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l'ignorent, ou aux pervers qui feignent d'en douter, que la république française existe; qu'il n'y a de précaire dans le monde que le triomphe du crime et la durée du despotisme ! il est temps que nos alliés se confient à notre sagesse et à notre fortune, autant que les tyrans armés contre nous redoutent notre courage et notre puissance!

» La révolution française a donné une secousse au monde. Les élans d'un grand peuple vers la liberté devaient déplaire aux rois qui l'entouraient; mais il y avait loin de cette disposition secrète à la résolution périlleuse de déclarer la guerre au peuple français, et surtout à la ligue monstrueuse de tant de puissances essentiellement divisées d'intérêts.

» Pour les réunir, il fallait la politique de deux cours dont l'influence dominait toutes les autres; pour les enhardir, il fallait l'alliance du roi même des Français, et les trahisons de toutes les factions qui le caressèrent et le menacèrent tour à tour pour régner sous son nom, ou pour élever un autre tyran sur les débris de sa puissance.

» Les temps qui devaient enfanter le plus grand des prodiges de la raison devaient aussi être souillés par les derniers excès de la corruption humaine : les crimes de la tyrannie accélérèrent les progrès de la liberté, et les progrès de la liberté multiplièrent les crimes de la tyrannie, en redoublant ses alarmes et ses fureurs; il y a eu entre le peuple et ses ennemis une réaction continuelle dont la violence progressive a opéré en peu d'années l'ouvrage de plusieurs siècles.

» Il est connu aujourd'hui de tout le monde que la politique du cabinet de Londres contribua beaucoup à donner le premier branle à notre révolution. Ses projets étaient vastes; il voulait, au milieu des orages politiques, con duire la France, épuisée et démembrée, à un changement de dynastie, et placer le duc d'York sur le trône de Louis XVI. Ce projet devait être favorisé par les intrigues et par la puissance de la maison d'Orléans, dont le chef, ennemi de la cour de France, était depuis long

temps étroitement lié avec celle d'Angleterre. Content des honneurs de la vengeance et du titre de beau-père du roi, l'insouciant Philippe aurait facilement consenti à finir sa carrière au sein du repos et de la volupté. L'exécution de ce plan devait assurer à l'Angleterre les trois grands objets de son ambition ou de sa jalousie, Toulon, Dunkerque et nos colonies. Maître à la fois de ces importantes possessions, maître de la mer et de la France, le gouvernement anglais aurait bientôt forcé l'Amérique à rentrer sous la domination de George. Il est à remarquer que ce cabinet a conduit de front, en France et dans les États-Unis, deux intrigues parallèles, qui tendaient au même but: tandis qu'il cherchait à séparer le midi de la France du nord, il conspirait pour détacher les provinces septentrionales de l'Amérique des provinces méridionales; et comme on s'efforce encore aujourd'hui de fédéraliser notre république on travaille à Philadelphie à rompre les liens de la confédération qui unissent les différentes portions de la république américaine.

>>

Ce plan était hardi, mais le génie consiste moins à former des plans hardis qu'à calculer les moyens qu'on a de les exécuter. L'homme le moins propre à deviner le caractère et les ressources d'un grand peuple est peut-être celui qui est le plus habile dans l'art de corrompre un parlement. Qui peut moins apprécier les prodiges qu'enfante l'amour de la liberté que l'homme vil dont le métier est de mettre en jeu tous les vices des esclaves? Semblable à un enfant dont la main débile est blessée par une arme terrible qu'elle a l'imprudence de toucher, Pitt voulut jouer avec le peuple français, et il en a été foudroyé.

>> Pitt s'est grossièrement trompé sur notre révolution ; comme Louis XVI et les aristocrates français, abusés par leur mépris pour le peuple, mépris fondé uniquement sur la conscience de leur propre bassesse. Trop immoral pour croire aux vertus républicaines, trop peu philosophe pour faire un pas vers l'avenir, le ministre de George était audessous de son siècle; le siècle s'élançait vers la liberté, et

Pitt voulait le faire rétrograder vers la barbarie et vers le despotisme. Aussi l'ensemble des évènements a trahi jusqu'ici ses rêves ambitieux: il a vu briser tour à tour par la force populaire les divers instruments dont il s'est servi; il a vu disparaître Necker, d'Orléans, Lafayette, Lameth, Dumouriez, Custine, Brissot, et tous les pygmées de la Gironde. Le peuple français s'est dégagé jusqu'ici des fils de ses intrigues, comme Hercule d'une toile d'araignée.

Voyez comme chaque crise de notre révolution l'entraîne toujours au-delà du point où il voulait l'arrêter; voyez avec quels pénibles efforts il cherche à faire reculer la raison publique et à entraver la marche de la liberté; voyez ensuite quels crimes prodigués pour la détruire! A la fin de 1792, il croyait préparer insensiblement la chute du roi Capet, en conservant le trône pour le fils de son maître ; mais le 10 août a lui, et la république est fondée. C'est en vain que, pour l'étouffer dans son berceau, la faction girondine et tous les lâches émissaires des tyrans étrangers appellent de toutes parts les serpents de la calomnie, le démon de la guerre civile, l'hydre du fédéralisme, le monstre de l'aristocratie: le 31 mai le peuple s'éveille, et les traîtres ne sont plus! La convention se montre aussi juste que le peuple, aussi grande que sa mission. Un nouveau pacte social est proclamé, cimenté par le vœu unanime des Français; le génie de la liberté plane d'une aile rapide sur la face de cet empire, en rapproche toutes les parties, prêtes à se dissoudre, et le raffermit sur ses vastes fonde

men's.

