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disposition du ministre de la guerre cent millions pour des fabrications d'armes, et notamment pour des fusils; que ces manufactures extraordinaires reçoivent les encouragements et les additions nécessaires, et qu'elles ne cessent leurs travaux que quand la France aura donné un fusil à chaque bon citoyen.

» Je demande enfin qu'il soit fait un rapport sur le mode d'augmenter l'action du tribunal révolutionnaire. Que le peuple voie tomber ses ennemis; qu'il voie que la convention s'occupe de ses besoins. Le peuple est grand, et il vous en donne en cet instant même une preuve remarquable, c'est que quoiqu'il ait souffert de la disette factice, machinée pour le mener à la contre- révolution, il a senti qu'il souffrait pour sa propre cause, et sous le despotisme il aurait exterminé tous les gouvernements. ( On applaudit.)

>> Tel est le caractère du Français, éclairé par quatre années de révolution.

>> Hommage vous soit rendu, peuple sublime! à la grandeur, vous joignez la persévérance; vous devez la liberté à votre obstination; vous jeûnez pour la liberté, vous venez de l'acquérir. Nous marcherons avec vous; vos ennemis seront confon dus, vous serez libres !»

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Des applaudissements universels éclatent à la fois dans toutes les parties de la salle; des cris de Vive la république ! se font entendre à plusieurs reprises. Tous les citoyens qui remplissent la salle et les tribunes se lèvent par une même impulsion; les uns tendent leurs bras en l'air, d'autres agitent leurs chapeaux; l'enthousiasme est universel.

Les trois propositions de Danton sont décrétées, au milieu des acclamations.

Billaud-Varennes. « Je demande d'abord, par amendement au décret qui vient d'être rendu, que la rétribution de quarante sous par jour accordée aux citoyens indigents soit acquittée par les riches, et qu'on invite les autres villes de la république à en faire autant. »

Romme. «La mesure me paraît au contraire très mauvaise. (Murmures.) C'est bien peu compter sur le zèle civique des citoyens. ( Mêmes murmures.) C'est faire entendre qu'on ne les croit pas assez amis de la liberté, que

de les payer... »

Bazire. « Ce n'est pas les payer; c'est empêcher que l'exercice de leurs droits ne leur ôte les moyens de subsistance. »

«

Romme. Je me fais une si haute idée de la révolution, je suis si persuadé du dévouement des citoyens, surtout de celui de la classe respectable de ceux qui sont peu aisés, que je ne doute pas que de leur propre mouvement ils ne se portent à toutes les mesures qui peuvent assurer la liberté. Donnez à tout citoyen des moyens de subsistance : augmentez le prix de la main d'œuvre, pour qu'il vive de son travail; mais ne le payez pas. Vous voulez que le peuple se rende dans les sections; eh bien ! indiquez l'heure de rassemblement qui conviendra le mieux aux ouvriers. (Murmures.) Je demande donc la question préalable ou l'ajournement.

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Fabre d'Eglantine. « La proposition combattue par Romme, et faite par Danton, est une des meilleures mesures pour les circonstances présentes, je veux dire pour déjouer les projets de contre-révolution des sections; plan qui a été suivi d'un bout de la France à l'autre, et qu'on voudrait exécuter dans Paris, après l'avoir tenté plusieurs fois. Il est évident que ceux qui ont des besoins urgents, tant pour eux que pour leurs familles, prolongent leur travail bien avant dans la nuit; que dès lors ils ne peuvent assister aux assemblées de sections; que les malintentionnés, les aristocrates s'y glissent pendant que le peuple travaille: et vous avez dû remarquer que ce n'a été que par l'absence des sans-culottes qu'on est parvenu quelquefois à égarer certaines sections. Lorsqu'on vous a dit que ce serait mal penser du patriotisme des citoyens, que de leur donner cette indemnité, on a commis une grande faute de raisonnement; car il faudrait dire aussi qu'on augure mal du patrio

tisme des fonctionnaires publics, à qui on paie une indemnité pour la perte qu'ils éprouvent par la cessation de leurs occupations habituelles, etc. L'on voit que si l'on poussait plus loin ces conséquences, on arriverait à l'absurde. Il est évident que lorsque des mesures de salut public aussi urgentes, aussi généralement senties, vont être décrétées, elles ne peuvent être soutenues que par toute l'énergie du peuple. Si vous ôtez à l'artisan une partie du temps qu'il em. ploie au travail qui lui procure sa subsistance, vous devez l'indemniser de cette perte, autrement l'égalité serait rompue. La dette des citoyens envers la société cesserait d'être la même. Elle serait plus grande pour le citoyen qui a moins besoin de la protection de la société, et qui en tire le moins d'avantages; le pauvre lui sacrifierait une partie de son existence, alors que le riche ne lui consacrerait qu'un infructueux loisir. L'indemnité qu'on vous propose est même tellement faible, tellement peu proportionnée au prix du temps que vous faites perdre aux citoyens laborieux, qu'il n'y aura une juste compensation de charges, qu'autant qu'elle sera supportée par le riche, car le seul sacrifice de quelques heures d'oisiveté ne peut pas être compté pour une charge publique. Quand vous instituez des assemblées politiques extraordinaires pour délibérer et exécuter des mesures de salut public, c'est une grande magistrature à laquelle vous livrez tous les citoyens. Cette magistrature qu'exerce au nom du souverain chacun des citoyens qui en font partie doit avoir, comme toute autre, je ne dis pas un salaire, mais une indemnité qui en rende l'exercice possible à l'indigent. Je demande donc que le décret soit maintenu dans son entier, et qu'on rejette la proposition de l'ajournement. J'appuie l'amendement de Billaud, qui exige que ce soit le riche qui supporte la dépense de cette indemnité, mais je demande que ce soit le gouvernement qui fasse l'avance. » (On applaudit.)

