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là tout ce qu'elles peuvent donner, et l'on aura déjà produit immensément de bien, et réparé immensément de mal. Épuisons au moins le possible avant de songer à l'impossible.

AGE MUR.

L'âge mûr, où l'homme jouit de toutes ses forces, et peut mieux se passer du secours des autres, est l'àge qui, dans un système sensé d'assistance, doit réclamer à un moindre degré les institutions de bienfaisance. Si le principe, que chacun doit se suffire à lui-même, à moins d'infirmités ou de circonstances extraordinaires, et que nul ne doit faire peser sur la société le fardeau de sa paresse ou de son imprévoyance, si ce principe est vrai, c'est surtout à l'àge mûr qu'il est applicable. L'homme à cet âge doit se suffire, non seulement à lui-même, mais suffire aux besoins de sa femme, de ses enfants, de son père et de sa mère; aux besoins de sa femme, pour qu'elle le soigne à son tour dans les moments de chagrin et de maladie; à ceux de ses enfants, pour qu'ils lui rendent ces soins plus tard aux jours de sa vieillesse; à ceux de ses parents enfin, pour acquitter la dette qu'il contracta envers eux aux temps de son enfance. Un homme valide, laborieux, doué d'une intelligence ordinaire, qui ne se livre pas à tous les vices, peut, avec son travail, dans nos sociétés civilisées, suffire à ces diverses obliga

tions, à moins de circonstances heureusement accidentelles comme une maladie, un chômage, une grêle, une inondation. Que la société s'efforce, dans ces cas accidentels, de secourir l'homme valide, c'est un noble soin à imposer à sa prévoyance, à demander à sa vertu, et dont l'accomplissement sera la mesure de l'estime qu'elle mérite. Mais, hors ces cas exceptionnels, la société qui voudrait, à quelque degré que ce fût, se charger du sort d'une partie de ses membres, en ferait des oisifs, des turbulents, des factieux, aux dépens de tous les citoyens laborieux et paisibles auxquels le même privilège ne s'appliquerait pas. Elle périrait sous la ruine financière et la violence des factions encouragées par l'oisiveté. Une partie des citoyens, et la meilleure, payerait de ses sueurs les loisirs de ceux qui bouleverseraient le pays et contribueraient à le plonger dans la misère.

Tels sont les principes vrais, éternels, de la société humaine. Mais c'est justement cet àge, pour lequel nous ne disons pas qu'il n'y ait rien à faire, mais pour lequel nous affirmons qu'il y a moins à faire que pour aucun autre, c'est cet âge qui a donné lieu aux plus funestes, aux plus extravagantes utopies. Moins, en effet, il y a de bien sérieux et réel à réclamer, plus on en demande aux gouvernements, qui, de tyrans qu'ils sont rarement dans notre siècle, devenus esclaves, se trouvent exposés aux exigences des passions les plus folles.

Ainsi, récemment, et au milieu du trouble des

esprits, on a demandé à l'État d'assurer, dans tous les temps, à toutes les professions, du travail toujours prêt; de mettre à la portée de chaque ouvrier qui voudrait se faire entrepreneur des moyens de crédit; de fournir même des fonds à ceux qui voudraient s'associer pour exercer en commun le rôle d'entrepreneurs; de répandre les capitaux non seulement dans les villes mais dans les campagnes, à l'aide d'un système de crédit foncier, dont le premier instrument serait le papier-monnaie. Votre Commission a soigneusement examiné ces prétendus moyens de secourir l'homme en pleine jouissance de ses facultés, et, pour l'âge mûr comme pour l'enfance et la vieillesse, elle a fait le départ entre les moyens chimériques et les moyens positifs, entre les moyens innocemment chimériques et les moyens perfidement chimériques. Elle a donc successivement discuté le droit au travail, les systèmes de crédit ayant pour but de mettre les capitaux à la portée de l'ouvrier dans les villes, du cultivateur dans les campagnes, les associations ouvrières instituées pour exploiter collectivement, avec ou sans les fonds de l'État, les diverses industries, et elle m'a chargé de vous exposer dans quelle mesure et par quels motifs elle admettait ou repoussait ces divers systèmes. Si elle a repoussé absolument les uns, ou témoigné peu de confiance à l'égard des autres, elle a néanmoins reconnu qu'il était des misères pour l'âge mûr comme pour l'enfance et la vieillesse, misères malheureusement trop réelles, auxquelles la so

ciété ne pouvait pas rester insensible, et devait tàcher d'apporter remède. En conséquence, votre Commission s'est appliquée à examiner les Sociétés de secours mutuels tendant à pourvoir aux cas de maladies, et elle vous aurait proposé à ce sujet des dispositions législatives, si une commission, existant antérieurement, et qu'elle n'a pas pu et pas voulu dessaisir, ne vous en avait déjà proposé. Elle a recherché si, par une certaine manière de diriger et de répartir les travaux de l'État, il n'y aurait pas moyen de réserver aux diverses classes d'ouvriers des emplois variés et suffisants pendant les temps de chômage industriel. Elle se flatte d'avoir trouvé, à cet égard, des combinaisons nouvelles, qui pourront, dans quelques cas, diminuer la misère des classes ouvrières, et parer en partie, non pas aux chômages qui naissent des révolutions politiques, mais à ceux du moins qui naissent des révolutions industrielles. Enfin elle a songé au moyen d'ouvrir à l'homme qui ne trouve plus, sur le sol de la métropole, un emploi de ses forces suffisant ou conforme à ses goûts, une carrière au dehors à l'aide de la colonisation. En un mot, toujours dirigée par le même esprit, votre Commission, faisant la part du possible et de l'impossible, a cherché, en repoussant tout ce qui était inutile ou mauvais, à admettre aussi, à organiser ce qui pouvait être utile, à quelque degré que ce fût. Elle espère vous prouver que s'astreindre au bon sens ce n'est pas se condamner à l'indifférence ou à la stérilité absolue.

Je vais vous exposer rapidement les décisions qu'elle a rendues sur tous ces points, sauf l'approbation souveraine et définitive qui naîtra de vos dis

cussions.

DROIT AU TRAVAIL. Nous nous appesantirons peu sur ce prétendu moyen de venir au secours du peuple. L'Assemblée constituante l'a déjà repoussé formellement par un article de la Constitution, en limitant les obligations de l'État au devoir de ménager, dans les temps difficiles, et dans la mesure de ses ressources, du travail aux ouvriers inoccupés. C'est à ce devoir que votre Commission vous proposera de satisfaire par des moyens d'une utilité réelle quoique limitée, et conformes à tous les principes. Mais prendre l'engagement de fournir du travail, en tout temps, à tout homme qui en demanderait, est un engagement insensé, impossible à remplir. Jamais les partisans de cette étrange conception n'ont répondu ni ne répondront aux objections suivantes :

Dans quel cas sera-t-on fondé à s'adresser à l'État pour exercer le recours ouvert contre lui? Comment distinguera-t-on, par exemple, les circonstances dans lesquelles le travail manquera véritablement, et celles où certaines classes d'ouvriers abandonneront un travail assuré pour faire monter arbitrairement les salaires? Si l'on renonce à faire cette distinction, si, dans tous les cas, l'État est obligé de fournir du travail, toute industrie devient aussitôt impossible, par la concurrence d'un maître offrant de l'emploi à chaque

VIII.

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