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potentiaire marocain. Le traité avait été signé au mois de mars et promulgué au mois d'août (1).

Bien des erreurs ont circulé à propos de la délimitation des frontières du Maroc, et aujourd'hui encore quelques personnes ignorantes ou prévenues critiquent cette délimitation.

La vérité est que le général de Lamoricière, s'appuyant sur les documents conservés dans les archives des Turcs et recueillis par les Arabes les plus compétents, remit alors au général de la Rue, chargé de la délimitation avec la collaboration du commandant Martimprey et de M. Léon Roches, tous les renseignements sur lesquels se sont appuyés les négociateurs pour cette délimitation.

La meilleure preuve que cette délimitation était

(1) Le traité avec le Maroc, signé le 18 mars 1845 (9 rebia ettani 1261) par le général comte de la Rue pour la France et Ahmida ben Ali pour le Maroc fut promulgué par le roi Louis-Philippe, à Eu, le 23 août 1845, inséré en français et en arabe au Moniteur algérien du 20 septembre 1845.

Les limites sont déterminées par les articles 3, 4, 5. L'article 3 fait commencer la frontière à l'embouchure de l'Oued Adjeroud, pour finir au col Teniet-es-Sassi, dont la jouissance appartient aux deux puissances. Les points frontières sont nombreux et désignés avec grand détail.

L'article 4 dispose que, dans le Sahara, il n'y a pas de limite territoriale à établir dans les deux pays, puisque la terre ne se laboure pas et qu'elle sert de passage aux Arabes des deux empires. Chaque souverain procédera comme il l'entendra sur ses sujets, mais il s'abstiendra envers les sujets de l'autre gouvernement. (Suit l'énumération de cinq tribus marocaines et deux tribus algériennes habitant ces contrées.)

L'article 5 désigne les Ksours. Ceux qui appartiennent au Maroc sont ceux de Yiche et de Figuig. Ceux qui appartiennent à l'Algérie sont AïnSafra, Sfissifa, Assia, Tiout, Chellala, El-Abiod et Bou-Semrhoune.

Quant au pays au sud des Ksours, dit l'article 6, comme il est inhabitable et que c'est le Désert proprement dit, la délimitation en serait superflue. L'article 7 stipule la non-extradition de réfugiés, mais ajoute qu'AbdelKader et ses partisans ne jouiront pas du bénéfice de cette convention, car cela serait contraire à l'article 4 du traité du 10 septembre 1844.

T. III.

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avantageuse pour la France, c'est que Muiey abd Rhaman a destitué le chef marocain délégué à cette opération, et qu'il a fallu de grands efforts pour oblenir la ratification du traité de délimitation.

On aurait dû prendre, dit-on, la Malouïa pour frontière. C'était l'avis des négociateurs, mais le traité de Tanger interdisait cette limite, puisqu'il était stipulé que l'on conserverait les limites existant entre les Turcs et le Maroc au moment de la conquête.

Et d'ailleurs il est puéril de prétendre qu'une délimitation quelconque de frontière en pays musulman puisse être faite de manière à prévenir des difficultés. Ces difficultés ne proviennent pas de telle ou telle délimitation, mais sont inhérentes au caractère des tribus; et d'ailleurs, il faut bien le dire, plus cette délimitation est vague, plus elle est avantageuse pour le peuple le plus fort et le mieux préparé.

Dans le texte du traité ne lit-on pas :

Dans le Sahara, il n'y a pas de limite à établir, puisque la terre ne se laboure pas.

Et plus loin:

Quant au pays au sud des Ksours, comme il est inhabitable et que c'est le Désert proprement dit, la délimitation en serait superflue.

Le vague d'un pareil énoncé est parfaitement approprié à la nature du pays et à l'esprit des musulmans. Une énonciation précise, en certaines circon

stances, peut devenir fort gênante. C'est en se plaçant à ce point de vue que les gouvernements de 1830 à 1881 ont toujours refusé de délimiter la frontière tunisienne. Il est certain que l'autorité française s'est trouvée entravée lors de l'insurrection récente de Bou-Amema en 1881, par ce fait que ce même traité de 1845 mentionne formellement l'oasis de Figuig comme marocaine.

Dans une lettre du 12 août 1845 à la maréchale, le gouverneur général fait allusion à la rentrée du général de la Rue et à l'échange des ratifications du traité avec le Maroc.

