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vingt-sept de ces mêmes Beni-Menacer qu'il venait d'entraîner au combat.

Condamnés à mort à Alger par les diverses juridictions militaires (2° conseil de guerre et conseil de revision), ces deux malheureux furent ramenés, pour être exécutés, au milieu même de la tribu qu'ils avaient soulevée. Il n'y eut pas plus de merci pour le Sancho que pour le Don Quichotte.

Son histoire était celle de tous les prêcheurs de guerre sainte (Djehed) qui ont précédé et de tous ceux qui devaient surgir. Un homme se présente, seul, aux Arabes un jour de marché, un chapelet à la main, quelques versets du Coran à la bouche. Ceux qui l'écoutent vont peut-être l'acclamer, peut-être le livrer; plus souvent le suivre d'abord et le livrer ensuite!

Le jour même de l'exécution du Bou-Maza des Beni-Menacer (22 septembre), et ce jour était aussi celui du combat de Sidi-Brahim, un autre Mohammed ben Abdallah, le vrai Bou-Maza, tombait à l'improviste sur la colonne Bourjolly manœuvrant sur le haut Riou et l'obligeait à rétrograder. Le 23, à Touazi, le général vit son arrière-garde chaudement attaquée; les escadrons du 4° chasseurs d'Afrique durent charger vigoureusement pour dégager le 9° chasseurs d'Orléans, dont le commandant Cler eut le genou percé d'une balle. Le colonel Berthier, officier d'ordonnance du Roi, fut tué en conduisant cette charge. La colonne, poursuivant cette retraite pénible, arriva à Relizanele 25.

Bou-Maza poussa jusqu'aux jardins de Mostaganem, d'où il fut repoussé par le lieutenant-colonel Mel

linet. Rejoint successivement par le colonel Géry, puis par le général de Bourjolly, Bou-Maza prit la fuite non sans perte. Mais, tout l'hiver, il tint en haleine Saint-Arnaud, commandant d'Orléansville, et Canrobert, commandant de Tenès. Ce dernier devait lui infliger un échec sévère à Badjena les 29 et 30 janvier 1846. Atteint, le 15 mars, à l'Oued Ksa par SaintArnaud, Bou-Maza reçut dans cette affaire une blessure au bras dont il ne guérit jamais. Il fut châtié de nouveau les 23 et 24 avril par Canrobert à Sidi-Khalifa.

Voilà pour ce qui concerne le vrai Mohammed ben Abdallah, que nous connaissons sous le nom de BouMaza. Quant à ses homonymes ils pullulaient. La correspondance du colonel Saint-Arnaud en porte notamment témoignage (1).

Le 3 novembre, un chérif de vingt ans, désigné plus spécialement sous le nom du Bou-Maza des Beni-ZougZoug était parvenu à soulever les tribus du Chélif entre Orléansville et Milianah, et avait effectué une razzia sur les Ouled-Segris. Informé, le général Comman hâta sa marche vers Milianah afin de rassurer les tribus fidèles. Les Beni-Zoug-Zoug arrêtèrent ce fanatique et le conduisirent à Milianah, où il fut remis au commandement supérieur.

(1) « Tous ces chérifs (cheurfa), écrit-il le 3 novembre, paraissent et disparaissent. ». . .

Puis, le 6 décembre : « Je poursuis à mort les chérifs, qui poussent comme des champignons. C'est un dédale; on ne s'y reconnait plus. Depuis l'aîné, Bou-Maza, nous avons Mohammed-bel-Cassem, Bou-Ali, Ali-Chergui, Si-Lârbi, Bel-Bej, enfin je m'y perds. J'ai déjà tué Ali-Chergui chez les Medjaja, je viens de tuer Bou-Ali chez les Beni-Derjin. Je voudrais bien aussi mettre la main sur Ben-Hinni, »

« Cet homme, dit le Moniteur Algérien, qui n'a pas plus de vingt à vingt-deux ans, est d'un fanatisme et d'une arrogance incroyables. Il a déclaré à ceux qui l'ont interrogé qu'il était l'envoyé de Dieu et d'un grand marabout, suscité pour soulever les populations de l'Est et faire triompher la religion des trois croyants (

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Ce malheureux fut condamné à mort par jugement du conseil de guerre du 15 novembre. On l'a considéré comme le frère de Bou-Maza, parce qu'il le déclara devant la justice. Mais les Arabes fanatisés se disent. souvent frères l'un de l'autre, sans qu'il y ait entre eux d'autres liens que des liens spirituels. L'identité du prénom Mohammed ben Abdallah rend improbable la fraternité du sang.

Un autre Mohammed ben Abdallah surgit, dès le 20 septembre, dans le Djebel Dira, au sud du Tittery. Celui-là commença par décapiter nos caïds. Le

(1) Les journaux du temps et les Annales algériennes ont reproduit l'interrogatoire du prétendu frère de Bou-Maza (Mohammed ben Abdallah); ses réponses, à la veille du supplice, étaient empreintes d'une grande élévation de sentiments.

D. Qu'avez-vous à reprocher aux Français? Des vols, des exactions, des injustices, des crimes? Dites sans crainte la vérité ?

R. Rien de tout cela; les Arabes vous détestent parce que vous n'avez pas la même religion qu'eux, parce que vous êtes étrangers, que vous venez vous emparer de leur pays aujourd'hui, et que demain vous leur demanderez leurs femmes et leurs enfants. Les Arabes disent à mon frère Guidez-nous, recommençons la guerre; chaque jour qui s'écoule consolide les chrétiens; finissons-en sur l'heure. D. Beaucoup d'Arabes savent nous apprécier et nous sont dévoués.

