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de précipitation dans les mesures qui la préparèrent. Et d'abord, le chef de l'expédition manquait de quelques-unes des qualités que sa mission, autant et peutêtre plus politique que militaire, aurait exigées. Le général Oudinot, dont je puis parler avec d'autant plus d'impartialité que je contribuai à le faire désigner pour chef de l'expédition et que j'ai pour lui une haute estime et une vieille amitié, ne laissait rien à désirer sous le rapport de l'honneur et du courage; il portait un beau nom militaire, avait servi avec distinction dans les grandes campagnes de l'Empire et plus récemment en Algérie, et, de plus, il venait de commander l'armée des Alpes, où il s'était fait remarquer par une grande intelligence des détails du service et par ses soins pour les soldats; mais il manquait de coup d'oeil et de décision. Il faut dire aussi que les instructions qui lui furent données par le ministre des affaires étrangères étaient plutôt de nature à l'égarer qu'à le diriger dans cette situation si difficile et si complexe qu'il allait aborder; elles trahissaient une grande impatience d'en finir de la République romaine, tout en recommandant au général de ne marcher sur Rome qu'autant qu'il paraîtrait y être appelé par le vœu de la population. Celles données par le ministre de la guerre étaient un peu plus explicites; elles prescrivaient au général de s'arrêter à Civita-Vecchia et d'y attendre les nouveaux ordres du gouvernement; mais ce texte avait été modifié dans le conseil; l'ordre de s'arrêter à Civita-Vecchia avait été remplacé par un référé aux instructions du ministre des affaires étrangères, qui n'avaient cependant pas été délibérées.

Il est remarquable que, ni dans l'un, ni dans l'autre de ces documents, il n'était fait la plus légère mention de la question catholique, qui, à vrai dire, était au moins pour le parti conservateur la principale cause

de l'intervention. C'est dans l'instruction adressée à nos deux ambassadeurs de Rome et de Naples, MM. d'Harcourt et de Rayneval, qui se trouvaient alors auprès du pape à Gaëte, que cette question était traitée.

Le pape, y était-il dit, n'est pas seulement le chef d'un gouvernement de troisième ordre, il est encore, il est surtout le chef de l'Église catholique; ces deux titres ne sont pas unis en lui par le pur effet du hasard. Sa souveraineté temporelle, construite en quelque sorte pièce à pièce, dans le cours des siècles, moins par les moyens ordinaires qui fondent les États que par la politique et la générosité des princes et des peuples dévoués au catholicisme, lui a été donnée précisément pour le mettre en mesure d'exercer son autorité spirituelle avec cette haute indépendance, cette dignité qui peuvent seules la rendre efficace; renverser cette base, c'est porter une atteinte sérieuse à une institution dont toutes les nations catholiques ont le droit de revendiquer l'intégrité, parce qu'elle est la clef de voûte de leur religion... Nous ne prétendons pas que le peuple des États de l'Eglise ait le devoir de se sacrifier à l'intérêt des autres peuples... Ce que nous disons, c'est qu'il faut concilier ces intérêts également respectables; ce qui ne permet pas d'abandonner aux passions d'une seule des parties intéressées la solution des questions qui y sont engagées d'où il résulte qu'invoquer en cette circonstance le principe de la non-intervention, ce serait en faire une application erronée. Il faut que le pape soit rétabli dans l'indépendance et le degré qui lui sont absolument nécessaires pour le libre accomplissement de ses devoirs spirituels; c'est là ce que le catholicisme tout entier, ce que le monde civilisé a le droit d'exiger; il faut, en même temps, que les populations des États de l'Église soient mises à l'abri du retour du détestable régime qui a été la cause première de toutes les calamités de ces derniers temps... La France ne pourrait accorder son concours à aucune combinaison qui, en restaurant le pouvoir du SaintSiége, ne contiendrait pas en faveur du peuple romain des garanties de liberté raisonnable, de bonne administration et de clémence, etc.

Le 20 avril, le général Oudinot nous écrivait de Marseille :

Je suis arrivé ce matin à Marseille ; j'ai tout lieu de croire que nous pourrons prendre la mer dimanche matin; mais je n'ai pas encore reçu les instructions du ministre des affaires étrangères. J'attends M. de la Tour-d'Auvergne qui doit les apporter. (Il les reçut le même jour.) J'ai l'honneur de vous transmettre l'ordre du jour que je donne au corps expéditionnaire; les pensées en sont empruntées au discours de M. le Président du conseil. Voici l'ordre du jour, ainsi conçu :

SOLDATS !

