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des magasins, et prépara la famine pour s'en préserver.

» Les départements fertiles furent inondés de commissions; tout fut arrhé : on acheta même pour le duc d'York; on a vu des commissionnaires porteurs de guinées.

» L'administration des subsistances militaires et le peuple, obligés d'acheter au maximum, ne trouvèrent que ce que la pudeur du crime et de l'intérêt n'avait point osé vendre à plus haut prix.

>> Ainsi nos ennemis ont tiré avantage de nos lois mêmes, et les ont tournées en leur faveur.

» Votre comité de salut public a pensé que vous deviez réprimer fortement cette concurrence établie entre le peuple et ses ennemis, et soumettre les commissions ou réquisitions à un visa par le moyen duquel les agents malintentionnés seraient reconnus, et les réquisitions organisées.

» Dans les circonstances où se trouve la république, la constitution ne peut être établie; on l'immolerait par ellemême. Elle deviendrait la garantie des attentats contre la liberté, parcequ'elle manquerait de la violence nécessaire pour les réprimer. Le gouvernement présent est aussi trop embarrassé. Vous êtes trop loin de tous les attentats; il faut que le glaive des lois se promène partout avec rapidité, et que votre bras soit partout présent pour arrêter le crime.

>> Vous devez vous garantir de l'indépendance des administrations, diviser l'autorité, l'identifier au mouvement révolutionnaire et à vous, et la multiplier.

»Vous devez resserrer tous les noeuds de la responsabilité, diriger le pouvoir, souvent terrible pour les patriotes, et souvent indulgent pour les traîtres. Tous les devoirs envers le peuple sont méconnus; l'insolence des gens en place est insupportable; les fortunes se font avec rapidité.

» Il est impossible que les lois révolutionnaires soient exécutées si le gouvernement lui-même n'est constitué révolutionnairement.

»Vous ne pouvez point espérer de prospérité si vous

n'établissez un gouvernement qui, doux et modéré envers le peuple, sera terrible envers lui-même par l'énergie de ses rapports: ce gouvernement doit peser sur lui-même et non sur le peuple. Toute injustice envers les citoyens, toute trahison, tout acte d'indifférence envers la patrie, toute mollesse y doit être souverainement réprimée.

» Il faut y préciser les devoirs, y placer partout le glaive à côté de l'abus, en sorte que tout soit libre dans la république, excepté ceux qui conjurent contre elle et qui gouvernent mal.

>>> Les conjurations qui ont déchiré depuis un an la république nous ont avertis que le gouvernement avait conspiré sans cesse contre la patrie : l'éruption de la Vendée s'est accrue sans qu'on en arrêtât les progrès; Lyon, Bordeaux, Toulon, Marseille, se sont révoltés, se sont vendus sans que. le gouvernement ait rien fait pour prévenir ou pour arrêter le mal.

» Aujourd'hui que la république a douze cent mille hommes à nourrir, des rebelles à soumettre, et le peuple à sauver; aujourd'hui qu'il s'agit de prouver à l'Europe qu'il n'est point en son pouvoir de rétablir chez nous l'autorité d'un seul, vous devez rendre le gouvernement propre à vous seconder dans vos desseins, propre à l'économie et au bonheur public.

» Vous devez mettre en sûreté les rades, construire promptement de nombreux vaisseaux, remplir le trésor public, ramener l'abondance, approvisionner Paris comme en état de siége jusqu'à la paix ; vous devez tout remplir d'activité, rallier les armées au peuple et à la convention nationale.

» Il n'est pas inutile non plus que les devoirs des représentants du peuple auprès des armées leur soient sévèrement recommandés: ils y doivent être les pères et les amis du soldat; ils doivent coucher sous la tente; ils doivent être présents aux exercices militaires ; ils doivent être peu familiers avec les généraux, afin que le soldat ait plus de confiance dans leur justice et leur impartialité

V.

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quand il les aborde; le soldat doit les trouver jour et nuit prêts à l'entendre; les représentants doivent manger seuls; ils doivent être frugals, et se souvenir qu'ils répondent du salut public, et que la chute éternelle des rois est préférable à la mollesse passagère.

» Ceux qui font des révolutions dans le monde,, ceux qui veulent faire le bien ne doivent dormir que dans le tombeau.

>> Les représentants du peuple dans les camps doivent y vivre comme Annibal avant d'arriver à Capoue; et, comme Mithridate, ils doivent savoir, si je puis ainsi parler, le nom de tous les soldats ; ils doivent poursuivre toute injustice, tout abus, car il s'est introduit de grands vices dans la discipline de nos armées : on a vu des bataillons de l'armée du Rhin demander l'aumône dans les marchés : un peuple libre est humilié de ces indignités; ils meurent de faim ceux qui ont respecté les dépouilles de la Belgique!