R. Il n'y a qu'un Dieu. Ma vie est dans sa main et non dans la vôtre; je vais vous parler franchement. Tous les jours vous voyez des musulmans vous dire qu'ils vous aiment et sont vos serviteurs. Ne les croyez pas! Ils vous mentent par peur ou par intérêt. Chaque fois qu'il viendra un chérif qu'ils jugeront capable de vous vaincre, ils le suivront, fût-ce pour vous attaquer dans Alger.

D. Comment les Arabes peuvent-ils espérer nous vaincre, conduits par des chefs qui n'ont ni armée, ni canons, ni trésors?

R. La victoire vient de Dieu; il fait, quand il le veut, triompher le faible et abat le fort.

général Marey se mit à sa poursuite avec une colonne ne comptant pas moins de 3,000 hommes et le rejeta dans le Djurjura, où il tint lête en novembre non seulement à la colonne Marey, mais encore à la colonne d'Arbouville venue de Sétif. On ne put s'en rendre maître.

Il rejoignit Ben-Salem, et nous inquiéta toute la fin de cette campagne sur nos lignes de l'Est. Le général d'Arbouville, de même que Saint-Arnaud sur le Chélif, signala dans le Hamza plusieurs autres chérifs aussi réputés Bou-Maza.

Nous retrouvons un autre Mohammed ben Abdallah à l'Ouest, devant le général Cavaignac. Celui-là, du surnom d'El-Fadel, se prétendait Jésus ressuscité (1).

De graves embarras nous ont été suscités en Afrique, chaque jour, par ces sortes d'apôtres. Nous ne saurions désapprouver la justice militaire qui doit, quand

(1) On a recueilli une lettre d'El-Fadel adressée au général Cavaignac. Elle est pleine de fierté.

Mohammed ben Abdallah (Sidi el Fadel), au général Cavaignac. Louange au Dieu unique! Personne ne lui est associé. Du serviteur de son Dieu Mohammed ben Abdallah au chef français, salut sur quiconque suit la vraie voie. Sachez que Dieu m'a envoye vers vous et vers tous ceux qui sont dans l'erreur sur la terre. Je vous dis que Dieu nous a ordonné de vous dire : Il n'y a d'autre Dieu que Dieu et Mohammed est son Prophète. N'admettez pas d'autre religion, Dieu n'en admet d'autre que l'Islamisme. Que le juif dise au chrétien qu'il est athée et réciproquement. La vérité, pour tous deux, serait de témoigner en faveur du prophéte Mohammed.

Cessez de commettre l'injustice et le désordre. Dieu ne l'aime pas. Sachez qu'il m'a envoyé pour que vous vous soumettiez à moi. Il a dit: Soumettez-vous à moi et à mon envoyé !

Vous savez qu'il doit venir un homme qui régnera à la fin des temps. Cet homme c'est moi, Mohammed, envoyé par Dieu et choisi parmi les plus saints de la suite du Prophète. Je suis l'image de celui qui est sorti du souffle de Dieu.

Je suis l'image de Notre-Seigneur Jésus. Je suis Jésus ressuscité, ainsi que chacun sait, croyant à Dieu et à son prophète. Si vous ne croyez pas aux paroles que je vous dis en son nom, vous vous en repentirez, aussi sûr qu'il y a au ciel un Dieu ayant le pouvoir de tout faire.

ils sont pris, les livrer à l'exécuteur. Toutefois, en les voyant, pour une cause sainte à leurs yeux, affronter avec impassibilité, une mort certaine et prochaine, nous ne pouvons nous défendre d'un sentiment qui se rapproche de l'admiration.

Comme on le voit, l'insurrection dans l'intérieur avait gagné de toute part. Sans se préoccuper, outre mesure, des petits chérifs, le maréchal avait pour seul objectif de ne pas laisser pénétrer l'Émir dans le Tell. Surtout en présence d'agitations pareilles, Bugeaud avait présumé, non sans raison, qu'AbdelKader, après Sidi-Brahim, ne tenterait pas de franchir la ligne de fer que lui opposaient Lamoricière et Cavaignac, mais se porterait dans le Tittery. De là, le choix de sa ligne personnelle de manoeuvres. Dix jours. après son départ d'Alger, il était à quatre-vingt-dix lieues de son point de départ, à Teniet-el-Hâd.

Il demeura entre ce poste et celui de Tiaret pendant les mois de novembre et décembre'; toujours en alerte, parcourant toutes les vallées des affluents du Chélif, et poussant vers le Sud jusqu'au Chott-el-Chergui.

L'Émir en personne fut heurté par la colonne du maréchal le 23 décembre, à Temda (1). L'affaire fut même assez sérieuse.

(1) Extrait du journal l'Akhbar : « Des renseignements certains ayant appris que le camp d'Abdel-Kader était à la montagne de Kouchtoute, le duc d'Isly prit ses dispositions pour aller l'y combattre. Le 22, à l'entrée de la nuit, toute la cavalerie se mit en mouvement sous le général Yusuf, pendant que le maréchal, se mettant en mouvement avec l'infanterie au point du jour, allait occuper un défilé par où l'Emir devait tenter de s'échapper.

<< Dans la vallée de la Temda, Yusuf se mit à la poursuite des bagages de l'Emir; une partie était déjà tombée en son pouvoir, lorsque 7 à 800 cava

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