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de ces dénonciations est accueillie par des cris ironiques des centres : C'est bien! c'est très-bien! Il n'y a pas autre chose à faire, etc., ET VOS CIRCULAIRES?... Ces circulaires, s'écrie l'auteur, elles ont été faites pour le triomphe de la République! on aurait pu lui répliquer : Est-ce la République que vous voulez faire triompher dans ce moment, alors que vous servez la candidature du futur empereur? Après que le tumulte est apaisé, M. Jules Favre reprend la série de ces dénonciations; il parle d'une biographie du général Cavaignac envoyée gratuitement par la poste, à tous les maires, distribuée dans les casernes et dans laquelle était posée cette question : « Quel homme oserait se porter le rival de Cavaignac? qui apporterait dans la balance les mêmes titres que lui? et l'Assemblée tout entière de crier C'est juste! Il parle aussi d'une brochure intitulée les Prétendants, d'une autre brochure ayant pour titre : Documents de l'histoire contemporaine et des Guêpes d'Alphonse Karr, écrits dans lesquels l'un des candidats est, bien entendu, fort exalté, aux dépens de son concurrent; ces citations font peu de sensation; de tous les côtés, on crie à l'orateur : « Mais les choses ne peuvent pas se passer autrement. » M. Jules Favre n'est pas plus heureux lorsqu'il déploie sur la tribune une grande affiche dans laquelle le général Cavaignac était représenté à cheval, avec cette inscription: Sauveur de la République; des voix nombreuses lui crient: Cela n'est que vrai! l'effet de l'attaque était complétement manqué.

Il ne fut pas difficile à M. Dufaure de faire tomber tout cet échaufadage d'incriminations. Il commença par déclarer qu'il n'avait pas à s'occuper de ce qu'avaient fait ou dit des maires, des membres de conseils généraux ou des représentants; qu'ils étaient parfaitement libres de leurs votes, comme de leurs opinions et de leurs influences; que, quant aux écrits dénoncés,

l'un avait été saisi et l'auteur d'un autre destitué; et que bonne justice serait faite de tout ce qui n'était pas l'exercice légitime du droit de discuter et d'apprécier les candidats. Puis, prenant à son tour le rôle d'accusateur, il dénonce les manœuvres du parti bonapartiste dans toute la France. « Qui ignore, dit-il, que partout, dans les campagnes, il y a des agents disant au nom d'un candidat que, si ce candidat est nommé président, non-seulement on n'aura plus à payer les 45 centimes, mais ceux qui les ont payés seront remboursés, que la dette nationale disparaitra, que pendant trois ou quatre ans on n'aura pas d'impôts à payer, et autres absurdités pareilles ! Le Gouvernement, placé entre des partisans dont les uns appellent un bouleversement social et les autres l'Empire, ne pouvait rester muet; il a fait entendre sa parole avec fermeté, mais avec modération et décence. » Puis, arrivant à sa lettre au président du tribunal de commerce: « Quoi! s'écrie-t-il, on me demanderait mon opinion sur l'acte qui importe le plus à mon pays, sur un caractère que je connais et que j'honore et qui est calomnié, et je garderais lâchement le silence! Non... si l'Assemblée voulait m'imposer une telle lâcheté, qu'elle me retire un pouvoir que je ne saurais garder à ce prix ! »

Ces paroles sont suivies d'applaudissements et de bravos prolongés.

Cependant M. Jules Favre, qui ne lâche pas prise facilement, insiste : « Nous ne sommes, dit-il, ici, ni les uns ni les autres, les hommes de telle ou telle candidature. Parlez plus franchement, lui répond M. Dufaure de sa place. Nous sommes au contraire, les uns et les autres, les hommes de telle ou telle candidature. » Le général Lamoricière clôt le débat par quelques paroles fermes et rassurantes sur les craintes qui s'étaient manifestées dans le public d'une

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prise d'armes contre l'Assemblée, au cas où elle choisirait le candidat qui n'aurait pas obtenu la majorité dans le scrutin populaire. « Si les partisans d'un de ces candidats tentaient une pareille attaque, dit-il, Dieu aidant, je leur donnerais une bonne leçon. »

L'Assemblée, après avoir manifesté, avec éclat, ses préférences en faveur du général Cavaignac, reprend son ordre du jour.

