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et provinciales: elles sont non plus seulement promises,
mais données, et de la manière la plus large. (Exclamations
à gauche. M. Odilon Barrot, président du conseil : Oui!
oui! et peut-être plus larges que vous ne les voudriez vous-
mêmes pour la France.) Nous avons demandé une Consulte,
elle est donnée; je puis donc répéter avec vérité que plu-
sieurs des demandes de la France ont été accordées, que la
plupart des autres sont annoncées et promises. (Murmures
à gauche.) Et c'est dans ce sentiment tout à la fois de regret
et d'approbation que, sitôt que le Motu Proprio lui a été
connu, le gouvernement a envoyé à Rome la dépêche sui

vante :

Paris, 30 septembre 1849.

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MONSIEUR,

Le gouvernement a pris connaissance du manifeste de Sa Sainteté; il doit vous faire connaître son opinion sur cette pièce et vous communiquer la résolution qu'elle lui a sug gérée.

Le manifeste consacre l'institution d'un conseil des ministres, créé par Pie IX; il institue un Conseil d'Etat ; il établit, sous le nom de Consulte, une chambre délibérante, produit indirect de l'élection, qui discutera toutes les questions de finances, examinera le budget et donnera son avis sur la création, l'assiette et la perception des impôts; il accorde ou maintient des libertés communales et provinciales très-étendues; il annonce enfin la réforme des lois civiles, des institutions judiciaires et des règles de la justice criminelle.

Les institutions que promet le manifeste nous ont paru incomplètes; vous me mandez que vous avez fait d'avance vos réserves à cet égard, et je vous approuve. Toutefois, nous avons reconnu que ces institutions réaliseraient, en très-grande partie, les vœux émis par la France et apporteraient des innovations très-notables et très-heureuses dans l'adminis tration des États de l'Église, si, suivant le désir de Pie IX, elles étaient convenablement réalisées.

Votre principale mission, monsieur, est de tâcher, autant que vous le pourrez, de hater, par vos avis désintéressés et pressants, le prompt et efficace développement des principes d'institutions libérales déposés dans le manifeste.

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Le ministre, passant à un autre objet de nos négociations avec la cour de Rome, à l'amnistie, déclare qu'à cet égard le langage du gouvernement a dû être plus vif et plus pressant. Il donne lecture d'une nouvelle dépêche dans laquelle il est dit :

Que le gouvernement était loin de s'attendre à ce qu'on laissåt en dehors de cet acte de mansuétude et de prudence des catégories si nombreuses et si mal limitées. On y recommandait à notre représentant à Rome de représenter au gouvernement pontifical qu'une amnistie de cette nature ne pouvait que produire une agitation prolongée, de profonds ressentiments et de grands périls; que, dans l'intérêt de la puissance pontificale et pour le bien-être de l'Église, il fallait conjurer le Saint-Père de revenir sur cette mesure et d'en modifier profondément la portée et l'effet; lui faire remarquer avec le respect filial qui lui est dû, mais aussi avec la fermeté qui est notre devoir et notre droit, que la France ne saurait s'associer, ni directement ni indirectement, aux actes de rigueur que de si nombreuses exceptions font prévoir; qu'il devait concilier l'un des principaux buts que les puissances catholiques s'étaient proposés: savoir, la conciliation des partis et la pacification réelle du pays. (Trèsbien !)

La communication de ces dépêches à l'Assemblée faisait ressortir d'une manière éclatante la parfaite identité qui existait entre la politique suivie par le cabinet, soit avant, soit depuis le Motu Proprio, et celle que M. le Président de la République avait formulée dans sa lettre; ainsi plus moyen de supposer un dissentiment entre le Président et ses ministres; mais la gauche ne pouvait pas abandonner aussi facilement une manœuvre sur laquelle elle avait fondé de si grandes espérances. A défaut d'un conflit entre le chef du pouvoir et son ministère, n'était-il pas possible d'en établir un entre le Président et la majorité de l'Assemblée? C'est sur ce point que portèrent les ef

forts de tous les orateurs de l'opposition, à quelque nuance qu'ils appartinssent.

M. Mathieu (de la Drôme) entra le premier dans cette voie où l'opposition se sentait un peu gênée, car, après avoir si récemment et si violemment outragé le Président, elle se trouvait amenée, par les nécessités de la politique adoptée, à faire son éloge.

Après avoir reproduit les vieux griefs de son parti contre l'expédition de Rome, après avoir remarqué que tout le mal venait de ce que notre cabinet était un cabinet de coalition; que si le ministère avait été uniquement composé de membres comme M. de Fal.loux, il est certain que l'Assemblée constituante n'eût pas autorisé l'expédition de Civita-Vecchia; que si, au contraire, il eût été composé d'hommes comme M. Odilon Barrot, l'expédition n'eût pas abouti au renversement de la République romaine... Après avoir ainsi cherché à opposer ministre à ministre, il arrive à la grande et habile manœuvre du parti.

