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CLVII

RAPPORT

SUR LE PROJET DE LOI RELATIF A DES

CRÉDITS EXTRAORDINAIRES

POUR L'EXPÉDITION DE ROME

PRÉSENTÉ LE 12 OCTOBRE 1849

A L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Nos troupes s'étaient emparées de Rome, où régnait l'anarchie la plus profonde, et leur présence y avait bientôt rétabli l'ordre et la tranquillité. Mais le général Oudinot et notre agent diplomatique, M. de Corcelle, désireux l'un et l'autre. de se décharger de l'administration des États pontificaux, s'étaient empressés d'en remettre la direction absolue et entière à trois cardinaux délégués du saint-père, sans avoir stipulé au préalable les conditions et garanties de réforme que leur devoir, suivant les intentions bien connues du gouvernement français, eût été d'exiger. Aussi, en arrivant à Rome, les cardinaux délégués avaient-ils rétabli tous les anciens procédés de police et d'administration, et le pape, demeuré provisoirement à Gaëte, s'était borné à adresser à ses sujets une proclamation dans laquelle il annonçait son prochain retour dans ses États et ne faisait même pas mention des grands services que venait de lui rendre la France. Mécontent de la faiblesse et de l'imprévoyance témoignées, dans cette circonstance, par le général Oudinot et M. de Corcelle, le gouvernement français les rappela l'un et l'autre,

et, sous l'influence du même mécontentement, le président de la république crut devoir faire partir pour Rome son aide de camp, M. Edgard Ney, en lui écrivant, avec mission de la communiquer au nouveau commandant de nos troupes, le général Rostolan, une lettre qui fit grand bruit alors. Cette lettre, qui n'avait pas été soumise à l'adhésion du conseil des ministres, contenait une invitation officieuse d'avoir à réclamer une amnistic générale, la sécularisation de l'administration, l'octroi d'institutions libérales, et les instructions officielles envoyées à nos agents étaient d'ailleurs conçues dans le même sens.

Sur ces entrefaites, le pape, se décidant à rentrer à Rome, annonça par un motu proprio les concessions qu'il entendait faire. Ces concessions étaient : 1° la création d'un conseil d'État dont les membres, choisis par le pouvoir pontifical, devaient donner leur avis sur toutes les affaires administratives; 2o l'institution d'une consulte nommée également par le saint-père, à l'examen de laquelle seraient soumises toutes les questions de finances; 3° l'organisation de conseils provinciaux, également à la nomination du saint-père, chargés de discuter les intérêts de leurs provinces et choisissant sous leur responsabilité, les agents d'exécution; enfin des conseils municipaux, élus par des électeurs propriétaires, devaient délibérer et statuer sur toutes les affaires communales. Une amnistie aussi était accordée, mais avec des restrictions telles, qu'elle ne pouvait s'appliquer qu'à un très petit nombre d'individus. Ce motu proprio était loin de répondre aux désirs du gouvernement français. Néanmoins ce dernier, pour éviter un conflit, jugea prudent de ne soulever aucune objection, se réservant de prendre ultérieurement les mesures nécessaires pour que les promesses faites fussent tout au moins accomplies; mais, comme les frais de l'expédition avaient de beaucoup dépassé les prévisions et qu'il importait de maintenir nos troupes à Rome, sous peine

de les y voir remplacées par des forces autrichiennes, trois projets de loi furent présentés à l'Assemblée nationale à l'effet d'ouvrir un crédit de 140,000 francs au ministre des affaires étrangères, un crédit de 1,945,000 francs au ministre de la marine, et un crédit de 6,818,000 francs au ministre de la guerre, le tout afférent à l'expédition de Rome.

Ces trois projets furent soumis à l'examen d'une commission spéciale, qui fut d'avis de les adopter, et chargea M. Thiers d'exposer les motifs de sa résolution.

Messieurs,

L'intervention de la France dans les affaires de Rome a été le sujet de fréquentes discussions, soit dans l'Assemblée constituante, 'soit dans l'Assemblée législative. De nouveaux faits s'étant produits, le gouvernement a eu la sage pensée de devancer lui-même toutes les demandes d'explication, en vous apportant spontanément, dès la reprise de vos travaux, une suite de projets de lois qui étaient nécessaires pour régulariser les dépenses de notre expédition, et qui devaient fournir en même temps l'occasion des plus amples éclaircissements. Une Commission formée dans votre sein a examiné, sous tous ses rapports, moraux, religieux et politiques, la grave question dont il s'agit; elle a entendu MM. les ministres, pris connaissance de nombreux documents, et elle me charge de vous soumettre le résultat de ses réflexions.

Ce n'est pas sur les crédits demandés que pouvaient s'élever des discussions sérieuses, puisqu'il s'agissait de dépenses nécessaires, déjà même accomplies pour la plupart, mais c'est sur l'acte politique qui a occasionné ces dépenses, et sur les conséquences que cet acte a déjà eues et doit avoir encore. Aussi votre Commission me charge-t-elle de vous dire qu'elle n'a trouvé aucune observation à faire sur les dépenses ellesmêmes, qui ont été renfermées dans une sage économie, et dont, au surplus, vous aurez plus tard à juger la partie matérielle, en vous occupant de la loi des comptes. Seulement elle a voulu savoir si les crédits demandés seraient suffisants pour faire face à toutes les charges de notre expédition jusqu'au 31 décembre, et elle m'autorise à vous en donner l'assurance, après avoir pris, à ce sujet, les informations convenables.

Je me hâte de vous entretenir de ce qui vous intéresse essentiellement ici, c'est-à-dire de notre expédition elle-même, de ses motifs, et surtout de ses conséquences, les unes déjà réalisées, les autres seulement en espérance. Ces conséquences sont-elles bonnes, honorables, conformes enfin au but qu'on se proposait? Que faut-il désirer encore pour qu'elles répondent aux intentions que vous avez eues, en ordonnant une expédition qui a présenté certaines difficultés militaires et de graves difficultés politiques? Tels sont les points que je vais, au nom de votre Commission, soumettre à un examen rapide.

Lorsqu'il y a trois années, un noble pontife, si

cruellement récompensé de ses intentions généreuses, a donné du haut du Vatican le signal des réformes politiques et sociales aux princes italiens, tous les hommes éclairés ont fait des voeux pour que l'Italie entrât avec prudence dans la voie qui lui était ouverte par Pie IX; qu'elle y marchât avec mesure et avec suite; qu'elle ne compromit pas encore une fois ses destinées par une imprudente précipitation; que, dans quelques-uns des États qui la composent, elle se contentât de réformes administratives, moyen de se préparer plus tard aux réformes politiques; que, dans les plus avancés d'entre eux, elle ne songeât pas à dépasser les limites de la monarchie représentative, dont elle était à peine capable de supporter les difficultés; que, dans tous, elle prit des habitudes de concorde et d'union, de manière à se procurer, à défaut de l'unité italienne, qu'il ne dépendait pas d'elle de se donner, les avantages d'une forte confédération; et que surtout elle ne tentât pas imprudemment une guerre d'indépendance, guerre intempestive, sans espérance pour elle, tant que l'Europe n'aurait pas le malheur d'être engagée dans une guerre générale; et enfin que, si cette guerre d'indépendance naissait de circonstances plus fortes que la volonté des hommes, tous les Italiens, unis à leurs gouvernements, renonçassent à de misérables discordes intérieures, pour accourir sur le Pô et sur l'Adige.

Tels étaient, disons-nous, les voeux des hommes éclairés, amis de la vraie liberté, amis surtout de cette

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