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avait été chargé d'aller renforcer la petite garnison d'Aïn-Temouchent. C'étaient 200 hommes récemment sortis des hôpitaux, impropres au service de campagne, mais jugés capables de faire leur devoir dans un poste fermé. Rencontrée en route par le chef BouHamidi, qui se trouvait à la tête d'un corps considérable, la petite troupe mit bas les armes sans combat. Un pareil fait, inouï jusque-là, excita au plus haut degré l'orgueil des Arabes. Les historiens taisent, en général, le nom du commandant de ces 200 hommes. Nous le laisserons également dans l'oubli (1).

Le 9 octobre, Lamoricière rallia Cavaignac au col de Beni-Taza. Les deux généraux allèrent se ravitailler à Djemâa-Ghazaouat. Une affaire heureuse contre les Trara fut suivie d'une marche sur Nédrouma. AbdelKader, qui se tenait dans le voisinage, fit remettre une lettre au commandant Courby de Cognord, le principal des prisonniers de Sidi-Brahim.

La politique de l'Émir était de saisir toutes les occasions de négocier. Nous le verrons, jusqu'à la dernière heure, rêver le retour désormais impossible d'une sorte de traité de la Tafna. Quant au maréchal, il repoussait d'une façon absolue toute démarche de

(1) A la nouvelle de ces désastres, Lamoricière, parti précipitamment d'Alger le 30 septembre, débarqua à Oran le 2 octobre, rallia le 3 le colonel Korte, à Sidi-bel-Abbès; le 4 renforça la garnison d'Aïn-Temouchent, en faveur de laquelle la précédente tentative avait eu une si funeste issue, et parvint le 7 à Tlemcen.

Pendant ce temps, le commandant Billaut au fort de Sebdou se faisait tuer avec le capitaine Dombasles et une escorte de cinq hussards seulement dans une promenade imprudente exécutée comme si le pays était pacifique.

nature à reconnaître à l'Emir, même un semblant, de qualité de belligérant, dût cette abstention systématique coûter la vie à nos malheureux prisonniers de Sidi-Brahim et d'Aïn-Temouchent; ce qui malheureusement advint.

Pendant ce temps, Bou-Maza, agissant séparément d'Abdel-Kader, dont il méconnaissait hautement l'autorilé, se montrait presque aussi insaisissable que l'Émir et, sur un terrain différent, tenait tête à la fois au général de Bourjolly, aux colonels de Saint-Arnaud, Tartas (1) et Géry; surgissant à l'improviste, tantôt dans le Dahra, tantôt sur la Mina, tantôt sur le Chélif. Telle était la situation militaire en octobre, lorsque le maréchal vint imprimer une direction unique à tous ces corps détachés, et les mettre lui-même en mouvement.

Le général de Lamoricière avait pu manquer de sang-froid, mais non de bravoure. S'il avait trop peu dissimulé le danger aux habitants d'Alger, qu'aucun péril immédiat ne menaçait alors, il ne s'était pas moins comporté en vaillant homme d'action. Il s'était jeté sans hésiter, avec son camarade Cavaignac,

(1) Tartas (Émile), né le 2 août à Mézin (Lot-et-Garonne), entra à dixhuit ans dans les gardes du corps de Louis XVIII en 1814; et six mois après, avec le grade de sous-lieutenant dans un régiment de cavalerie. Après avoir rempli plusieurs années les fonctions d'instructeur à l'École de Saumur, il fut nommé lieutenant-colonel en 1840 et passa en Algérie, où, pendant cinq campagnes, il prit une part active aux expéditions, notamment à la dernière campagne contre Abdel-Kader et à la prise de BouMaza. Général en 1848, il revint en France, ses compatriotes l'envoyèrent siéger aux assemblées. Homme d'ordre, il votait contre les révolutionnaires. Il participa à la répression qui suivit le coup d'Etat en 1852. Tartas était d'humeur gaie, plein d'entrain et d'esprit.

demeuré sur place à l'extrémité Ouest de la colonie, aux points où l'Émir venait de manifester sa présence par deux coups de guerre, si désastreux pour nous.

Sûr de ses deux lieutenants, le maréchal voulut se porter sur un autre point de la ligne de défense, sur celui des incursions probables. Connaissant la soudaineté de l'Émir dont la poursuite dans l'extrême Ouest était désormais éventée, il choisit, pour s'y porter de sa personne, une ligne au centre des opérations, celle de Tiaret à Teniet-el-Had.

