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vernement, au moment surtout où ce dernier avait besoin d'être aidé et soutenu.

M. Thiers prit la parole, non pas seulement pour justifier la conduite du comité des finances dont il était membre, mais aussi pour démontrer que l'impôt proposé était, non pas un impôt sur le revenu, mais bien un impôt sur le capital, injuste même comme tel en ce qu'il frappait spécialement les capitalistes les plus pauvres, et qui, comme expédient, ne devant durer que six mois, n'était pas une ressource sérieuse, dans l'état où se trouvaient les finances.

Après une réplique du ministre des finances, l'article 1er du projet du gouvernement fut adopté par 378 bulletins blancs contre 339 bulletins bleus. Mais un amendement dont l'objet était de réduire la contribution du cinquième au huitième des intérêts ayant été adopté à la majorité de 329 voix contre 303, le ministre, aussitôt après la proclamation du vote, monta à la tribune pour déclarer qu'il retirait le projet de décret sur les prêts hypothécaires et en présenterait très prochainement un autre portant création d'un impôt sur le revenu mobilier. Une résolution de l'Assemblée nationale, du 9 août, annula les deux décrets des 19 et 26 avril.

Citoyens représentants,

Je n'avais pas l'intention de prendre la parole sur le projet actuellement en discussion, mais quelques paroles prononcées hier par M. le ministre des finances m'ont décidé à paraître à cette tribune.

J'ai fait, sur plusieurs points, le sacrifice de mon

opinion personnelle pour maintenir le bon accord du comité des finances avec le ministre. Je crains, d'après les paroles de M. le ministre, que cet accord ne soit menacé. (Rumeurs.)

(Le ministre des finances fait un signe de tête affirmatif.)

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M. THIERS. Je monte à cette tribune, non pas pour rompre cet accord, mais pour essayer de le faire renaître par quelques explications franches et amicales. (Sourires.)

Je dois dire tout de suite, pour ne pas me donner un rôle qui ne m'appartient point, que je n'ai aucune mission du comité des finances. M. le président du comité a rempli une mission; quant à moi, c'est comme membre de ce comité, souvent attaqué ici, que je prends la parole, ce n'est pas en son nom.

Je dois commencer par quelques explications, que je tàcherai de rendre brèves et claires, sur l'impôt en lui-même. J'énoncerai d'abord mon opinion personnelle sur cet impôt ; je la justifierai ensuite.

Comme impôt permanent, je soutiens qu'il est dur, injuste, et contraire aux vrais principes des finances. Comme expédient pour l'année 1848, je trouve qu'il est tout à fait insuffisant, et qu'il ne compensera pas, à beaucoup près, le mal qu'il pourra causer au crédit.

Comme impôt permanent, je dis qu'il est très dur et même injuste. Voici sur quoi j'appuie mon opinion. Cet impôt frappe sur une seule classe de capitalistes, il

VIII.

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frappe très durement cette classe qui est incontestablement la plus intéressante de toutes, parce qu'elle est la plus pauvre.

Vous avez, par exemple, diverses classes de capitalistes qui cherchent à faire valoir leurs fonds autrement qu'en les plaçant sur des immeubles; vous avez les prêteurs sur hypothèque, les prèteurs chirographaires, les rentiers de l'État, les capitalistes enfin qui engagent leurs capitaux dans les entreprises industrielles.

Entre ces quatre classes de capitalistes, je vous prie de fixer votre attention sur les prêteurs sur hypothèque ce sont toujours les plus pauvres, et ils vous le prouvent par la nature même de leur placement; ils ne cherchent que la sécurité, et ils cherchent la sécurité parce qu'ils ont trop peu de ressources pour s'exposer à les perdre. Les grands capitalistes, qui peuvent, sans compromettre leur fortune, faire des placements hasardeux, échangent leurs fonds contre des rentes de l'État, les versent dans l'industrie, dans toutes les grandes entreprises; les petits capitalistes, au contraire, qui n'ont que de faibles économies, les vieux serviteurs, les anciens employés, les petits agriculteurs, vont demander au placement sur hypothèque la sûreté du capital et la fixité de l'intérêt.

Les grands banquiers font valoir leurs capitaux par le moyen de l'escompte, c'est-à-dire sous la forme chirographaire ils placent dans les grandes entre-. prises, dans les grandes spéculations; quelques-uns

placent aussi dans les rentes. Les petits capitalistes ne veulent et ne connaissent que l'hypothèque. Ainsi, de toutes les classes de créanciers, vous frappez la plus pauvre, celle qui vous indique sa situation de plus pauvre en choisissant surtout la sûreté.

Maintenant je dirai que vous la frappez dans une proportion excessive; car, en lui demandant le cinquième, vous lui demandez 20 pour cent de son revenu. J'ai donc raison de dire que vous frappez, et que vous frappez d'une manière excessive, les moins fortunés des capitalistes.

Mais si, sous le rapport de la justice, j'adresse cette objection à l'impôt, je lui en adresserai une bien plus grave sous le rapport des vrais principes financiers.

Messieurs, les institutions sont diverses suivant les temps et suivant les pays, mais il n'y a pas deux sciences financières, il n'y en a qu'une. A SaintPétersbourg, à Londres, à Washington, il n'y a qu'une science financière. Eh bien, je dis que votre impôt est radicalement contraire à la véritable science financière. Dans aucun temps et dans aucun pays, on n'a entendu frapper le capital mobilier. (Mouvement.)

Si l'on veut me permettre de m'expliquer, on verra que mon assertion ne souffre pas de contradiction. (Parlez!)

Je dis que, dans aucun temps, dans aucun pays, on n'a jamais songé à frapper le capital mobilier, et j'aurai soin tout à l'heure de distinguer l'impôt sur le

capital mobilier de l'impôt sur le revenu, que je chercherai à bien définir, de manière à faire sentir la diffé

rence.

Je répète qu'on n'a jamais songé à frapper le capital mobilier, par une raison toute simple, c'est qu'on regarderait comme une grande faute d'imposer les matières premières. Lorsqu'il a quelquefois été question de frapper les matières premières par des octrois, jamais le conseil d'État n'y a consenti, et il a eu raison; car c'eût été ce qu'on appelle un impôt nuisible à la production. La même raison a fait qu'on n'a jamais frappé le capital mobilier. Pourquoi? Parce qu'à l'instant même il en résulterait une élévation du taux de l'intérêt, et qu'au lieu de frapper le capitaliste, ce serait l'emprunteur qu'on frapperait.

Je vais appliquer cette réflexion aux hypothèques. Vous pouvez consulter la plupart des notaires ils vous diront que, depuis qu'il est question de cet impôt, il n'y a pas un prêteur qui n'ait exigé de l'emprunteur une élévation d'intérêt correspondant au nouvel impôt. (Mouvement en sens divers.)

Je connais pour ma part une quantité de contrats faits depuis quelques mois, et qui, au lieu d'avoir été conclus à 5 pour cent, l'ont été à 6, uniquement à cause de l'impôt. (Interruption.)

Plusieurs voix. C'est une violation de la loi ! (Agitation prolongée.)

M. THIERS.

Cela, Messieurs, est exact en fait;

mais ignorerait-on les faits qui se sont passés, la na

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