Le gouvernement, résolu à maintenir partout notre ancienne et légitime influence, n'a pas voulu que les destinées du peuple italien puissent être à la merci d'une puissance étrangère ou d'un parti en minorité. Il nous confie le drapeau de la France pour le planter sur le territoire romain, comme un éclatant témoignage de nos sympathies... Vous prendrez en toute occasion pour règle de conduite les principes d'une haute moralité; par vos armes, par vos exemples, vous ferez respecter la dignité des peuples. L'Italie vous devra ainsi ce que la France a su conquérir pour elle-même, l'ordre dans la liberté.

Marseille, 20 avril 1849.

Général OUDinot.

Cette phraséologie avait au moins le mérite de ne rien engager et de ne rien compromettre.

L'expédition devait se composer de trois brigades d'infanterie représentant un effectif d'environ 12,000 hommes; de 48 bouches à feu et de 250 chevaux; plus 16 pièces de siége et deux compagnies du génie. Ces troupes devaient être transportées en Italie successivement et par deux convois différents : le premier convoi composé du Labrador, l'Orénoque, l'Albatros, le Christophe-Colomb, le Parama et le Sané et des corvettes à vapeur le Véloce et l'Infernal, commandé par

le contre-amiral Tréhouart, partit en effet de Marseille; le 26 le général Oudinot nous écrivit de Civita-Vecchia, qu'il occupait, la dépêche suivante :

Toutes les mesures étaient prises pour un débarquement de vive force ou pour un siége en règle de la place. Le conseil de guerre de Civita-Vecchia a écouté les conseils de la prudence, et nous ne saurions trop nous en louer au point de vue de l'humanité. L'Assemblée romaine, qui avait ordonné au gouverneur de Civita-Vecchia de résister, m'a envoyé, hier au soir, le ministre des affaires étrangères, avec une protestation contre ce qu'elle appelle une invasion; l'espèce de menace dont ce document est empreint n'a pas lieu de m'effrayer. Je fais, au contraire, partir pour Rome avec M. Safi (le ministre romain) le capitaine Fabas, mon officier d'ordonnance; il déclarera à l'Assemblée (elle est en séance depuis trois jours) que je suis résolu à entrer à Rome, en ami ou en ennemi...

J'ai besoin d'avoir très-promptement pour réserve les troupes de la troisième brigade; le dénùment complet de cavalerie me fait grand défaut. Toutefois, je me rends garant que le drapeau français sera porté d'une main ferme dans les États-Romains.

Le général nous annonçait aussi qu'un délégué du Pape s'était présenté pour prendre possession de Civita - Vecchia, mais qu'il l'avait éconduit et qu'il maintenait les droits d'occupation de cette ville par l'armée française.

Pendant ce temps que se passait-il à Rome? la première nouvelle du départ de notre expédition y avait causé une grande agitation accepterait-on l'intervention française, la repousserait-on par la force? Le gouvernement romain et la population étaient partagés entre ces deux opinions; sur trois des Triumvirs, deux inclinaient en faveur de l'arbitrage de la France; mais le troisième, Mazzini poussait à la résistance, et comme il avait pour lui les passions

révolutionnaires, bien autrement énergiques que les velléités pacifiques des modérés, il l'emporta.

Le 24 avril, l'Assemblée romaine, qui s'était constituée en permanence, déclara « qu'elle protestait, au nom de Dieu et du peuple, contre cette intervention inattendue; elle annonçait son ferme dessein d'opposer la force à la force et rendait la France responsable de toutes les conséquences. Elle décida que cette protestation serait portée par le ministre des affaires étrangères accompagné de Sterbini au général Oudinot à Civita-Vecchia. »

Le lendemain 25, le Comité de surveillance publique adressa à tous les cercles de l'État la proclamation suivante :

Notre gouvernement et le peuple ne croient pas aux paroles amicales de la France, et nous nous préparons tous à résister: l'Assemblée a déjà protesté; le gouvernement a pris les mesures pour la défense du pays. Courage, et aux armes! les Romains ne veulent plus de roi et encore moins du gouvernement des prêtres.

Signé STERBINI, président.

Puis vint le décret qui mettait hors la loi les envahisseurs; puis l'organisation d'une Commission, dite des Barricades, enfin un recours à tous les vieux moyens révolutionnaires contre l'intervention de la France.

Que restait-il à faire au général Oudinot, dès qu'il avait la certitude que notre arbitrage était repoussé ? marcher immédiatement et sans perdre un seul instant sur Rome afin de mettre à profit le premier trouble des esprits et l'hésitation des partis; ou s'il croyait à une résistance sérieuse, attendre l'arrivée de sa réserve et de son artillerie de siége qui ne pouvaient tarder à débarquer; il ne devait, dans aucun cas, s'exposer à

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