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Il faut profiter de l'occasion pour nous former un petit territoire autour de Tenès aux dépens des tribus ou fractions de tribus qui auraient pris part à la révolte. Prenons tout ce qui est à notre convenance et faisons indemniser les expropriés par le reste de la tribu. Agissons en vainqueurs et en maîtres. Væ victis!

Mille choses affectueuses et dévouées.

Signé Maréchal DUC D'ISLY.

P. S. Ménagez autant que possible les magasins d'Orléansville; ravitaillez le plus possible les colonnes à Tenès pour éviter d'autant les transports de ce point à l'autre.

Quand il y avait lieu de avait lieu de payer de sa personne, le maréchal n'était pas homme à s'attarder dans des polémiques stériles. Après avoir fait, dans la journée du 25, une pointe par mer sur Cherchell, il se mit en route le 3 mai par voie de terre, en passant par Milianah, à la tête de la colonne expéditionnaire du Dahra. Le duc de Montpensier l'accompagnait.

Les opérations furent constamment contrariées par un temps affreux. Le maréchal, dans l'Ouarensenis, allait et venait sous des pluies torrentielles, presque sans résultat. Les insurgés, qui le connaissaient de longue date, évitaient avec lui les engagements, tombant de préférence sur son lieutenant Saint-Arnaud qui opérait séparément et dont la colonne était moins nombreuse. Le maréchal, ne rencontrant jamais le gros de l'ennemi, n'obtenait que des soumissions incomplètes, parfois fictives.

Du 4 au 25 mai, il n'eut guère d'autre affaire que

le

l'attaque d'arrière-garde d'un chef insurgé, Omar ben Ismaïl, à la date du 13. L'attaque fut repoussée par colonel Renault, du 6 léger. Le maréchal lança la cavalerie disponible, qui tua une douzaine d'hommes et enleva le nombre, restreint pour les guerres africaines de ce temps, de 300 têtes de bétail. Le 26 mai et le 1er juin la colonne réalisa deux razzias plus importantes.

Tout l'honneur de cette campagne du printemps de 1845 appartient au colonel Saint-Arnaud, qui agissait de son côté sur la rive droite du Chélif avec quatre bataillons, tandis que le maréchal manoeuvrait sur la rive gauche avec onze bataillons. Le colonel SaintArnaud, ayant appris qu'un fort rassemblement s'était formé sous la conduite du chérif instigateur de la révolte, s'était porté dans l'ouest de Tenès. Le 21 mai, à la pointe du jour, le lieutenant-colonel Bisson, du 53°, mis en mouvement pendant la nuit, enlevait la position très-forte où se trouvaient les insurgés; 150 Arabes restaient sur le carreau. Dans la même journée, le colonel Saint-Arnaud les atteignit de nouveau et leur tua 200 hommes. Le drapeau du chérif fut pris pendant l'action (1).

(1) Le colonel Saint-Arnaud, dans sa Correspondance intime, raconte cette affaire comme il suit :

Orléansville, 26 mai 1845.

Deux brillantes affaires : une razzia chez les Beni-Mezroug dans la nuit du 20 au 21, où j'ai tué plus de 150 Kabyles, pris 3,000 têtes de bétail; le même jour, à trois heures du soir, j'ai été attaqué par plus de 1,200 Kabyles commandés par les trois chérifs en personne avec leurs quatre drapeaux. Par un mouvement tournant de cavalerie, j'ai enveloppé l'ennemi et l'ai rejeté dans un ravin où l'attendait le 53°. C'était une véritable petite bataille. Nous avons manœuvré avec autant de sangfroid qu'au Champ de Mars. L'ennemi a laissé plus de 200 cadavres ; je n'ai eu que 7 blessés. J'ai pris un drapeau et beaucoup de fusils.

Le coup était rude, et Bou-Maza disparut momentanément. Nos colonnes de Mostaganem, Orléansville et Tenès, imitant sa tactique, cessèrent de le poursuivre personnellement pour s'en prendre aux tribus qui l'avaient soutenu. Le chérif s'enfuit en remontant l'Oued Riou, vivement serré de près par notre agha Hadj-Ahmed, qui lui tua tous ses compagnons, sauf deux cavaliers; lui prit ses chevaux, son drapeau, deux mulets chargés de poudre et d'argent. Bou-Maza se vengea d'Hadj-Ahmed au mois de juillet suivant en venant lui donner la mort au milieu du cortège nuptial de son fils; toute la noce fut enlevée dans une razzia.

