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repose entre le cercueil de l'amiral Duperré et celui du général Duvivier.

Le ministre de la guerre, le lendemain de la mort du maréchal, avait adressé au général commandant par intérim l'armée des Alpes, la lettre suivante :

Paris, 12 juin 1849.

Général, le maréchal Bugeaud d'Isly a été enlevé, le 10 de ce mois, à l'armée et à la France.

La perte si regrettable que le pays vient de faire dans la personne de ce grand homme de guerre, qui fut aussi un grand citoyen, sera profondément sentie par l'armée dont il avait été le commandant en chef.

Vous annoncerez aux troupes cette douloureuse nouvelle, et, suivant l'esprit du règlement en vigueur, vous ordonnerez les dispositions suivantes :

L'armée des Alpes prendra immédiatement le deuil du maréchal Bugeaud d'Isly, son commandant en chef. Les drapeaux et étendards resteront voilés de crêpe jusqu'au jour où un nouveau commandant en chef sera reconnu.

Les officiers de tout grade porteront le crêpe au bras gauche pendant un mois, jusqu'au 10 juillet inclusivement. Recevez, général, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Le ministre de la guerre,
Signé: RULHIERES.

A l'annonce du fatal évènement, l'Algérie fut en deuil. Dès le 19 juin 1849, l'Akhbar prenait l'initiative pour élever un monument à Bugeaud l'Africain.

Préparons nous-même et devançons le jugement de l'histoire, disait la feuille algérienne. Honorons cette mémoire d'hommages et de respects unanimes. Que tous les partis se réunissent autour de cette tombe, sauf à reprendre demain la lutte commencée! Que tous oublient leurs haines et leurs discussions et que, par la dignité de leur attitude, ils forcent les étrangers à dire que la France sait honorer les hommes illustres qui l'ont'servie.

La France peut lui faire et lui fera de magnifiques funérailles. Elle a le Panthéon, dont il est certainement plus digne que beaucoup de ceux qui y reposent. Elle a le Dôme des Invalides sous lequel elle peut lui donner un tombeau à côté de celui de l'Empereur. Elle a le Palais de Versailles. que le roi Louis-Philippe a ouvert aux grands hommes de la France; sa statue y figurera dignement. Mais elle figurerait encore mieux en Algérie où il a conquis, après tout, ses plus grands titres à l'admiration de ses contemporains et à l'hommage de la postérité. C'est là qu'on devrait lui élever une statue, avec cette inscription: Au maréchal Bugeaud, l'Algérie reconnaissante.

Dès le lendemain s'ouvrait en Algérie une souscription à laquelle soldats et colons concouraient avec enthousiasme.

Le 15 août 1852, la ville d'Alger fêtait l'inauguration de la statue du maréchal Bugeaud. Le gouverneur général et l'évêque d'Alger, Ms Pavy, présidèrent la cérémonie; le général Espinasse, au nom de l'Empereur, et le colonel Saget y glorifièrent le conquérant africain.

Le héros est représenté debout, tête nue, vêtu

T. II.

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de sa capote légendaire. A ses pieds sont épars des attributs de guerre et de labour. Le monument, placé à la sortie de la vieille porte Bab-Azoun, aujourd'hui démolie, est au centre du nouveau quartier européen créé par le maréchal, et qui porte même le nom glorieux d'Isly. Du haut de son piédestal, les regards de l'homme de bronze s'étendent vers l'horizon de la Kabylie et vers les cimes du Djurjura, théâtre de sa suprême campagne.

Le 6 septembre 1853, ce fut à la ville de Périgueux de célébrer par une fête l'érection du monument élevé au maréchal-député d'Excideuil. Les généraux de Bar, Trochu et Tartas y prononcèrent d'éloquents discours.

Paris n'a point dressé de statue au duc d'Isly. Une des grandes avenues qui avoisinent l'Arc de Triomphe de l'Étoile porte son nom.

Arrivé au terme de l'œuvre que nous avons entreprise, nous nous sentons troublé. Étions-nous digne de faire revivre une telle figure? L'histoire de cette vie magnanime, véritable épopée, n'était-elle pas audessus de nos forces? Quoi qu'il en soit, si l'ampleur du sujet a écrasé l'écrivain, il ne regrette point le temps consacré à cette patiente étude il souhaiterait seulement que le lecteur trouvât, en parcourant ces pages, les satisfactions profondes et les inspirations réconfortantes que lui-même a recueillies en les composant.

En effet, durant les heures que nous avons passées à étudier la longue carrière de ce soldat immortel, de ce grand citoyen, nous nous sommes si bien imprégné de ses pensées et de ses actes, qu'il nous a été accordé, en quelque sorte, d'être identifié à son esprit juste et ferme, à son âme si ardente et si généreuse. Le salut, la gloire de la France, furent les deux mobiles qui dominèrent sa volonté, qui gouvernèrent sa

vie. Le souci de sa renommée, l'amour pour sa famille, passaient après.

Quand nous embrassons par la pensée cette période d'un demi-siècle qui s'étend de l'an VIII de la République à l'année 1849, nous suivons notre héros, tour à tour, soldat patient, laborieux et brave; officier discipliné, héroïque devant l'ennemi et non moins admirable dans son patriotisme résigné, lorsque condamné à la retraite, il se révèle agriculteur inventif et novateur fécond. Nous le retrouvons, après quinze ans de recueillement, législateur pratique, orateur nerveux, sans pitié pour les sophismes, les légendes et les chimères; esclave du devoir jusqu'au sacrifice; enfin général en chef, organisateur et tacticien de génie, conquérant et pacificateur d'une seconde France.

Dans toutes les phases de sa vie, l'homme se montre partout égal à lui-même, immuable dans sa passion pour son pays. Soit que son bras désarmé tente encore de soutenir un trône qui s'écroule, soit qu'il s'efforce à relever la société des décombres de la Révolution, c'est toujours le même sentiment, celui de la patrie seule qui le guide et l'enflamme.

Le spectacle de tant de grandeur, de tant de simplicité, de tant de vertu, nous pénètre d'admiration et de respect. Mais, tout à coup une pitié profonde, une honte immense nous envahit, quand notre regard descend aux misères et aux ignominies du présent.

Cependant, par un singulier retour, comme si le contact de cette robuste et fière nature avait eu le don de hausser nos cœurs, nous nous sentons ranimés au

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