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briser... Comment donc supposer que le peuple arabe, si fier, si fanatique, si belliqueux, si bien préparé pour la guerre par sa constitution sociale et agricole, accepte si promptement notre domination? Non, messieurs, non, vous aurez souvent à combattre ; il n'acceptera pas, sans secouer ses chaînes, la cruelle révolution que vous lui apportez. Vous allez le resserrer sur son sol, vous allez le forcer à réduire infiniment ses troupeaux qui faisaient son aisance; vous allez l'obliger à travailler durement toute l'année, lorsqu'il ne travaillait que trois mois pour se procurer abondance d'orge et de froment.

Les bienfaits de votre civilisation, qu'il n'apprécie pas, ne peuvent compenser de pareils sacrifices; il aura donc souvent recours aux armes...

Messieurs, je suis profondément touché de tout ce que vous venez de me dire. Après l'estime du Gouvernement et de la métropole, la vôtre m'est certainement la plus chère; mais, quel que soit le dévouement qu'elle ravive en moi, il ne m'est pas donné, ainsi que vous m'y invitez, de compléter mon œuvre. Vous userez encore bien des gouverneurs avant d'y parvenir. Tout ce que je puis vous dire, c'est que, pendant le temps que mon âge me permettra de vous donner, je vous consacrerai, avec un dévouement sans bornes, toutes les forces de l'esprit et du corps.

Ayant appris le mariage de la fille de leur gouverneur, les chefs arabes du Tittery apportèrent au maréchal l'adresse suivante :

Nous demandons à Dieu qu'il prolonge tes jours, de sorte que tu puisses voir les enfants de tes enfants....

On nous a appris qu'après ce mariage, tu devais te rendre en France, pour y rester quelques jours et revenir à nous.

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Cette nouvelle nous a affligés, et nous ressentons d'autant plus la peine de ton départ que nous avons été à même de reconnaître ta bonté. Nous savons que tu protèges la religion, que tu veilles sur le pauvre, que tu as fait élever des mosquées, que tu as repeuplé les écoles des marabouts, que tu as cherché à faire le bien partout, enfin que tu as rendu de grands services dans ces pays, des services sans pareils, jusqu'à ce jour, et pour lesquels tu ne seras pas surpassé dans l'avenir. En sorte que ton nom est dans toutes les bouches et prononcé à chaque instant. Si tu as parfois sévi contre les enfants du péché, ta conduite a pour nous les meilleurs fruits, c'est par de tels moyens qu'on fonde un empire. »

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L'impôt arabe. Les déboires. Soumission de Ben-Salem et Bel-Kas

sem. Prise de Bou-Maza.

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Campagne en Kabylie. Adieux à la colonie. Départ définitif (5 juin 1847). — Proclamations à l'armée, à la marine et aux colons. Les lieutenants du maréchal jugés par luimême. Changarnier, Bedeau, Lamoricière. Les jeunes officiers. Le cabinet militaire. - Eynard; L'Heureux; Garraube; Fourichon; Trochu; Rivet; Feray.

Rentré en France dans le courant du mois de juillet, le maréchal Bugeaud passa tout son congé en famille, au château de la Durantie. Les élections ayant eu lieu au mois d'août, ses compatriotes d'Excideuil renouvelèrent son mandat, en même temps que le ministère, présidé par M. Guizot, recevait des électeurs de France un nouveau bill d'encouragement. «< Toutes les politiques vous promettront le progrès,» avait dit le ministre, au moment des élections, « la politique conservatrice seule vous le donnera. » Malheureusement l'opposition libérale et dynastique, aussi bien en Algérie qu'en France, allait, par ses imprudences et ses intrigues, renverser ces deux grands représentants de l'autorité et du progrès, après avoir lassé leur courage et dénaturé leurs intentions.

Et cependant, quels citoyens, autant que ces deux

hommes au tempérament si divers, se consacrèrent avec plus de dévouement, d'abnégation, on pourrait dire de passion, au service de leur pays?

Le court repos du maréchal à la Durantie était encore employé par lui à s'occuper de l'Algérie, et nous trouvons, à la date du 15 octobre, un rapport sur l'impôt arabe où l'esprit pratique, le bon sens du vieux soldat dut bien étonner les bureaucrates de Paris, qui, du fond de leurs cabinets, avaient préparé un projet de loi sur l'assiette et la perception des impôts arabes. Cette longue dépêche, écrite sous les ombrages de la Durantie, prouve comment les hommes de ce temps envisageaient leurs devoirs et quelle conscience ils apportaient à leur accomplissement.

Voici quelques passages de ce remarquable travail :

Le maréchal Bugeaud au maréchal ministre de la guerre.

La Durantie, le 15 octobre 1846.

Monsieur le Ministre,

J'ai reçu copie de la lettre que vous avez écrite à M. le gouverneur intérimaire en date du 26 septembre relativement à la régularisation de l'impôt arabe. Vous me demandez aussi mon opinion.

J'ai cru, et je crois encore, que l'on se pressait beaucoup trop de vouloir régulariser les impôts arabes d'après les idées et les principes de la comptabilité et de la perception française. Régulariser les impôts arabes, sont, à mon avis, deux mots qui jurent de se trouver ensemble à l'époque. actuelle de la conquête.

Si vous vouliez tout régulariser à la manière française, vous vous jetteriez dans un dédale de difficultés et dans d'énormes dépenses, car il vous faudrait créer de nombreux agents qui dévoreraient le faible impôt. C'est encore là une occasion de dire que quelquefois le mieux est l'ennemi du bien..

Mais c'est la politique surtout qui s'oppose à ce que l'assiette et la perception de l'impôt arabe soient renfermées dans des règles immuables, commes elles le sont en France. Il est une multitude de circonstances et de faits qui exigent des modifications faites à propos. Ainsi, par exemple, êtes-vous menacé d'une invasion d'Abdel-Kader dans une contrée qui est déjà fortement travaillée par ses émissaires? Ce n'est pas le cas d'être rigoureux et d'augmenter l'impôt, lors même qu'on aurait reconnu par des renseignements statistiques qu'il était susceptible d'augmentation; c'est ce que nous avons pratiqué plusieurs fois pendant la dernière crise.

D'autres tribus nous étant restées très fidèles et ayant éprouvé des malheurs par suite de leur fidélité, nous avons dû leur demander moins, pour les indemniser un peu de leurs pertes et pour les récompenser de leur dévouement à notre

eause.

Si l'on arrêtait d'une manière immuable des rôles pour l'année, ces tempéraments ne pourraient pas être observés.

Il y a un principe, en impôt arabe, très opposé à ce que nous pratiquons en France, et qui me paraît beaucoup plus équitable. Je crois que ce principe est consacré par le Coran; le voici on ne peut percevoir l'impôt qu'en raison de ce qui a été produit. Il faut donc prendre en considération la sécheresse, le brouillard, les pluies trop prolongées au printemps, les sauterelles, etc., etc..... Ces fléaux se produisent à diverses époques; il faut donc que les bureaux arabes aient la lati

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