» Un soldat malheureux est plus malheureux que les autres hommes; car pourquoi combat-il, s'il n'a rien à défendre qu'un gouvernement qui l'abandonne? et le caractère des chefs est peu propre à lui faire supporter ses maux. Il est peu de grandes âmes à la tête des armées pour les enivrer, pour leur inspirer l'amour et la gloire, l'orgueil national, et le respect de la discipline, qui fait vaincre. Il n'y avait eu jusqu'à présent à la tête de vos armées que des imbéciles et des fripons. Votre comité de salut public a épuré les états-majors; mais on peut reprocher encore à tous les officiers l'inapplication au service: ils étudient peu l'art de vaincre; ils se livrent à la débauche; ils s'absentent des corps aux heures d'exercice et de combat; ils commandent avec hauteur, et conséquemment avec faiblesse. Le vétéran rit sous les armes de la sottise de celui qui le commande, et voilà comment nous éprouvons des revers.

» Il nous a manqué jusqu'aujourd'hui des institutions et des lois militaires conformes au système de la république, qu'il s'agit de fonder. Tout ce qui n'est point nouveau dans

un temps d'innovation est pernicieux. L'art militaire de la monarchie ne nous convient plus; ce sont d'autres hommes et d'autres ennemis : la puissance des peuples, leurs conquêtes, leur splendeur politique et militaire dépendent d'un point unique, d'une seule institution forte. Ainsi les Grecs doivent leur gloire militaire à la phalange; les Romains à la légion, qui vainquit la phalange. Il ne faut pas croire que la phalange et la légion soient les simples dénominations des corps composés d'un certain nombre d'hommes; elles désignent un certain ordre de combattre, une constitution militaire..

» Notre nation a déjà un caractère; son système militaire doit être autre que celui de ses ennemis or sila nation française est terrible par sa fougue, son adresse, et si ses ennemis sont lourds, froids et tardifs, son système militaire doit être impétueux.

» Si la nation française est pressée dans cette guerre par toutes les passions fortes et généreuses, l'amour de la liberté, la haine des tyrans et de l'oppression; si au contraire ses ennemis sont des esclaves mercenaires, automates sans passions, le système de guerre des armes françaises doit être l'ordre du choc.

» Le même esprit d'activité doit se répandre dans toutes les parties militaires; l'administration doit seconder la discipline.

› L'administration des armées est pleine de brigands : on vole les rations des chevaux; les bataillons manquent de canons ou de chevaux pour les traîner; on n'y reconnaît point de subordination, parceque tout le monde vole et se méprise.

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Il est temps que vous remédiiez à tant d'abus, si vous voulez que la république s'affermisse. Le gouvernement ne doit pas être seulement révolutionnaire contre l'aristocratie; il doit l'être contre ceux qui volent le soldat, qui dépravent l'armée par leur insolence, et qui, par la dissipation des deniers publics, ramèneraient le peuple à l'esclavage, et l'empire à sa dissolution par le malheur. Tant

de maux ont leur source dans la corruption des uns et dans la légèreté des autres.

» Il est certain que dans les révolutions, comme il faut combattre la résistance des uns, la paresse des autres pour le changement, la superstition de ceux-ci pour l'autorité détruite, l'ambition et l'hypocrisie de ceux-là, le gouvernement nouveau s'établit avec difficulté, et ce n'est qu'avec peine qu'il forme son plan et ses maximes ; il demeure long-temps sans résolutions bien décidées. La liberté a son enfance; on n'ose gouverner ni avec vigueur ni avec faiblesse, parçeque la liberté vient par une salutaire anarchie, et que l'esclavage rentre souvent avec l'ordre absolu.

» Cependant l'ennemi redouble d'efforts et d'activité; il ne nous fait point la guerre dans l'espérance de nous vaincre par les armes, mais il nous la fait pour énerver le gouvernement et empêcher qu'il ne s'établisse; il nous la fait pour verser le sang des défenseurs de la liberté, et en diminuer le nombre, afin qu'après la mort de tous les hommes ardents, il capitule avec les lâches qui l'attendent. Il a péri cent mille patriotes depuis un an: plaie épouvantable pour la liberté! Notre ennemi n'a perdu que des esclaves ; les épidémies et les guerres fortifient l'autorité des rois.

» Il faut donc que notre gouvernement regagne d'un côté ce qu'il a perdu de l'autre ; il doit mettre tous les ennemis de la liberté dans l'impossibilité de lui nuirè à mesure que les gens de bien périssent. Il faut faire la guerre avec prudence, et ménager notre sang, car on n'en veut qu'à lui ;' l'Europe en a soif : vous avez cent mille hommes dans le tombeau qui ne défendent plus la liberté !

>> Le gouvernement est leur assassin; c'est le crime des uns, c'est l'impuissance des autres et leur incapacité.

> Tous ceux qu'emploie le gouvernement sont paresseux ; tout homme en place ne fait rien lui-même, et prend des agents secondaires ; le premier agent secondaire a les siens et la république est en proie à vingt mille sots qui la corrompent, qui la combattent, qui la saignent.

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