En même temps, il rappelait d'urgence de France son homme de sagesse et d'action, Bedeau : Bedeau, dont toute la vie militante s'était écoulée sur la frontière du Maroc. Envoyé depuis dix-huit mois au repos dans le gouvernement de Constantine, il allait, cette fois, veiller, en arrière du maréchal lui-même, à la sécurité de Tittery.

Les lieutenants de second ordre à cette époque, qui presque tous sont parvenus, depuis, au premier rang comme hommes de guerre, achevaient de compléter la chaîne de défense sur sept ou huit degrés géographiques, entre Bougie et le Maroc, et sur une profondeur de deux ou trois parallèles. C'étaient, commençant par l'Est, d'Arbouville, venu de Sétif, Gentil, Marey, Yusuf, Pélissier, Géry. Au delà, vers l'Ouest, ceux que nous avons déjà nommés; sous Lamoricière, Korte et Cavaignac.

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Il est un jeu où les enfants, se tenant par la main, forment une chaîne. Toujours en mouvement, il s'agit pour eux d'empêcher un adversaire, auquel ils font

face, de pénétrer dans leur demi-cercle. Loin de nous la pensée de comparer à un simple jeu d'enfants les veilles et les fatigues surhumaines de notre armée d'Afrique pendant l'hiver de 1845 à 1846. Mais, cette réserve faite, nous nous arrêterons à une pareille image, parce qu'elle représente bien les marches et contremarches de nos colonnes luttant d'énergie et d'activité pour empêcher l'ennemi de pénétrer dans le Tell.

Par l'ennemi, l'on entend désigner ici l'adversaire principal, Abdel-Kader; car nous en avions un autre. Le loup se trouvait dans la bergerie dans la personne de Bou-Maza. Ce dernier était aussi difficile à joindre dans l'intérieur que l'Émir sur notre périmètre. D'ailleurs les Bou-Maza se multipliaient; il en avait surgi successivement une douzaine, se distinguant par des surnoms, mais s'appelant tous Mohammed ben Abdallah. Une vieille légende musulmane voulait alors qu'un certain Mohammed ben Abdallah dût nous jeter à la mer. Il suffisait qu'un fanatique isolé vînt prêcher la guerre sainte, sous ce nom, pour soulever les tribus en apparence les mieux pacifiées.

Contre ces ennemis de l'intérieur, le maréchal avait organisé aussi une pléiade d'intrépides gens de guerre qui ne le cédaient point aux autres en énergie. C'étaient, outre Bedeau, Comman à Blidah; Saint-Arnaud à Orléansville; Canrobert à Tenès; Bourjolly à Mostaganem; Eynard avec un corps mobile sur le Chélif (1).

(1) On doit ajouter à ces noms illustres ceux du lieutenant-colonel Bosquet, chef du bureau arabe à Mostaganem, du capitaine Trochu, aide de camp du maréchal. Il faut noter comme curiosité le nombre singulier

Nous eûmes simultanément jusqu'à dix-huit colonnes en mouvement.

L'incendie, il est vrai, se manifestait, partout à la fois, dans le Dahra, sur le Chélif et ses affluents; sur la lisière du Maroc, et dans le petit Désert du Tittery.

Avant d'en venir aux opérations personnelles du maréchal contre l'Émir, nous nous occuperons sommairement des soulèvements de l'intérieur. Au cours de l'été, plusieurs chérifs avaient prêché isolément la guerre sainte, plus spécialement dans la région comprise entre le Chélif et la mer; plusieurs aussi avaient été livrés à l'autorité française qui avait sévi sans pitié.

Nous citerons, à titre d'exemple, l'histoire d'un Mohammed ben Abdallah qui parut au commencement de septembre 1845 chez les Beni-Ferah et les BeniMenacer. Le commandant supérieur de Cherchell fit sortir 350 hommes pour dissiper le rassemblement. Un combat très vif eut lieu le 6 septembre, dans l'Oued-Meselmoun. Nous avions eu déjà cinq tués et vingt-deux blessés, quand, au milieu d'un feu des plus vifs, le chef du bureau arabe de Cherchell, Moullé, et l'agha des Beni-Menacer sortirent des rangs, représentèrent aux insurgés leur folie, leur promettant l'aman s'ils livraient le fanatique. Une heure après, le chérif Mohammed garrotté, avec son domestique, était amené à Cherchell sous l'escorte de

de ces soldats de 1845 destinés à gagner le bâton de maréchal de France. Trois d'entre eux, Cavaignac, Trochu, Mac-Mahon, étaient destinés à devenir chefs de l'Etat.

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