En relisant ce débat, on se demande ce que voulaient MM. Jules Favre et ses amis de l'extrême gauche; obéissaient-ils à un scrupule exagéré de légalité, à une sorte de culte fanatique pour le principe de l'indépendance des suffrages et pour la non-intervention des gouvernements dans les élections? qui pourrait le croire, lorsqu'on se rappelle surtout ces circulaires si récentes dans lesquelles ils déclaraient qu'il fallait faire l'éducation du peuple et menaçaient les électeurs de province de la colère du peuple de Paris, s'ils ne votaient pas pour les candidats du Gouvernement! Il faut donc chercher ailleurs que dans les scrupules de la conscience la vraie cause de tout cet étalage de puritanisme électoral. M. Jules Favre et ses amis avaient trop d'esprit pour ne pas comprendre que tout ce qu'ils faisaient contre le général Cavaignac ne pouvait que profiter à son compétiteur, et que ruiner la candidature de l'un, c'était assurer le triomphe de l'autre. C'est donc en pleine connaissance de cause qu'ils favorisaient ainsi la candidature de Louis-Napoléon, en lui sacrifiant celle du général. Mais alors comment comprendre ces hommes, qui, en même temps qu'ils préparaient ainsi les voies à un Bonaparte, se disaient les seuls vrais républicains? où voulaient-ils donc aller? En vérité, plus on examine la conduite de ces hommes, plus on est embarrassé sur le jugement qu'on en doit porter; ils veulent, disent-ils, la République, ils la veulent

avec fanatisme et fureur, et ils la fondent sur des institutions qui ne sont pas même libérales! Ils sont prêts à donner leur vie, s'écrient-ils, pour la République; et, entre deux candidats dont l'un est républicain sincère, fanatique ¡même, et l'autre héritier tacitement avoué de l'Empire, ils combattent avec violence, avec scandale, le premier, et préparent les voies à l'ambition du second! comment expliquer une telle énigme ? Les petits ressentiments, les déceptions de l'ambition, les venins cachés contre tout ce qui s'élève, ne suffisent pas seuls à fournir cette explication, et il faut bien la chercher au fond même des opinions de ces hommes, et peut-être nous l'ont-ils donnée eux-mêmes, lorsqu'ils se sont défendus un jour d'être de l'école libérale. Mais alors de quelle école sont-ils, grand Dieu !

En présence de la candidature menaçante d'un Napoléon, tous les partisans de la République, à quelque nuance qu'ils appartinssent, auraient dù oublier leurs dissentiments et faire face à l'ennemi commun. Au lieu de cela, nous venons de voir une partie des radicaux, représentée par leurs hommes les plus considérables, combattre la candidature du général Cavaignac, au profit de celle de Louis -Napoléon; maintenant, c'est la commission exécutive représentée par plusieurs de ses membres qui, après avoir accepté son arrêt en silence dans les journées de Juin, après avoir laissé passer le débat sur l'enquête sans dire mot, s'avise tout à coup, et lorsqu'on l'avait déjà oubliée, de se remettre en scène et d'exhumer avec éclat ses prétendus griefs contre le général Cavaignae. Le moment aurait pu être mieux choisi, il faut en convenir, et pour elle et pour la cause républicaine.

Un exposé historique des événements de Juin, signé de MM. Garnier-Pagès, Ledru-Rollin, Duclerc, Barthélemy Saint-Hilaire et Pagnerre, circulait depuis

quelques jours dans le public, exposé dans lequel le général était fortement incriminé; celui-ci somma, du haut de la tribune, les signataires de cet exposé d'avoir à affirmer et justifier leurs accusations. Le défi fut relevé à l'instant même par M. Barthélemy SaintHilaire, un des caractères les plus courageusement honnêtes de notre pays, mais qui, dans cette circonstance, se laissa égarer par un sentiment exagéré de camaraderie politique.

« Bien que n'occupant dans la commission exécutive qu'une position officieuse, dit-il, j'apporte toute mon âme dans ce débat, où l'honneur de mes amis et les intérêts de la vérité sont engagés. » Voici le résumé de l'acte d'accusation en forme qu'il dressait contre le général :

La commission exécutive, à la suite du vote de l'Assemblée qui rejetait la mesure d'ostracisme proposée contre Louis-Napoléon, était résolue à donner sa démission. Elle n'y renonça que sur les instances des ministres, et spécialement du ministre de la guerre, le général Cavaignac, lequel déclara que ce serait manquer à l'honneur que d'abandonner son poste au moment du danger. Le général était donc lié d'honneur envers la commission: il était solidaire avec elle et devait vivre ou mourir avec elle, et cependant qu'est-il arrivé?...

Après avoir exposé longuement et minutieusement et les ordres réitérés de la commission pour diriger tout de suite des troupes sur tous les points où l'insurrection éclatait afin de l'étouffer à sa naissance, et les refus obstinés du général de déférer à ces ordres précis, M. Barthélemy Saint-Hilaire continue en ces termes :

Ce ne fut que le samedi à midi que le général se décida enfin à agir. Or, pourquoi tous ces refus et ces retards? C'est que, depuis quelques jours, il avait conçu l'espérance d'arriver

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