LETTRE PREMIÈRE. A M. HELVÉTIUS. (A Paris.) A Ferney, 2 janvier 1761, Je salue les frères, en 1761, au nom de Dieu et de la raison, et je leur dis: Mes frères, odi profanum vulgus et arceo. Je ne songe qu'aux frères, qu'aux initiés. Vous êtes la bonne compagnie; donc c'est à vous à gouverner le public, le vrai public devant qui toutes les petites brochures, tous les petits journaux des faux chrétiens disparaissent, et devant qui la raison reste. Vous m'écrivîtes, mon cher et aimable philosophe, il y a quelque temps, que j'avais passé le Rubicon; depuis ce temps je suis devant Rome. Vous aurez peut-être ouï dire à quelques frères, que j'ai des jésuites tout auprès de ma terre de Ferney; qu'ils avaient usurpé le bien de six pauvres gentilshommes, de six frères, tous officiers dans le régiment de Deux-Ponts; que les jésuites, pendant la minorité de ces enfans, avaient obtenu des lettres patentes pour acquérir à vil prix le domaine de ces orphelins; que je les ai forcés de renoncer à leur usurpation, et qu'ils m'ont apporté leur désistement. Voilà une bonne victoire de philosophes. Je sais bien que frère Croust cabalera, que frère Berthier m'appellera athée; mais je vous répète qu'il ne faut pas plus craindre ces renards que les loups de jansénistes, et qu'il faut hardiment chasser aux bêtes puantes. Ils ont beau hurler que nous ne sommes pas chrétiens, je leur prouverai bientôt que nous sommes meilleurs chrétiens qu'eux. Je veux les battre CORRESPONDANCE. T. VI. I |