» Mais ce qui prouve à quel point le principal ministre de George III manque de génie, en dépit de l'attention dont nous l'avons honoré, c'est le système entier de son administration. Il a voulu sans cesse allier deux choses évidemment contradictoires, l'extension sans bornes de la prérogative royale, c'est-à-dire le despotisme, avec l'accroissement de la prospérité commerciale de l'Angleterre: comme si le despotisme n'était pas le fléau du commerce! comme si le peuple qui a eu quelque idée de la liberté

pouvait descendre à la servitude sans perdre l'énergie, qui seule peut être la source de ses succès ! Pitt n'est pas moins coupable envers l'Angleterre, dont il a mille fois violé la constitution, qu'envers la France. Le projet même de placer un prince anglais sur le trône des Bourbons était un attentat contre la liberté de son pays, puisqu'un roi d'Angleterre dont la famille règnerait en France et en Hanovre tiendrait dans ses mains tous les moyens de l'asservir. Comment une nation qui a craint de remettre une armée entre les mains du roi, chez qui l'on a souvent agité la question si le peuple anglais devait souffrir qu'il réunît à ce titre la puissance et le titre de duc de Hanovre; comment cette nation rampe-t-elle sous le joug d'un esclave qui ruine sa patrie pour donner des couronnes à son maître? Au reste, je n'ai pas besoin d'observer que le cours des évènements imprévus de notre révolution a dû nécessairement forcer le ministère anglais à faire, selon les circonstances, beaucoup d'amendements à ses premiers plans, multiplier ses embarras, et par conséquent ses noirceurs ; il ne serait pas même étonnant que celui qui voulut donner un roi à la France fût réduit aujourd'hui à épuiser ses dernières ressources pour conserver le sien ou pour se conserver lui

même.

» Dès l'année 1791 la faction anglaise et tous les ennemis de la liberté s'étaient aperçus qu'il existait en France un parti républicain qui ne transigerait pas avec la tyrannie et que ce parti était le peuple. Les assassinats partiels, tels que ceux du Champ-de-Mars et de Nancy, leur paraissaient insuffisants pour le détruire; ils résolurent de lui donner la guerre de là la monstrueuse alliance de l'Autriche et de la Prusse, et ensuite la ligue de toutes les puissances armées contre nous. Il serait absurde d'attribuer principalement ce phénomène à l'influence des émigrés, qui fatiguèrent long-temps toutes les cours de leurs clameurs impuissantes, et au crédit de la cour de France; il fut l'ouvrage de la politique étrangère, soutenue du pouvoir des factieux qui gouvernaient la France.

» Pour engager les rois dans cette téméraire entreprise, il ne suffisait pas d'avoir cherché à leur persuader que, hors un petit nombre de républicains, toute la nation haïssait en secret le nouveau régime, et les attendait comme des libérateurs; il ne suffisait pas de leur avoir garanti la trahison de tous les chefs de notre gouvernement et de nos armées; pour justifier cette odieuse entreprise aux yeux de leurs sujets épuisés, il fallait leur épargner jusqu'à l'embarras de nous déclarer la guerre quand ils furent prêts, la faction dominante la leur déclara à eux-mêmes. Vous vous rappelez avec quelle astuce profonde elle sut intéresser au succès de ses perfides projets le courage naturel des Français, et l'enthousiasme civique des sociétés populaires; vous savez avec quelle impudence machiavélique ceux qui laissaient nos gardes nationales sans armes, nos places fortes sans munitions, nos armées entre les mains des traîtres, nous excitaient à aller planter l'étendard tricolore jusque sur les bornes du monde. Déclamateurs perfides, ils insultaient aux tyrans pour les servir; d'un seul trait de plume ils renversaient tous les trônes, et ajoutaient l'Europe à l'empire français, moyen sûr de hâter le succès des intrigues de nos ennemis dans le moment où ils pressaient tous les gouvernements de se déclarer contre nous.

» Les partisans sincères de la république avaient d'autres pensées avant de briser les chaînes de l'univers, ils voulaient assurer la liberté de leur pays; avant de porter la guerre chez les despotes étrangers, ils voulaient la faire au tyran qui les trahissait, convaincus d'ailleurs qu'un roi était un mauvais guide pour conduire un peuple à la conquête de la liberté universelle, et que c'est à la puissance de la raison, non à la force des armes, de propager les principes de notre glorieuse révolution.

» Les amis de la liberté cherchèrent de tous temps les moyens les plus sûrs de la faire triompher: les agents de nos ennemis ne l'embrassent que pour l'assassiner, tour à tour extravagants ou modérés, prêchant la faiblesse et le sommeil où il faut de la vigilance et du courage, la té

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