Le maréchal à la duchesse d'Isly, à Bagnères-de-Luchon.

Alger, 12 août 1845.

Le général de la Rue rentrant en France par Cette et PortVendres, je lui donne quelques lignes pour toi, qu'il mettra à la poste à Perpignan. Nos relations de voisinage avec le Maroc sont définitivement réglées; le traité est ratifié. Les dispositions des agents de l'empereur, à Tanger, ont paru excellentes; mais, à la frontière, c'est tout différent.

Le même système d'hostile, perfidie n'a cessé d'y régner. Abdel-Kader y fait ce qu'il veut, et y reçoit toute espèce de secours; et des cavaliers marocains, mêlés aux siens, viennent faire des courses sur notre territoire. Peut-être la ratification et une lettre très énergique de M. de la Rue à l'empereur feront-ils donner des instructions différentes aux chefs de la frontière.

Chère amie, je suis heureux de vous savoir dans un climat plus doux que celui-ci; la chaleur est accablante; beaucoup

de gens en souffrent. Tu te rappelles le major belge Rinon? Ce pauvre homme est mort hier d'une fièvre contractée dans la dernière expédition. Nous avons aussi perdu le capitaine d'état-major Gonrand.

J'ai reçu des nouvelles de Brun. On levait avec peine notre récolte à cause des pluies; je pense que le temps s'est amélioré avec cette lune. J'ai trouvé dans mes vieux papiers une lettre que je t'écrivais du pays en avant de Dellys; elle n'était plus opportune, je l'ai déchirée. Dans 22 jours, je serai en route pour me rendre près de vous: quelle joie! Demain matin, je pense avoir de vos nouvelles; j'espère savoir si les eaux te font bien.. Mille amours, mes chères amies.

Maréchal Duc D'ISLY.

Le 14 août 1845, le premier anniversaire de la bataille d'Isly fut fêté à Alger dans un banquet où le maréchal prononça une courte allocution.

Avant de s'embarquer pour la France, le gouverneur général fit du 19 au 23 par voie maritime une excursion de colonisation à Tenès et Orléansville, en compagnie d'une dizaine de notables personnages de la ville d'Alger. Outre ses collaborateurs immédiats, le directeur des affaires civiles et le procureur général, le maréchal avait cru devoir emmener le président du Tribunal de commerce, le Président de la Chambre de commerce, deux juges au Tribunal de commerce et deux propriétaires (1).

(1) Le colonel Saint-Arnaud cite comme ayant été ses hôtes à cette occasion: le comte Guyot; le general Randon, le procureur général Du Bodan, M. de Saint-Geniès, directeur des domaines; le comte de Latour-du-Pin, le baron Vialar, le capitaine Féray, le commandant Fourichon, et des négociants d'Alger.

Sur le point de s'embarquer, le maréchal Bugeaud écrivait une dernière lettre à la maréchale et lui annonçait sa visite à Soult-Berg depuis longtemps projetée.

Le maréchal Bugeaud à la maréchale duchesse d'Isly,
à Bagnères-de-Luchon.

Alger, le 25 août 1845.

Quatre lignes, chère amie, pour te dire qu'en arrivant d'Orléansville, je trouve ta lettre du 14, celle de Léonie, celle de Comman.

Je suis bien heureux d'apprendre que notre chère enfant va mieux. J'approuve fort que vous restiez jusqu'au 15 ou 20 septembre. Alors j'irai vous joindre à Luchon ou à Toulouse à votre choix, après avoir vu le maréchal Soult chez qui tu dois me faire connaître ta décision sur le lieu de réunion. J'aimerais mieux que ce fût à Toulouse du 15 au 20 septembre. Voulant m'envoyer ta voiture à Mèze, tu as sans doute demandé celle de ton gendre. J'emmène le cheval de Léonie. Je me porte à merveille. Adieu, mes amours; mes amitiés au bon Comman, emmenez-le à la Durantie.

Signé Maréchal DUC D'ISLY.

Le maréchal s'embarqua pour France à Alger, le 4 septembre. Il se rendrait à Soultberg pour y conférer avec le maréchal duc de Dalmatie, Président du Conseil, sur les affaires d'Algérie et spécialement sur la question de colonisation militaire. Il allait en France dans l'intention d'exprimer franchement, de vive voix, toute sa façon de penser.

Si l'on ne me comprend pas, disait-il, le 21 août à son ancien

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