L'assemblée maintient son décret.

Billaud-Varennes. «Ma seconde proposition est de faire mettre dès aujourd'hui en état d'arrestation tous les contre

révolutionnaires et les hommes suspects; et, pour l'exécution de cette mesure, je demande le rapport du décret contre-révolutionnaire qui défend, sous peine de mort, aux fonctionnaires publics, de faire des visites domiciliaires et des arrestations pendant la nuit; décret que Gensonné avait fait rendre alors qu'il apportait à cette tribune ses sophismes liberticides, avec les beaux noms de philosophie et d'humanité dans la bouche, et la trahison dans le cœur. Il faut que nous allions chercher les ennemis dans leurs tanières à peine la nuit et le jour suffiront-ils pour les arrêter. Je demande le rapport du décret. (On applaudit.) Je demande que les mêmes mesures s'étendent à toutes les parties de la république, et qu'on regarde comme suspect tout noble, tout prêtre qui, à la réception du décret, ne se trouvera pas résidant dans sa municipalité. »

Bazire. « Je ne demande pas à combattre la proposition (il se fait un grand silence), mais à l'expliquer. On a déjà plusieurs fois décrété l'arrestation des gens suspects; mais ces mesures-là n'ont jamais pu s'exécuter complètement, elles n'étaient que momentanément utiles par la terreur qu'elles inspiraient aux aristocrates, qu'on ne parvenait pas à saisir. Mais elles restaient ou incomplètes ou avortées par une très grande raison; c'est que ce mot gens suspects a été mal interprété. On a cru qu'il ne concernait que les nobles et les prêtres, en quoi on s'est étrangement trompé. J'ai là-dessus des observations à faire, et je demande qu'on donne la définition des gens suspects.

D'abord dans la classe des ci-devant nobles, presque toute la jeunesse est émigrée. Il n'est resté que les vieillards, les femmes, les enfants, pour gérer leurs biens et faire passer de l'argent aux autres. Ce qui en est resté de jeunes gens offre encore le spectacle touchant de quelques patriotes; il en est qui servent la patrie. (On entend quelques murmures.) Il en est même dans cette assemblée. Les prêtres ont presque tous été déportés. Il est bon de connaître la véritable plaie; presque tout ce qui reste de

nobles est frappé depuis long-temps d'un effroi qui les paralyse. Leur cerveau est attaqué de vapeurs. (Murmures.) La stupeur de ces orgueilleux égoïstes égale leur méchanceté. Ce ne sont pas là les seuls ennemis de l'état; ce ne sont ni les plus nombreux, ni les plus dangereux. Pourquoi toutes vos mesures n'ont-elles rien produit? C'est que vous les avez circonscrites à ces gens-là. Vous avez dans vos sections, et je vous en atteste tous, vous avez des hommes extrêmement dangereux, des hurleurs apostés depuis long-temps pour la révolution sectionnaire; vous avez eu des feuillants, vous avez eu des brissotins, vous avez encore des hypocrites et je demande si tous ces gens-là étaient nobles. Non, il n'y avait pas deux nobles avec eux. Quels sont donc les individus parmi lesquels se trouve la seconde classe des gens suspects? Ce sont les boutiquiers, les gros commerçants, les agioteurs, les agioteurs, les ci-devant procureurs, huissiers, les valets insolents, les intendants et hommes d'affaires (on appplaudit), les gros rentiers, les chicaneurs par essence, par profession, éducation... (Mêmes applaudissements.)

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Tous sont naturellement plus ennemis de la liberté que ceux mêmes dont nous avons parlé précédemment. Il est résulté de notre manière fausse d'envisager les hommes, que jusqu'à présent on n'a poursuivi que les nobles, et qu'on a laissé dans les sections les agitateurs, les hurleurs qui égarent le peuple, et qui sont la cause de nos maux, de la disette factice qui se fait sentir. Ces gens sont très difficiles à définir. Il faut pour que tous ceux qui se sont montrés notoirement ennemis de la révolution soient arrêtés, commencer une opération préliminaire; elle consiste à épurer les comités révolutionnaires des sections. 11 faut que la municipalité donne la plus grande activité à tous ceux qui sont patriotes; et que le conseil général de la commune soit autorisé à remplacer d'office ceux qui se sont mal montrés. Ces comités étant une fois bien composés feront les listes de ces motionnaires incendiaires de sections, qui saisissent toutes les occasions d'exciter le trou

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