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il faut être au moins la veuve d'un général qui a trahi vingt fois la patrie; pour obtenir leur indulgence il faut presque prouver qu'on a fait immoler dix mille Français, comme un général romain pour obtenir le triomphe devait avoir tué, je crois, dix mille ennemis.

>> On entend de sang-froid le récit des horreurs commises par les tyrans contre les défenseurs de la liberté, nos femmes horriblement mutilées, nos enfans massacrés sur le sein de leurs mères, nos prisonniers expiant dans d'horribles tourmens leur héroïsme touchant et sublime; on appelle une horrible boucherie la punition trop lente de quelques monstres engraissés du plus pur sang de la patrie.

>> On souffre avec patience la misère des citoyennes généreuses qui ont sacrifié à la plus belle des causes leurs frères, leurs enfans, leurs époux: mais on prodigue les plus géné reuses consolations aux femmes des conspirateurs ; il est reçu qu'elles peuvent impunément séduire la justice, plaider contre la liberté la cause de leurs proches et de leurs complices; on en a fait presque une corporation privilégiée, créancière et pensionnaire du peuple.

» Avec quelle bonhommie nous sommes encore la dupe des mots! Comme l'aristocratie et le modérantisme nous gouvernent encore par les maximes meurtrières qu'ils nous ont données !

» L'aristocratie se défend mieux par ses intrigues que le patriotisme par ses services. On veut gouverner les révolutions par les arguties du palais; on traite les conspirations contre la République comme les procès entre les particuliers. La tyrannie tue, et la liberté plaide; et le code fait par les conspirateurs eux-mêmes est la loi par laquelle on les juge.

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Quand il s'agit du salut de la patrie le témoignage de l'univers ne peut suppléer à la preuve testimoniale, ni l'évidence même à la preuve littérale.

>> La lenteur des jugemens équivaut à l'impunité ;- l'incertitude de la peine encourage tous les coupables; et cependant on se plaint de la sévérité de la justice! on se plaint de la détention des ennemis de la République! On cherche ses exemples dans l'histoire des tyrans, parce qu'on ne veut pas les

choisir dans celle des peuples, ni les puiser dans le génie de la liberté menacée. A Rome quand le consul découvrit la conjuration, et l'étouffa au même instant par la mort des complices de Catilina, il fut accusé d'avoir violé les formes.... Par qui? Par l'ambitieux César, qui voulait grossir son parti de la horde des conjurés; par les Pison, les Clodius, et tous les mauvais citoyens, qui redoutaient pour eux-mêmes la vertu d'un vrai Romain et la sévérité des lois.

» Punir les oppresseurs de l'humanité c'est clémence; leur pardonner c'est barbarie. La rigueur des tyrans n'a pour principe que la rigueur celle du gouvernement républicain part de la bienfaisance.

>>

Aussi, malheur à celui qui oserait diriger vers le peuple la terreur, qui ne doit approcher que de ses ennemis! Malheur à celui qui, confondant les erreurs inévitables du civisme avec les erreurs calculées de la perfidie, ou avec les attentats des conspirateurs, abandonne l'intrigant dangereux pour poursuivre le citoyen paisible! Périsse le scélérat qui ose abuser du nom sacré de la liberté, ou des armes redoutables qu'elle lui a confiées, pour porter le deuil ou la mort dans le cœur des patriotes! Cet abus a existé, on ne peut en douter; il a été exagéré sans doute par l'aristocratie; mais n'existât-il dans toute la République qu'un seul homme vertueux persécuté par les ennemis de la liberté, le devoir du gouvernement serait de le rechercher avec inquiétude, et de le venger avec éclat.

» Mais faut-il conclure de ces persécutions, suscitées aux patriotes par le zèle hypocrite des contre-révolutionnaires, qu'il faut rendre la liberté aux contre-révolutionnaires, et renoncer à la sévérité? Ces nouveaux crimes de l'aristocratie. ne font qu'en démontrer la nécessité. Que prouve l'audace de nos ennemis, sinon la faiblesse avec laquelle ils ont été poursuivis! Elle est due en grande partie à la doctriné relâchée qu'on a prêchée dans ces derniers temps pour les rassurer. Si vous pouviez écouter ces conseils vos ennemis parviendraient à leur but, et recevraient de vos propres mains le prix du dernier de leurs forfaits.

» Qu'il y aurait de légèreté à regarder quelques victoires

remportées par le patriotisme comme la fin de tous nos dangers! Jetez un coup d'œil sur notre véritable situation; vous sentirez que la vigilance et l'énergie vous sont plus nécessaires que jamais. Une sourde malveillance contrarie partout les opérations du gouvernement; la fatale influence des cours étrangères, pour être plus cachée, n'en est ni moins active ni moins funeste: on sent que le crime, intimidé, n'a fait que couvrir sa marche avec plus d'adresse.

» Les ennemis intérieurs du peuple français se sont divisés en deux factions, comme en deux corps d'armée. Elles marchent sous des bannières de différentes couleurs et par des routes diverses; mais elles marchent au même but : ce but est la désorganisation du gouvernement populaire, la ruine de la Convention, c'est à dire le triomphe de la tyrannie. L'une de ces deux factions nous pousse à la faiblesse, l'autre aux excès ; l'une veut changer la liberté en bacchante, l'autre en prostituée.

