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citoyens libres ont remplacé des serfs féodaux, et que chacun, outre l'intérêt de ses foyers, combat aussi pour ses droits!

» La Suisse n'est-elle pas toujours invariablement attachée à ses traités, à son alliance avec la France? On sait bien que des intrigants de tout genre cherchent à nous diviser avec la Suisse, et à agiter les hommes libres ; mais la Suisse ne se trompera pas sur les causes qui les font mouvoir, elle verra l'ambitieuse Autriche se préparant à imiter un jour en Suisse le partage de la Pologne.

» N'avez-vous pas applaudi dans cette séance au courage de l'armée du nord contre les Autrichiens, et aux nouveaux succès contre la Vendée ? Si les Pyrénées-Orientales sont en partie envahies, l'armée des Pyrénées-Occidentales ne vient-elle pas de chasser l'Espagnol à deux lieues sur son propre territoire ?

» La levée générale et simultanée serait un effort de géant; et les tyrans de l'Europe, qui ont eu besoin de se réunir pour nous menacer, pour nous dévaster, ne nécessitent pas encore la réunion des derniers efforts d'un grand peuple.

» La réquisition de toutes les forces est nécessaire sans doute; mais leur marche progressive et leur emploi graduel sont suffisants: c'est là le sens de la levée du peuple en entier. Tous sont requis, mais tous ne peuvent marcher ou faire la même fonction. Publions une grande vérité : la liberté est devenue créancière de tous les citoyens ; les uns lui doivent leur industrie, les autres leur fortune, ceuxci leurs conseils, ceux-là leurs bras; tous lui doivent le sang qui coule dans leurs veines.

>> Ainsi donc tous les Français, tous les sexes, tous les âges, sont appelés par la patrie à défendre la liberté; toutes les facultés physiques ou morales, tous les moyens politiques ou industriels lui sont acquis ; tous les métaux, tous les éléments sont ses tributaires : que chacun occupe son poste, que chacun prenne son attitude dans ce mouvement national et militaire que la fin de la campagne nécessite, et

tous s'applaudiront avant peu d'avoir concouru à sauver la patrie.

> Que dans les monarchies, que dans les cours des despotes, un ministre, un général, un administrateur, un régiment, une province, eût la vanité exclusive de défendre l'état, c'est la froide récompense des monarchistes et des esclaves dorés des cours; mais dans un pays libre tout est confondu par un besoin irrésistible et commun, le besoin de ne pas laisser asservir son pays, de ne pas laisser déshonorer son territoire, le besoin de vaincre ! Ici nous sommes tous solidaires : le métallurgiste comme le législateur, le physicien comme le forgeron, le savant comme le manouvrier, l'armurier comme le colonel, 1 le manufacturier d'armes comme le général, le patriote et le banquier, l'artisan peu fortuné et le riche propriétaire, l'homme des arts comme le fondeur de canon, l'ingénieur des fortifications et le fabricant de piques, l'habitant des campagnes et le citadin, tout est réuni; ils sont tous frè-res, ils sont tous utiles, ils seront tous honorés!

» Vous voyez déjà dans ce rapprochement rapide des besoins de la guerre, vous voyez le sens de votre décret; vous voyez toute la théorie du véritable mouvement national, que vous nous avez chargés d'organiser avec cette sagesse qui n'exclut pas l'enthousiasme, et cette raison qui n'atténue pas l'énergie républicaine.

>> Toute la France doit être debout contre les tyrans ; mais il n'est qu'une portion de citoyens qui soit mise en

mouvement.

» Ainsi tous sont requis, mais tous ne marchent pas : les uns fabriquent les armes, les autres s'en servent; les uns préparent les subsistances pour les combattants, les autres disposent leurs habits et leurs premiers besoins. Hommes, femmes, enfants, la réquisition de la patrie vous somme tous, au nom de la liberté et de l'égalité, de vous destiner, chacun selon vos moyens, au service des armées de la république !

» Les jeunes gens combattront; les jeunes gens seront

chargés de vaincre; les hommes mariés forgeront les armes, transporteront les bagages et l'artillerie ; ils prépareront les subsistances; les femmes, qui enfin doivent prendre leur place et suivre leur véritable destinée dans les révolutions, les femmes oublieront les travaux futiles; leurs mains délicates travailleront aux habits des soldats, feront des tentes, et porteront leurs soins hospitaliers dans les asiles où le défenseur de la patrie reçoit les secours exigés par ses blessures; les enfants mettront le vieux linge en charpie ; c'est pour eux qu'on se bat; les enfants, ces êtres destinés à recueillir tous les fruits de la révolution, lèveront leurs mains pures vers le ciel ; et les vieillards, reprenant la mission qu'ils avaient chez les peuples anciens, se feront porter sur les places publiques; ils y enflammeront le courage des jeunes guerriers; ils propageront la haine des rois et l'unité de la république! Ainsi, renfermant les jeunes citoyens dans les deux extrémités de la vie, entre les éloges des vieillards et la reconnaissance des enfants, nous aurons déjà beaucoup fait pour la défense publique.

