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colonel de Saint-Arnaud. Mais les crues du printemps avaient emporté le pont du bas Chélif, et le général ne put franchir le fleuve que le 18 avril. Avant qu'il ne fût arrivé sur le terrain des hostilités, le chérif (1), dont Saint-Arnaud croyait poursuivre les débris, paraissait, le 20, sur la route de Tenès à Orléansville, y attaquait brusquement un détachement de la garnison de Tenès occupé aux travaux de la route, blessait quatre hommes, enlevait nos tentes et notre matériel de travail.

Le lendemain 21, le marabout insultait nos avantpostes de Tenès, et, le 22, il ne craignait pas d'attaquer un convoi, malgré une escorte de 500 soldats français que conduisait le commandant Prévost, tout nouvellement débarqué de France.

considération et d'influence, on peut affirmer au moins que la puissance et l'autorité ne se trouve que chez elles. Une partie des terres voisines, provenant en général de donations pieuses, est cultivée par les hommes de la zaouia et sert à les nourrir. De larges offrandes, des provisions de toute espèce sont offertes au marabout et à ceux qui, vivant près de lui, étudient la loi. Quelquefois, par suite d'anciennes obligations religieuses, les voisins de la zaouïa lui payent l'aachour ou la dime. Toutefois ce tribut n'a jamais eu de caractère obligatoire devant la justice.

(1) Le colonel de Saint-Arnaud écrivait à son frère d'Orléansville le 13 avril 1845 Un marabout se disant chérif, c'est-à-dire de la famille du Prophète, en travaillant le fanatisme et la crédulité des Arabes, s'est fait un parti, a prêché la guerre sainte contre nous et est parvenu à rassembler un camp, où il compte 5 à 600 fusils et une cinquantaine de cavaliers. Ce chérif, nommé Mohammed ben Abdallah, est à trois journées de moi.

Par une autre lettre datée de Sidi-Aïssa-ben-Daoud, le 17 avril, le colonel raconte une rencontre où il a tué 60 hommes, fait couper 3 tétes, enlevé 14 prisonniers et un drapeau.

...Demain, dit-il, je poursuivrai les débris de la bande du chérif. C'est un jeune homme de vingt ans, cicatrices au front et au nez, se donnant de l'importance, faisant le sultan; quatre chaouchs à sa tente, ne recevant pas tout le monde, mais recevant tous les cadeaux.

Toutes ces circonstances, écrit le maréchal en faisant, dans les colonnes de son Moniteur Algérien, un retour sur les théories des Chambres et des journaux de la métropole, doivent prouver aux partisans du système pacifique que nous devons rester forts et vigilants; que nous ne pouvons désarmer en présence d'un peuple belliqueux qui est comprimé, mais ne sera de longtemps assimilé.

D'autres indices d'agitation insurrectionnelle (1) amènent le maréchal à protester contre l'éternel reproche adressé par le civil au militaire, celui de fomenter ou même d'inventer la guerre par intérêt.

Voilà ce qui devrait prouver aux plus obstinés dans le système pacifique que nous devons être militants jusqu'à ce que nous n'ayons plus d'ennemis. Mais comment supposer qu'on pourrait être assez barbare et assez stupide pour faire la guerre sans nécessité et pour le seul plaisir de guerroyer? Nos troupes n'ont-elles pas eu cette jouissance a satiété depuis quinze ans? Voit-on que nous attaquions les tribus soumises dans une zone à cinquante lieues de la mer? Loin de là, nous les administrons, nous nous occupons de leurs intérêts, de leur religion, de leur justice. Nous leur faisons des barrages, des routes, des ponts, et nous ne faisons

(1) Les faits de guerre du printemps de 1845 dont il s'agissait étaient les suivants :

Quelques tentes des Beni-Amer s'étant déplacées pendant la nuit pour émigrer au Maroc, le commandant Vinoy, du poste de Sidi-bel-Abbės, mit à leur poursuite un douar... Un combat s'est engagé dans lequel les nôtres sont restés maîtres du terrain; mais ils ont eu 5 hommes tués, 12 blessés, et n'ont pu ramener l'émigration.

...Le khalifat de Laghouat, se rendant à Médéah avec les troupeaux de l'impôt de la Zekka, a été attaqué dans le Desert par un chef dissident des Ouled-Naïl, nommé Bedly. Sa troupe a été dispersée; il a perdu troupeaux, tentes et bagages; toutefois il a rallié Médéah avec la plus grande partie de sa suite. Le général Marey ne tardera pas à se porter en avant. (Moniteur du 15 avril.)

la guerre qu'aux voleurs de grand chemin. Encore ce sont les tribus elles-mêmes qui les arrêtent (1) et non pas les soldats.

La lettre ci-jointe adressée à cette même époque par le maréchal au colonel de Saint-Arnaud est des plus instructives. Elle contient en dehors d'éclaircissements sur des faits de guerre, sous une forme brève et saisissante, les principes de guerre pratiqués par le grand soldat dans sa lutte avec les Arabes.

