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Malgré une chaleur étouffante le maréchal continua sa campagne dans la direction des terres des BeniGennad, qui firent leur soumission et payèrent la contribution de guerre.

Avant d'entrer en campagne le maréchal avait cru devoir, dans une longue proclamation datée du 27 juillet, explique aux Kabyles les motifs de sa venue :

Il y a déjà près de deux ans, leur dit-il, que vous avez recueilli chez vous Ben-Salem et Bou-Chareb; plus tard, vous avez donné l'hospitalité à Bel-Kassem; vous avez écouté leurs paroles et leurs mauvais conseils. Je vous avais averti plu-, sieurs fois que cela attirerait de grands malheurs sur vos têtes. Car, ayant la force dans la main, nous ne pouvions souffrir que vous donniez asile à nos ennemis acharnés; que, conduits par eux, vous veniez attaquer les tribus qui obéissent à notre loi. Vous n'avez tenu aucun compte de mes avertissements et de mes conseils de bon voisinage. Non seulement

nos pieds, le Sebaou couvrait la plaine, baignant la vallée fertile qui s'étend jusqu'aux bords de la Méditerranée. Malgré moi, en visitant ces établissements militaires, ces splendides casernes installées au cœur de la grande Kabylie, en voyant se dérouler devant moi cette longue route que nous venions de parcourir, ma pensée se reportait à ces admirables soldats qui avaient en si peu de jours, après avoir arrosé ces rochers et ces buissons de leur sang et de leur sueur, accompli ces prodiges. En même temps que j'adressais à ces humbles serviteurs de la patrie un tribut d'admiration, je songeais que deux ans auparavant, l'Algérie républicaine, israélisée par le citoyen Crémieux, après avoir chassé l'armée avec mépris, se livrait avec enthousiasme aux folies du régime civil. Doit-on s'étonner qu'alors les anciens Kabyles de Bugeaud et de Randon se soient soulevés, se soient apprêtés à détruire l'œuvre de tant d'années? Heureusement qu'une poignée d'héroïques soldats oubliés au Fort Napoléon tint deux mois en échec les belliqueux montagnards, soutenant un siège digne de l'antiquité. Il est bon d'ajouter, que, durant ce temps-là, les républicains d'Alger, la municipalité en tête, insultaient lâchement les braves représentants de notre armée et souffletaient un général de ses épaulettes, sur la place du Gouvernement!

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vous avez continué de garder chez vous ces hommes, mais vous leur avez fourni des ressources de tout genre pour continuer de nous faire la guerre.

C'est ainsi que vous me forçâtes, l'an dernier, à passer l'Isser. Vous réunîtes alors tous vos guerriers et vous vîntes m'attaquer, le 12 mai, au passage de l'Oued Sebaou. Le 17 du même mois, vous réunîtes chez les Flissas un bien plus grand nombre de fusils. Ces grandes forces et vos montagnes les plus escarpées ne purent arrêter mon armée; vous fûtes dispersés comme le vent disperse les sables au Désert. Les Flissas, les Amraouas se soumirent. Je me serais volontiers borné là; car ce n'est pas le terrain qui nous manque, nous en avons bien assez! Ce que nous voulons, c'est la tranquillité et le commerce, qui vous enrichiraient aussi bien que nous. Vous renouvelâtes vos attaques au mois d'octobre, je me vis obligé de venir soumettre les Flissat-el-Bahar (Flissas maritimes) et les Beni-Gennad. Je pouvais aller bien plus loin; je m'arrêtai, pensant que la leçon serait suffisante; que, désormais vous seriez tranquilles et que vous repousseriez de votre sein les intrigants qui vous entraînent à votre perte. Vous n'en avez rien fait; et, tout récemment encore, vous avez pillé plusieurs villages, et vous avez entraîné dans la rébellion plusieurs tribus qui avaient accepté notre aman. Il a bien fallu que je vinsse une troisième fois dans votre pays pour reprendre ce que vous m'aviez pris. Cependant, mon cœur souffre d'être obligé de dévaster vos villages, et je veux bien vous donner encore un dernier conseil que vos djemâas se réunissent et viennent à mon camp; si elles sont animées d'intentions de paix, nous ferons un arrangement pour assurer la tranquillité de tout le monde et la liberté du commerce. Si vous ne le faites pas, je vous le prédis, il vous arrivera ce qui vient d'affliger les Beni-Ouaguenoun. J'irai

chez vous une fois ou l'autre ; je parcourrai toutes vos montagnes, je visiterai tous vos villages, je poursuivrai vos populations dans vos vallées les plus profondes et jusque sur les pics les plus élevés. Vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous de toutes ces calamités; car j'aurai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour vous les éviter.

