débiteurs, à 1,500 millions la part qui reviendrait à l'État; ce qui porte à un total de 3 milliards par an le sacrifice demandé à la propriété mobilière et immobilière pour ce système combiné de crédit et d'impôt.

Au moyen de cette double ressource fournie aux particuliers et à l'État, il arriverait, suivant l'auteur, premièrement, que les particuliers dispensés de payer pour loyers, fermages, intérêts de capitaux, un sixième de ce qu'ils doivent, auraient à leur disposition une somme de 1,500 millions, laquelle serait dans leurs mains un capital vivifiant qui ranimerait l'industrie et le commerce, et ferait partout renaître

le travail. En même temps, leurs frais de production étant devenus moindres, ils pourraient livrer leurs produits à plus bas prix, et les propriétaires de terres, maisons, créances, rentes, actions, retrouveraient en bon marché l'équivalent de ce qu'ils auraient perdu

en revenus.

A ce premier résultat, en succéderait immédiatement un second non moins important. L'État, percevant l'autre sixième, recevrait une somme de 1,500 millions, équivalant à peu près aux recettes actuelles du budget. Il serait dès lors mis en mesure de diminuer ou de supprimer certains impôts, de créer de grands établissements de crédit, de fournir de vastes secours à l'industrie. Il pourrait, par exemple, abandonner l'impôt des 45 centimes qui est aujourd'hui en recouvrement, les deux impôts sur les hypothèques et sur les successions qui ne sont qu'en projet; il pourrait remettre aux patentables 30 pour 100 de leur patente, diminuer dans une large proportion les impôts sur le sel, sur la viande, sur les boissons, ainsi que les droits de navigation sur les canaux et rivières. Après tous ces soulagements procurés aux contribuables, il resterait encore des ressources suffisantes pour les objets suivants : création de comptoirs d'escompte dans les arrondissements, établissement de banques agricoles et industrielles, et surtout garantie donnée à tous les entrepreneurs, fabricants, constructeurs, chefs d'ateliers quelconques, du placement de leurs produits, dans une proportion égale à

ce qu'ils fabriquaient au moment où la révolution du 24 février est venue les saisir.

Ainsi, moyennant un sacrifice du tiers de leur revenu, demandé à tous les propriétaires, on aurait ranimé le crédit par une réciprocité de bons offices; on aurait fourni à l'État le moyen de diminuer ou de supprimer les impôts les plus onéreux, de créer les grands établissements de crédit auxquels certains esprits attachent aujourd'hui le développement illimité du travail, et de donner enfin à l'industrie le signal d'une reprise générale de ses travaux par la garantie du placement de ses produits.

Je crois n'avoir omis aucun des avantages annoncés par l'auteur de ce système. Pour en compléter l'exposition, je dois dire que l'auteur accorde en outre aux locataires, fermiers, débiteurs de tout genre, des termes de trois mois ou de six mois pour l'acquittement des deux tiers dont ils restent chargés; de plus, la faculté de prolonger de trois ans, et à leur convenance, la durée de leurs baux; de différer de trois ans, et toujours à leur convenance, l'acquittement de leurs créances.

Enfin, prévoyant qu'à l'avenir les capitaux qui auraient à se placer pourraient exiger un tiers de plus d'intérêt, pour se soustraire aux nouvelles prescriptions de la loi, ce qui ferait aboutir le système à une élévation d'intérêt, l'auteur a ajouté que toute créance contractée postérieurement au 15 juillet 1848 ne serait point soumise au nouveau système d'impôt sur le revenu.

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