Quant aux Français, ils ne virent plus réapparaître Mohammed ben Abdallah qu'en septembre, aux débuts de la grande insurrection. « Nous venons enfin, dit spi'rituellement le colonel Saint-Arnaud, de chasser BouMaza du pays... jusqu'à ce qu'il y revienne. »>

Dans la répression de ce premier soulèvement de 1845, l'autorité française eut recours à un moyen nouveau fort cruel pour les Arabes, celui du désarmement. Le colonel Saint-Arnaud imagina, le premier, d'imposer cette condition, bien rigoureuse pour une population essentiellement guerrière (1). Le ma

(1) Le colonel Saint-Arnaud, qui inaugura le désarmement, écrivait à son frère, de Tenès, le 4 mai 1845:

J'ai eu, dans leurs affreuses montagnes (des Beni-Hidja), deux jolis combats les 29 et 30 avril; je ruine si bien leur pays que je les force à demander grâce, et, ce qui ne s'est jamais vu en Afrique, je les oblige à rendre leurs fusils. Le maréchal lui-même ne pouvait croire à ce résultat. Je fais livrer par les BeniHidja 500 fusils, 300 sabres, 200 pistolets et 25,000 francs de contributions. Les vieux officiers d'Afrique ont peine à croire à la remise des fusils, même en les voyant couchés devant ma tente...

réchal et ses autres lieutenants le prescrivirent de leur côté quand ils virent le succès obtenu par le commandant d'Orléansville. Au mois de juillet, le maréchal avait fait rassembler plusieurs milliers d'armes et le constatait dans les termes suivants (Moniteur Algérien du 25 juillet):

Le général a ordonné que les canons de fusil provenant du désarmement de l'Ouarensenis et du Dahra seraient employés aux constructions de l'arsenal d'Alger et des divers établissements militaires. On les dénaturera le moins possible; à cet effet, on en fera des rampes d'escalier, des grilles, des balcons, etc. Ils serviront ainsi de monument pour constater le désarmement. Les commandants militaires qui succéderont à ceux d'aujourd'hui y trouveront la preuve permanente de la possibilité de cette mesure, qui, selon nous, doit être rigoureusement appliquée à toute tribu qui se révol

tera.

Nous n'oserions affirmer que le désarmement du Dahra et de l'Ouarensenis a été complet. Nous sommes convaincus, au contraire, que, dans certaines tribus, il reste encore des armes et même des meilleures; mais ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'à l'heure qu'il est on a recueilli plus de 7,000 fusils propres au service, et qu'on en a brisé plus de 1,500 qui étaient hors d'état de servir. L'opération se continue chez un certain nombre de tribus.

Les trois lettres intimes qui suivent, écrites par le maréchal pendant cette campagne, se réfèrent aux trois préoccupations du moment : la pluie, le chérif et le désarmement.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Quarensenis, le 9 mai 1845. Sur l'Oued-Lira.

Chère amie, aujourd'hui nous sommes entrés sur le territoire insurgé. On ne nous a pas encore tiré un coup de fusil. Le plus grand évènement jusqu'ici, c'est un gros orage que nous avons subi hier en arrivant au bivouac et qui a duré cinq heures.

Nous détruisons les récoltes de nos ennemis autant que nous pouvons. Saint-Arnaud m'écrit que tout est à peu près fini à l'est de Tenès et qu'il opère le désarmement avec un succès qu'il n'osait espérer. Voilà qui est un grand évènement. On n'avait jamais cru possible de désarmer une tribu arabe ou kabyle. Tout annonce que d'ici à un mois nous aurons triomphé partout de la révolte. Si nous y mettons plus de temps, ce sera pour opérer le désarmement. tendresses, chères petites.

Maréchal DUC D'ISLY.

Mille

P.-S. Mes amitiés à mademoiselle Mac Leod (1). Je crains bien de n'avoir de vos nouvelles qu'à Orléansville le 22 ou le 23.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Au bas du pic de l'Ouarensenis, à l'ouest, chez les
Beni-Ilet, le 16 mai 1845.

Chère amie, nous avons eu cinq jours de grande pluie depuis notre départ de Milianah. Cela m'a fait perdre beau

(1) M. Mac Leod devait, peu de temps après, épouser le commandant Fourichon, lieutenant de vaisseau, compatriote du maréchal.

T. III.

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