Dans la journée du 28, lendemain de la proclamation, presque tous les chefs vinrent faire leur soumission. Plusieurs essayèrent des explications. Le maréchal répliqua aux Beni-Raten :

Vous évitez de parler de Ben-Salem et Bel-Kassem; cela vous portera malheur. Vous me dites que, du temps des Turcs, il y avait déjà mésintelligence avec vos voisins de la plaine, que le plus fort faisait ce qu'il voulait et que les Turcs fermaient les yeux. Les Turcs n'étaient pas assez forts pour imposer leur volonté à tout le monde, surtout aux Kabyles. Mais nous, nous avons la force nécessaire, non seulement pour conquérir plus de pays, mais pour faire respecter les tribus qui nous sont soumises. Je regarderai comme attaque de guerre contre moi tout dommage aux tribus qui obéissent. Je n'ai pas besoin, comme vous le conseillez, d'envoyer des marabouts pour vous réconcilier. Cela ne me regarde pas; faites-le vous-mêmes, si vous voulez, car il vaut mieux vivre en bonne intelligence avec ses voisins. Quant à moi, je m'en rapporte à ma force et à ma justice.

Après les soumissions obtenues et les contributions payées, la colonne regagna Dellys par Aïn-elArba.

Le maréchal rentra à Alger le 7 août après une

absence de quinze jours seulement. Quant à ces montagnards des tribus de l'Est, voisines des Kabyles indépendants, il ne fut pas question de désarmement. Toutefois, le maréchal tint à faire venir à Alger, pour une cérémonie d'investiture, les chefs qui venaient de faire leur soumission.

La cérémonie fut fort imposante, le maréchal y prit la parole en ces termes :

Nous ne craignons point de pénétrer dans les montagnes les plus escarpées. Vous n'ignorez pas combien les punitions dont nous frappons les coupables sont terribles; mais vous voyez aussi que notre cœur est miséricordieux. Allez retrouver vos frères; unissez vos efforts contre notre ennemi commun, que vous êtes assez forts pour chasser de votre pays s'il tentait d'y revenir. Sachez d'ailleurs que, s'il le fallait, mes soldats ne vous feraient pas défaut.

Dans la lettre intime ci-après, le maréchal exprime l'espoir que sa campagne de Kabylie vient d'assurer repos du côté de Dellys pour quelque temps.

le

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly.

Chère amie,

Alger, le 8 août 1845.

J'étais bien affligé de ne pas avoir de nouvelles de ton arrivée à Luchon, ni de ton passage à Toulouse. Enfin, ta lettre du 30 juillet est venue hier me rassurer. Une lettre de Comman, postérieure à la tienne d'un jour ou deux, me dit

que Léonie est triste, cela me rend triste aussi. Tu as bien raison de dire que ce brave général nous est dévoué. Soigne bien cet excellent homme. La chaleur m'avait un peu fatigué, je vais bien aujourd'hui, et je me prépare à partir du 1er au 5, pour voler auprès de vous. Compte sur le départ du 5. Je passerai trois jours à Saint-Amand, d'après l'invitation gracieuse de M. le maréchal Soult. Tu es aussi invitée, ainsi que ta fille. La correspondance est devenue très gracieuse et les affaires faciles. Gardez-vous bien, dans vos conversations, d'exprimer aucun mécontentement. Cela serait exploité.

Je crois avoir arrangé nos affaires du côté de Dellys, de manière à y avoir du repos pour quelque temps. Tout va bien partout ailleurs, excepté dans la subdivision d'Orléansville, où le chérif a paru.

Abdel-Kader est entouré de 30,000 à 40,000 émigrés. Il prépare un retour, c'est évident, et le Maroc le laisse faire. Il y a là un danger permanent. Madame Saint-Germain m'a donné les meilleures nouvelles de Charles. Il a grandi, il est sage, il aura des prix. Que j'aurai de plaisir à revoir ce cher enfant et à me promener avec lui à la Durantie!

Léonie veut-elle son petit cheval? Je crains que cela ne vous fasse bien des bêtes, et qu'elle ne s'en serve pas; nous ferons comme elle voudra.

Je serais bien aise de trouver ma voiture à Mèze, mais comment pourras-tu l'y envoyer à temps?

Une autre affaire grave achevait de se conclure à cette même époque; c'était l'échange des ratifications du traité avec le Maroc. Pendant l'hiver 1844-1845, le général de la Rue, plénipotentiaire français, avait séjourné sur la frontière, en conférence avec le pléni

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