Deux mois s'étaient écoulés, dit-il, en négociations parfaitement stériles, il était temps de parler haut; si M. le Président de la République l'a compris, je ne puis que l'en féliciter. (Mouvement. Une voix à droite: Vous l'avez mis en accusation!) Mais, dit-on, la lettre est inconstitutionnelle, parce qu'elle n'est pas revêtue du contre-seing ministériel... Vous vous en êtes aperçus bien tard. Il fallait dire cela quand vous avez vu nos soldats marcher sur Rome; vous avez trouvé bon alors que le pouvoir exécutif fit, de sa propre autorité, la guerre à Rome; trouvez bon qu'il règle aussi, de sa propre autorité, les conditions de la paix. Vous avez accepté les prémisses, acceptez les conséquences. (Approbation à gauche.) Mais pour quoi donc pensiez-vous que M. Bonaparte envoyait une armée à Rome? Espériez-vous que le combattant de Forli renierait un des actes les plus honorables de sa vie passée ? Espériez-vous qu'il outragerait

1. En 1831, Louis-Napoléon et son frère avaient pris les armes avec les insurgés de la Romagne.

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par une si noire apostasie la mémoire de son frère, mort à ses côtés en combattant, comme lui, pour la liberté italienne? Si telles étaient vos espérances, souffrez que je vous le dise, ces espérances étaient de sanglantes injures pour M. le président de la République. Ah! je comprends maintenant pourquoi certains hommes votèrent, le 10 décembre, en faveur de Napoléon Bonaparte, pour le neveu de celui qu'ils appelaient autrefois l'usurpateur, l'ogre de Corse; ces hommes voulaient et ils veulent encore faire du neveu la victime expiatoire de la gloire de l'oncle. (A gauche: Trèsbien ! très-bien!) On est sorti, dites-vous, de la Constitution. Eh bien! que ne faites-vous comme nous, que ne formulezvous une demande de mise en accusation? (Rires à droite.) Je sais parfaitement que vous êtes trop modérés pour en venir là vous voulez condamner la lettre, tout en pardonnant à celui qui l'a écrite; accepterait-il votre pardon? M. le Président de la République pourrait-il se faire à Rome l'instrument d'une politique qui n'est pas la sienne, d'une politique qu'il a, lui, flétrie dans sa lettre du 28 août ? n'aimerait-il pas mille fois mieux briser un pouvoir désormais déconsidéré entre ses mains? Un ministre, lorsqu'il voit sa politique désavouée, se retire; voulez-vous forcer le Président à une résolution extrême? et, en supposant qu'il voulût reculer, le pourrait-il en face des insinuations calomnieuses des journaux soi-disant religieux? Ils ont dit que M. Bonaparte avait écrit sa lettre pour se mettre bien dans l'esprit de l'armée, qu'il avait voulu conquérir un peu de popularité. auprès des démagogues, que la lettre était une réclame; et ils ont ajouté que si le Président veut faire oublier un passé déplorable, il fallait qu'il fût plus sage à l'avenir. (Rires d'assentiment à l'extrême gauche.) Et vous voudriez que le Président acceptât ces odieuses accusations de charlata nisme, ces arrogantes leçons? Mais alors, je vous en conjure, défendez-lui donc de s'appeler Napoléon Bonaparte! (Marques d'approbation à gauche.)

Ce discours fit une assez vive impression. C'était la première fois que la Montagne montrait quelque habileté de conduite faire de la tactique, au lieu de cette violence qui était dans ses habitudes, c'était un progrès; et puis, il était assez piquant d'entendre ce

rude montagnard qui, la veille, signait l'accusation de Louis-Napoléon, se montrer si soucieux de son honneur, et laisser même entrevoir les mesures extrêmes auxquelles la majorité pouvait le contraindre !

La voie était tracée; tous les orateurs de l'opposition qui succédèrent à M. Mathieu (de la Drôme) adoptèrent le même thème.

M. Victor Hugo, après avoir retracé à sa manière, c'est-à-dire avec une énergie de langage plus habituée aux effets du drame et du romantisme qu'aux délicatesses de la tribune, la réaction dont les cardinaux s'étaient faits les instruments à Rome, ajoute:

C'est dans ce moment-là qu'une lettre a paru, une lettre écrite par M. le Président de la République à l'un de ses officiers d'ordonnance, envoyé par lui à Rome en mission. J'aurais préféré à cette lettre un acte de gouvernement délibéré en conseil; à ne considérer que la lettre en ellemême, je l'aurais voulue plus mûrie et plus méditée dans les termes; chaque mot devait y être pesé: la moindre trace de légèreté dans un acte grave crée un embarras. Mais, je le constate, cette lettre, telle qu'elle est, fut un fait décisif et considérable. Pourquoi? parce que cette lettre n'était autre chose qu'une traduction de l'opinion; parce qu'elle donnait une issue au sentiment national; parce qu'elle rendait à tout le monde le service de dire tout haut ce que chacun pensait; parce qu'enfin cette lettre, même dans sa forme incomplète, contenait toute une politique : elle donnait une base aux négociations pendantes, elle donnait au Saint-Père, dans son intérêt, d'utiles conseils et des indications généreuses; elle demandait l'amnistie et des réformes; elle traçait au pape, auquel nous avons rendu le service, un peu trop grand peut-être, de le restaurer sans attendre l'acclamation de son peuple... (vive approbation à gauche), elle traçait au pape le programme sérieux d'un gouvernement de liberté; je dis un gouvernement de liberté, car, pour ma part, je ne sais pas traduire autrement ces mots gouvernement libéral. Enfin, et j'insiste sur ce point, elle exprimait le sentiment du pays... Je viens de vous exposer la situation,

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