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coup de temps et a singulièrement fatigué les hommes et les bêtes. Mon extrême arrière-garde a été attaquée les 13 et 14 dans le long défilé des Beni-Rahilia et Beni-Ideh; l'ennemi a été vivement repoussé, mais nous avons eu dans divers petits engagements 6 hommes tués et 15 blessés.

Le mauvais temps, mes blessés, mes malades me forcent d'abréger cette première campagne. Je serai à Orléansville le 22 ou le 23, j'espère y trouver plusieurs lettres de toi et de bonnes nouvelles de nos chers enfants.

Les Beni-Chaïb, les Beni-Jadel et la très petite tribu des Taalba m'ont demandé l'aman. Je leur impose le désarmement, il n'est point encore opéré. Le général Lamoricière m'écrit qu'Abdel-Kader a quitté le Maroc et s'est dirigé dans le Désert; nous ne tarderons pas à avoir de ses nouvelles. Le colonel Géry a fait une course très heureuse dans le désert de Tittery, il a poussé jusqu'à Brézina et sur la limite nord du grand désert de sable. Il a eu deux combats très brillants. Les villes et une partie des populations nomades se sont soumises. Le chef du Djebel-Amour, avec lequel le colone! a communiqué, paraît sincère dans la parole qu'il nous a donnée. Saint-Arnaud croit en finir promptement avec les insurgés de la rive droite; d'après sa dernière lettre, il avait déjà 600 fusils de désarmement. Montre cette lettre au général de Bar, à qui j'adresse ma dépêche au ministre. Il fera de tout cela un résumé pour le Moniteur Algérien qui suivra le départ du courrier porteur de ma dépêche. Adieu, chères âmes, je vous envoie mille baisers que vous communiquerez à Marie, Charles, à Mme Saint-Germain, à Antoine.

Maréchal DUC D'ISLY.

P.-S. - J'ai réservé douze vaches d'une razzia pour vos

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orphelines; si je ne puis vous les envoyer, je les ferai vendre.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Chère amie,

Quarensenis. Bivouac du 15 juin 1845.

Après-demain je me porte sur Orléansville, laissant les choses ici en bon train. Bourjolly et de Neveu sont chargés d'achever le désarmement déjà avancé.

J'apprends que tout n'est pas fini dans le Dahra. Le colonel de Saint-Arnaud s'est encore battu contre le chérif, qui était parvenu à réunir des contingents de toutes les tribus de la partie ouest du Dahra appartenant à la subdivision de Mostaganem. On l'a encore mis en déroute en lui tuant une centaine d'hommes. Cela m'empêchera pas, j'espère, d'aller vous embrasser. Pélissier me remplacera, momentanément du moins.

Je vous embrasse tendrement.

Maréchal Duc d'ISLY.

Le maréchal était de retour à Alger le 12 juin; il avait ramené avec lui le duc de Montpensier qui, après avoir subi toutes les fatigues de cette pénible et stérile campagne allait entreprendre un long voyage en Orient.

Sept jours après la rentrée du maréchal à Alger, la colonne même dont il avait laissé le commandement au colonel Pélissier eut à soumettre la tribu des Ouled-Rhia, dont une fraction importante s'était réfugiée dans les grottes du Dahra. Le procédé plus qu'énergique employé par le futur vainqueur de Malakoff pour exterminer ses ennemis, donna lieu à une

polémique qui n'est pas encore éteinte aujourd'hui.

La tâche que le maréchal avait laissée à ses lieutenants était de punir les tribus qui avaient accueilli et soutenu Bou-Maza; il leur avait prescrit en outre de procéder à leur désarmement.

Trois colonnes, sous les ordres des colonels Ladmirault, Saint-Arnaud et Pélissier, devaient manoeuvrer, dans le Dahra d'abord, ensuite dans l'Ouarensenis, où le départ du maréchal avait laissé la répression incomplète.

