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sur eux pour vous détruire : à quelles protestations pourriezvous croire de la part de ceux qui, pressant la main sacri、 lége de Dumouriez, lui jurèrent une amitié éternelle ? Serment qui fut gardé; la Belgique et l'armée, vous et l'Europe en êtes témoins.

>> Il y a donc eu une conjuration tramée depuis plusieurs années pour absorber la révolution française dans un changement de dynastie. Les factions de Mirabeau, des Lameth, de Lafayette, de Brissot, de d'Orléans, de Dumouriez, de Carra, d'Hébert; les factions de Chabot, de Fabre, de Danton ont concouru progressivement à ce but par tous les moyens qui pouvaient empêcher la république de s'établir, et son gouvernement de s'affermir.

» Nous avons cru ne devoir plus temporiser avec les co!lpables, puisque nous avons annoncé que nous détruirions toutes les factions: elles pourraient se ranimer et prendre de nouvelles forces; l'Europe semble ne plus compter que sur elles. Il était donc instant de les détruiré, afin qu'il ne restât dans la république que le peuple et vous, et le gouvernement dont vous êtes le centre inviolable.

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Les jours du crime sont passés ; malheur à ceux qui soutiendraient sa cause! La politique est démasquée. Que tout ce qui fut criminel périsse! On ne fait point de république avec des ménagements, mais avec la rigueur farouche, la rigueur inflexible envers tous ceux qui ont trahi. Que les complices se dénoncent en se rangeant du parti des forfaits. Ce que nous avons dit ne sera jamais perdu sur la terre. On peut arracher à la vie les hommes qui, comme nous, ont tout osé pour la vérité ; on ne peut point leur arracher les cœurs, ni le tombeau hospitalier sous lequel ils se dérobent à l'esclavage et à la honte d'avoir laissé triompher les méchants.

» Voici le projet de décret :

» La convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de sûreté générale et de salut public, décrète d'accusation Camille Desmoulins, Hérault, Danton, Philippeaux, Lacroix, prévenus de complicité avec d'Or

léans et Dumouriez, avec Fabre d'Églantine et les ennemis de la république ; d'avoir trempé dans la conspiration tendant à rétablir la monarchie, à détruire la représentation nationale et le gouvernement républicain. En conséquence elle ordonne leur mise en jugement avec Fabre d'Eglantine.»

Ce décret est adopté à l'unanimité, au milieu des plus vifs applaudissements.

SÉANCE DU PREMIER AVRIL (12 germinal an II). Suppression du conseil exécutif provisoire, et son remplacement par des commissions particulières.

Carnot, au nom du comité de salut public. « Représentants du peuple, vous avez déjà créé plusieurs commissions particulières dont les attributions forment autant de démembrements des fonctions ministérielles : je viens aujourd'hui, au nom de votre comité de salut public, vous proposer l'entière abolition du conseil exécutif, dont vous avez maintes fois senti que l'existence était incompatible avec le régime républicain.

>> Une institution créée par les rois pour le gouvernement héréditaire d'un seul, pour le maintien de trois ordres, pour des distinctions et pour des préjugés, pourrait-elle en effet devenir le régulateur d'un gouvernement représentatif et fondé sur le principe de l'égalité ? Les ressorts de la monarchie, les rouages sans nombre d'une hiérarchie nobiliaire, les leviers du fanatisme et du mensonge pourraient-ils servir à composer un nouvel ordre de choses totalement établi sur la raison et sur la souveraineté du peuple? Non, cette machine politique ne pourrait vaincre ses frottements; elle s'arrêterait par nécessité, ou se briserait, ou agirait à contre-sens.

» Un vaste pays comme la France ne saurait se passer d'un gouvernement qui établisse la correspondance de ses diverses parties, ramasse et dirige ses forces vers un but

déterminé. Ce n'est qu'en resserrant de plus en plus le faisceau de la république par une organisation nerveuse et des liens indissolubles qu'on peut assurer son unité, et l'empêcher de devenir la proie des ennemis du dehors. L'isolement, la privation de tout secours, les guerres intestines, l'esclavage enfin seraient les suites promptes et inévitables du défaut de concert, et d'une action centrale.

» S'il est reconnu qu'un gouvernement est indispensable pour le maintien de la liberté publique, il ne l'est pas moins que le caractère de ce gouvernement soit tel qu'après l'avoir établie et défendue, il ne vienne pas à la renverser lui-même.

» C'est pour lui seul lui seul que le peuple se donne un gouvernement; c'est pour remédier autant qu'il se peut à l'inconvénient de ne pouvoir délibérer en assemblée générale. Le gouvernement n'est donc, à proprement parler, que le conseil du peuple, l'économe de ses revenus, la sentinelle chargée de veiller autour de lui pour en écarter les dangers, et lancer la foudre sur quiconque oserait tenter de le surprendre.