Le maréchal Bugeaud, gouverneur général de l'Algérie, au colone de Saint-Arnaud, commandant la subdivision d'Orléansville.

Alger, le 24 avril 1845.

Mon cher Saint-Arnaud,

Sachant ce que sont les Beni-Hidja qui ont attaqué deux fois notre petit camp en avant de Tenès, je dois craindre que l'insurrection ne gagne toutes les montagnes de l'Est et je prends des mesures en conséquence. Je suspends mon mouvement dans l'est d'Alger; je fais partir de Milianah un bataillon du 64° pour vous rejoindre avec un convoi de farines. Ce bataillon et les 500 hommes du bataillon d'Afrique resteront à votre disposition jusqu'à ce que le plus grand calme soit rétabli autour de vous, dans toute votre subdivision et dans tout le Dahra. Vous aurez ainsi sept bataillons; j'espère que vous pourrez marcher avec cinq au moins, six seraient encore mieux, afin de ne pas éprouver l'apparence d'un insuccès qui pourrait exalter la somption de nos ennemis.

(1) Allusion à diverses arrestations de prêcheurs de guerre sainte faites spontanément par des tribus soumises.

Ne vous occupez pas de la rive gauche, où, m'écrit-on de Milianah, il y a déjà des prédications de révolte. Je me porterai vers Milianah, le 3 mai, avec une colonne suffisante pour faire repentir l'Ouarensenis de ses tentatives. De là, je serai aussi en mesure d'agir contre les Beni-Ferah et Zatima. C'est un moment de crise à passer, j'espère qu'il tournera au profit de notre domination.

Mais, pour que cela soit, il faut frapper très durement sur les insurgés et opérer, autant qu'il se pourra, le désarmement et l'enlèvement des chevaux.

La tribu des Beni-Hidja mérite le châtiment le plus sévère et le plus exemplaire; il faut vous attacher à elle avec persévérance comme un fléau. Arrachez-lui toutes ses récoltes; coupez-lui ses arbres fruitiers de toute espèce; qu'elle soit ruinée pour longtemps, à moins qu'elle ne consente à remettre ses fusils, ses chevaux et une forte contribution de guerre.

Le général de Bourjolly ne pourra pas rester longtemps dans le Dahra, parce qu'il aura besoin d'aller surveiller de près le pays sur la Mina. Mais, en s'en retournant, il peut encore, si cela est nécessaire, fouler le pays des ennemis, après s'être bien ravitaillé à Tenès ou à Orléansville. Je lui écris dans ce sens. S'il était nécessaire, vous retourneriez avec lui dans le Dahra pendant quelques jours.

Agissez de concert avec lui pour établir notre autorité d'une manière solide dans cette contrée. Elle n'avait pas assez senti le poids de nos armes, il faut le lui faire sentir à présent cruellement.

J'envoie M. le capitaine d'état-major Lapasset pour remplacer le malheureux Béatrix. C'est homme intelligent, qui parle, lit et écrit l'arabe; je vous le recommande particulièrement.

A présent, je veux vous parler de ce camp malencontreux en avant de Tenès, de l'autre côté de la gorge. J'ignore quel en est l'auteur? Est-ce Cavaignac ou Claparède? Quel qu'il soit, je lui en témoigne mon blâme le plus absolu. Ce sont de pareils postes créés sans nécessité, et contre tous les principes que je vous ai si souvent exposés, qui amènent des malheurs. Il est fort heureux que le désastre n'ait pas été plus grand. Je n'avais jamais entendu parler de ce camp; on ne m'en a pas dit un seul mot dans aucun rapport. Je croyais qu'il n'y avait qu'un camp ambulant de travailleurs et même dans ce cas ne valait-il pas mieux faire rentrer, tous les soirs, les troupes à la ville, quand le travail s'exécute à une lieue seulement? J'ai ordonné de ne pas l'évacuer en ce moment, parce que cela produirait un mauvais effet moral; mais on peut l'évacuer sans scrupule quand vous agirez vigoureusement contre les Beni-Hidja.

S'il était indispensable, ce que j'ai de la peine à croire, pour les travaux de la route et de la conduite d'eau, vous le laisserez jusqu'à l'achèvement du travail. Après quoi, il sera retiré sans aucun retour sur cette décision. Si vous le gardez encore temporairement, il faut qu'il soit inexpugnable. Sans ce poste, il n'y aurait probablement eu qu'une insurrection. dans le vide l'ennemi n'aurait pas osé attaquer Tenès, puisqu'il ne l'a pas fait malgré le scindement des forces. Ce détachement de 50 à 60 hommes a tenté le Diable; c'était bien le cas de le retirer quand Claparède est sorti avec les forces les plus disponibles. Il faut que cette minie de l'éparpillement et de l'immobilisation des forces soit quelque chose de bien invétéré dans les esprits, pour que, malgré nos paroles et nos écrits si multipliés contre ce système, on le suive encore si souvent. Faites-moi connaître la situation des choses le plus souvent possible par Tenès et par Milianah.

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