Le 19 juin le colonel Pélissier, après une razzia importante, somma la tribu insurgée des Ouled-Rhia de demander l'aman; une partie de la tribu se soumit. Le reste refusa d'une manière absolue de reconnaître notre autorité il fallut l'attaquer. Les guerriers, reculant devant notre colonne, se retirèrent dans leurs grottes célèbres où, d'avance, ils avaient envoyé leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux. Le colonel en fit l'investissement. Cette opération lui coûta quelques hommes des goums et plusieurs soldats. Lorsque l'investissement fut complet, il tenta de parlementer. Ce fut en vain qu'on promit aux Arabes de respecter les personnes et les propriétés, en se bornant à exiger d'eux la remise de leurs armes. Ils firent feu sur nos parlementaires et l'un d'eux fut tué. Épuisant vis-à-vis de ces malheureux, pendant plus de cinq heures, la mesure des procédés pacifiques, le colonel Pélissier les avertit trois fois, par des indigènes soumis, du danger auquel ils s'exposaient, eux et leurs familles. Enfin, il les prévint qu'on allait les

chauffer (1), que le combustible était préparé, qu'il fallait en finir. De délai en délai, la nuit arriva. Des fascines furent jetées du haut des rochers à l'entrée des grottes; quelque temps après le feu y fut lancé de la même manière. A une heure du matin, le colonel Pélissier, qui voulait surtout les effrayer, ordonna d'éteindre le feu. Il était trop tard; la catastrophe était consommée, et plus de 500 créatures humaines avaient péri étouffées.

L'impression produite par ce fatal évènement fut immense en France et en Algérie. Le plus ému peutêtre fut le maréchal-gouverneur; toutefois on lui doit cette justice qu'il n'hésita pas un instant à justifier son lieutenant, et à le couvrir même de sa responsabilité personnelle. Il le fit avec une grande vivacité, dans les colonnes du Moniteur Algérien des 15 et 20 juillet, où la cause du colonel Pélissier est plaidée en ses termes :

On approchait de la fin de juin. A cette époque, il fallait achever la soumission du Dahra. La saison était avancée; la chaleur sévissait; les colonels Saint-Arnaud et Pélissier avaient ordre d'attaquer simultanément l'Ouarensenis. Leurs mouvements devaient être combinés; Saint-Arnaud devait attaquer par l'est et Pélissier par l'ouest. Si le colonel était parti, les Arabes, sortant des grottes, auraient salué son arrière-garde d'une vive fusillade. Le colonel ne pouvait abandonner les grottes ni perdre de temps à en faire le blocus, car les cavernes, qui sont traversées par un ruisseau abon

(1) Expression militaire empruntée au Moniteur Algerien du 15 juillet 1845.

dant, étaient garnies de vivres; nos troupes se trouvaient à la veille d'en manquer, et le lendemain elles devaient être sur un autre point... Combattre les Ouled-Rhia en s'introduisant dans les cavernes, c'était toujours les détruire sans plus d'humanité, et même en risquant beaucoup de monde. D'ailleurs, le colonel croyait que les fascines les feraient sortir et qu'il s'en emparerait. Il parlementa pendant plus de cinq heures sans succès; on lui tua un parlementaire et plusieurs hommes. Il continua le feu, et les Ouled-Rhia périrent par leur funeste obstination.....

L'attaque de ces grottes n'est pas nouvelle. L'année dernière, le général Cavaignac fit un siège semblable. Il y perdit le capitaine Louvencourt, du 5o bataillon de chasseurs, ainsi que plusieurs soldats. Le général lança des pétards sur les rochers et des obus dans l'intérieur; nous croyons même qu'il employa le feu... S'il y eut un petit nombre de victimes, c'est que la grotte était petite et ses défenseurs peu nombreux.

Fallait-il que le colonel Pélissier se retirât devant cette obstination et abandonnât la partie? Les conséquences de cette détermination eussent été funestes; car la confiance dans les grottes aurait beaucoup grandi. Aurait-il dù attaquer de vive force? Cela était à peu près impossible, et, dans tous les cas, il fallait perdre beaucoup de monde... Se résigner à un simple blocus qui pouvait durer quinze jours, c'était perdre un temps précieux pour la soumission du Dahra, et refuser son concours au colonel Saint-Arnaud. Après avoir pesé tous ces partis, il se décida à employer le moyen qui lui avait été recommandé par le gouvernement général, en cas d'extrême urgence.

Nous demandons si le siège des grottes est plus cruel que le bombardement et la famine dont nous accablons la population entière des villes de guerre en Europe, etc. Que l'on

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