» C'est cependant par l'oubli de ces vérités primitives et éternelles que se sont érigés tous les trônes et toutes les tyrannies du monde : certes dans l'origine aucun peuple n'a voulu se donner un maître, et cependant tous en ont eu; partout la puissance a échappé des mains du peuple, et la souveraineté a passé de son possesseur légitime à un agent subalterne. Les premiers rois n'ont été que des valets infidèles et adroits qui ont abusé de la confiance de leur maître pendant son sommeil. Cet attentat est trop monstrueux pour être commis tout d'un coup; c'est par degrés insensibles que l'usurpateur se rend le chef, que les droits du peuple s'effacent, que la liberté publique se perd, que les ténèbres envahissent et couvrent la surface entière du globe.

» Il faut donc prémunir le peuple contre ces entreprises liberticides. Les moyens qui peuvent remplir ce but

sont d'abord le choix des hommes qui doivent composer le gouvernement, ensuite leur amovibilité, leur responsabilité, la subdivision des fonctions exécutives, ou l'atténuation de chacune d'elles, autant qu'elle se trouve possible sans nuire à l'unité, à la rapidité des mouvements.

» Le peuple a le malheur attaché à la souveraineté, celui d'être entouré de flatteurs, d'hommes rampants et artificieux que l'ambition dévore, qui le vantent pour le dépouiller, qui le caressent pour l'enchaîner, qui l'ornent pour l'immoler: il périra accablé par tant de perfidies s'il ne sait reconnaître ceux qui accourent pour le sauver de ceux qui l'embrassent pour le précipiter dans l'abîme.

» Celui qui sonde ses plaies, qui n'en dissimule ni n'en exagère la profondeur, qui en propose le remède, quelque amer qu'il puisse être, voilà son véritable ami.

» Le flatteur est celui qui lui offre des palliatifs; son objet est rempli lorsqu'il a éloigné le danger présent en le grossissant pour l'avenir.

» Son véritable ami est celui qui lui répète à chaque instant, jusqu'à l'importunité : Sois laborieux, car la terre ne produit point d'elle-même ; sois sobre, car le fruit du sol a ses limites; mets un équilibre entre tes consommations et les productions; ne te crée de besoins que ceux qu'il est possible de satisfaire; proscris l'idée corruptrice des jouissances qui sont au-delà de ce que comporte la nature des choses qui t'environnent.

» Son ennemi véritable et le plus dangereux est celui qui jette au milieu de lui le germe de la cupidité, les passions qui le décomposent, la chimère du mieux possible, le blâme de tout ce qui est, le mécontentement pour tout ce qu'il a, le désir de ce qu'il ne saurait avoir.

» C'est celui qui va dans les lieux publics annoncer de fausses nouvelles; tantôt mauvaises, pour exaspérer les esprits; tantôt follement avantageuses, pour que le bruit qui doit suivre de leur fausseté soit un reproche au gouvernement, et au peuple un découragement plus sensible; alliant sans cesse l'imposture à la vérité pour accréditer

la première et déshonorer celle-ci ; mêlant partout l'esprit des factions au simple rapport des faits, pour enlever tout point d'appui à l'opinion, et étouffer dès son principe l'intérêt que développe naturellement dans le cœur de tout citoyen le récit fidèle des évènements qui se pressent autour de lui.

» L'ami du peuple enfin est celui qu'il faut chercher long-temps pour l'obliger à remplir les fonctions politiques, qui s'en retire le plus tôt qu'il peut, et plus pauvre qu'il n'y est entré; qui s'y dévoue par obligation, agit plus qu'il ne parle, et retourne avec empressement dans le sein de ses proches reprendre l'exercice des vertus pri

vées.

» Après le choix des hommes, vient pour seconde condition leur amovibilité. Quelle que puisse être la pureté de ceux qui ont mérité la confiance du peuple, il est contre la prudence de laisser trop long-temps le pouvoir résider dans les mêmes mains: dès qu'il cesse d'être un fardeau pour celui auquel il est confié, il faut le lui retirer; dès qu'il s'en fait une jouissance, il est près de la corruption. La bonne foi même n'est pas une garantie suffisante; car celui qui dispose en un temps de la force pour servir sa patrie, un jour peut-être, si on la lui laissait trop longtemps, en disposerait pour l'asservir. Malheur à une république où le mérite d'un homme, où sa vertu même serait devenue nécessaire !

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Quant à la responsabilité, elle est de droit naturel à l'égard de tous ceux qui sont chargés des affaires de l'état. La justice du peuple se trompe rarement; elle distinguera toujours un système de trahison et de malveillance d'une simple erreur; elle saura toujours qu'on doit juger les hommes publics par la masse de leurs actions, et que leur imputer à crime des fautes inévitables dans une grande administration, ce serait rendre absolument impossible la marche rapide et hardie que doit avoir tout gouvernement, et surtout un gouvernement révolutionnaire.

>>

Enfin il reste encore un but à remplir; c'est celui de

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