» La république n'est plus qu'une grande ville assiégée : il faut que la France ne soit plus autre chose qu'un vaste camp. Les maisons nationales, les maisons invendues d'émigrés seront converties en casernes ; les places publiques en ateliers; le sol des caves servira à préparer la foudre des armées. Le salpêtre manque : il y avait des peines très fortes contre ceux qui s'opposaient à la récolte ou à la production de cette matière première, si nécessaire à l'artillerie: il faut que le sol des caves soit lessivé pour en extraire le salpêtre. Toutes les caves de Montpellier sont employées à la production d'un poison subtil, mais utile dans les arts; que toutes ces caves soient employées aussi à la production du salpêtre, qui est le poison des aristocrates et des royalistes !

» Il faut que toutes les armes de calibre passent dans les mains de ceux qui marcheront à l'ennemi: il suffira pour le service de l'intérieur de dénombrer et de recueillir les

fusils de chasse, de luxe, les armes blanches et les piques. » Il faut que tous les chevaux de selle soient requis sans exception, sans ménagement, pour compléter les corps de cavalerie: c'est là le secret des forces de nos ennemis; ils comptent plus sur leurs chevaux que sur leurs hommes, comme ils comptent davantage sur les trahisons de quelques Français que sur la bravoure de leurs troupes. Eh bien, si la cavalerie est la force de l'Autrichien et de l'Anglais, formons aussi une nombreuse cavalerie; nous le pouvons, et avec ce nouveau moyen nous aurons plus que les hordes étrangères, nous aurons notre infanterie avec ses baïonnettes invincibles, notre artillerie habile et courageuse, l'amour de la patrie et le courage de la liberté !

» Il faut que les chevaux qui traînaient des maîtres opulents ou des êtres inutiles traînent des canons, portent des subsistances; il faut que le luxe des chevaux devienne tributaire de l'artillerie, et que l'art de la guerre s'enrichisse de tout cet attirail, qui n'appauvrit pas le riche.

» Voilà pour notre état actuel et pour ce que nous pouvons calculer d'une manière positive.

» Mais en préparant ce grand mouvement pour le service et le recrutement de nos armées, nous devons porter le plus grand soin sur l'armée matérielle qui doit précéder les soldats, et assurer leur armement comme leurs subsistances. Ce n'est pas assez d'avoir des hommes ; ils ne manqueront jamais à la défense de la république. Des armes, des armes et des subsistances ! C'est le cri du besoin ; c'est aussi l'objet constant de nos sollicitudes.

» Et d'abord pour les armes, Paris va voir dans peu de jours une manufacture immense d'armes de tout genre s'élever dans son sein. Dépositaire de tous les arts, cette cité a des ressources immenses que le comité de salut public a déjà mises en activité, en se concertant avec des patriotes très habiles et très actifs.

» Le Paris de l'ancien régime vendait des modes ridicules, des hochets nombreux, des chiffons brillants et des

meubles commodes à toute la France et à une partie de l'Europe: le Paris de la république, sans cesser d'être le théâtre du goût et le dépôt des inventions agréables et des productions des arts, va devenir l'arsenal de la France.

» Le comité s'est occupé, et les plans s'exécutent dans ce moment par des artistes renommés et des administrateurs d'un patriotisme prononcé; le comité s'est occupé de former à Paris un établissement national pour une grande fabrication d'armes, qui dans quelque temps pourra don ner progressivement jusqu'à cinq cents, sept cents et mille armes par jour : elle occupera six mille ouvriers. Huit artistes, les plus forts, les plus exercés, se rendent dans les manufactures nationales pour en examiner tous les procédés, et rapporter à Paris des échantillons de toutes les pièces nécessaires à la fabrication des fusils. Chaque manufacture nationale s'empressera de fournir quelques articles nécessaires pour diriger les autres. On prend des ouvriers connus, des ouvriers en fer, et l'on pourra utiliser encore un grand nombre d'ouvriers d'horlogerie, partie un peu négligée dans le moment actuel, et qui s'est dévouée à la fabrication des armes.

» Deux cent cinquante forges pour fabriquer les canons de fusil vont être placées ces jours-ci dans le pourtour du jardin du Luxembourg, contre les murs qui entourent en dehors le jardin des Tuileries, dans les extrémités de la place de la révolution. Ce sera une belle décoration pour nos places publiques, en attendant les monuments des arts, d'y voir forger les armes contre les tyrans et les aristo-, crates!

» Dix grandes foreries seront élevées dans des bateaux sur la rivière.

» Seize maisons nationales seront employées pour former de grands ateliers de cent vingt à cent cinquante ouvriers pour les diverses parties de fusil; tous les autres ouvriers, seront employés dans leurs maisons, dans leurs ateliers, pour travailler aux pièces accessoires d'après un prix fixé.

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