» Des intrigans subalternes, souvent même de bons citoyens abusés, se rangent de l'un ou de l'autre parti; mais les chefs appartiennent à la cause des rois ou de l'aristocratie, et se réunissent toujours contre les patriotes. Les fripons, lors même qu'ils se font la guerre, se haïssent bien moins qu'ils ne détestent les gens de bien. La patrie est leur proie; ils se battent pour la partager, mais ils se liguent contre ceux qui la défendent.

» On a donné aux uns le nom de modérés: il y a peutêtre plus d'esprit que de justesse dans la dénomination d'ultrarévolutionnaire, par laquelle on a désigné les autres; cette dénomination, qui ne peut s'appliquer dans aucun cas aux hommes de bonne foi que le zèle et l'ignorance peuvent emporter au delà de la saine politique de la révolution, ne caractérise pas exactement les hommes perfides que la tyrannie soudoie pour compromettre, par des applications fausses ou funestes, les principes sacrés de notre révolution.

» Le faux révolutionnaire est peut-être plus souvent encore en deçà qu'au delà de la révolution; il est modéré, il est fou de patriotisme, selon les circonstances. On arrête dans les comités prussiens, anglais, autrichiens, moscovites même,

ce qu'il pensera le lendemain. Il s'oppose aux mesures énergiques, et les exagère quand il n'a pu les empêcher. Sévère pour l'innocence, mais indulgent pour le crime; accusant même les coupables qui ne sont point assez riches pour acheter son silence, ni assez importans pour mériter son zèle, mais se gardant bien de jamais se compromettre au point de défendre la vertu calomniée; découvrant quelquefois des complots découverts, arrachant le masque à des traîtres démasqués et même décapités, mais prônant les traîtres vivans et encore accrédités; toujours empressé à caresser l'opinion du moment, et non moins attentif à ne jamais l'éclairer, et surtout à ne jamais la heurter; toujours prêt à adopter les mesures hardies, pourvu qu'elles aient beaucoup d'inconvéniens; calomniant celles qui ne présentent que des avantages, ou bien y ajoutant tous les amendemens qui peuvent les rendre nuisibles; disant la vérité avec économie, et tout autant qu'il le faut pour acquérir le droit de mentir impunément; distillant le bien goutte à goutte, et versant le mal par torrens; plein de feu pour les grandes résolutions qui ne signifient rien, plus qu'indifférent pour celles qui peuvent honorer la cause du peuple et sauver la patrie; donnant beaucoup aux formes du patriotisme, très attaché, comme les dévots, dont il se déclare l'ennemi, aux pratiques extérieures, il aimerait mieux user cent bonnets rouges que de faire une bonne action.

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Quelle différence trouvez-vous entre ces gens-là et vos modérés ? Ce sont des serviteurs employés par le même maître, ou, si vous voulez, des complices qui feignent de se brouiller pour mieux cacher leurs crimes. Jugez-les non par la différence du langage, mais par l'identité des résultats. Celui qui attaque la Convention nationale et celui qui des discours insensés par la trompe pour la compromettre, ne sont-ils pas d'accord? Celui qui par d'injustes rigueurs force le patriotisme à trembler pour lui-même, invoque l'amnistie en faveur de l'aristocratie et de la trahison. Tel appelait la France à la conquête du monde, qui n'avait d'autre but que d'appeler les tyrans à la conquête de la France. L'étranger hypocrite qui depuis cinq années proclame Paris la capitale du globe, ne faisait que

traduire dans un autre jargon les anathêmes des vils fédéralistes, qui vouaient Paris à la destruction. Prêcher l'athéisme n'est qu'une manière d'absoudre la superstition et d'accuser la philosophie, et la guerre déclarée à la divinité n'est qu'une diversion en faveur de la royauté.

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Quelle autre methode reste-t-il de combattre la liberté ?

» Ira-t-on, à l'exemple des premiers champions de l'aristocratie, vanter les douceurs de la servitude et les bienfaits de la monarchie, le génie surnaturel et les vertus incomparables des rois?

Ira-t-on proclamer la vanité des droits de l'homme et des principes de la justice éternelle ?

» Ira-t-on exhumer la noblesse et le clergé, ou réclamer les droits imprescriptibles de la haute bourgeoisie à leur double

succession?

Non. Il est bien plus commode de prendre le masque du patriotisme pour défigurer par d'insolentes parodies le drame sublime de la révolution, pour compromettre la cause de la liberté par une modération hypocrite ou par des extravagances étudiées.

» Aussi l'aristocratie se constitue en sociétés populaires; l'orgueil contre-révolutionnaire cache sous des haillons ses complots et ses poignards; le fanatisme brise ses propres autels; le royalisme chante les victoires de la République ; la noblesse, accablée de souvenirs, embrasse tendrement l'égalité pour l'étouffer; la tyrannie, teinte du sang des défenseurs de la liberté, répand des fleurs sur leur tombeau. Si tous les cœurs ne sont pas changés, combien de visages sont masqués ! combien de traîtres ne se mêlent de nos affaires que pour les ruiner!

» Voulez-vous les mettre à l'épreuve? Demandez-leur, au lieu de sermens et de déclamations, des services réels.

» Faut-il agir, ils pérorent; faut-il délibérer, ils veulent commencer par agir; les temps sont-ils paisibles, ils s'opposeront à tout changement utile; sont-ils orageux, ils parleront de tout réformer, pour bouleverser tout ; voulez vous contenir les séditieux, ils vous rappellent la clémence de César; voulez-vous arracher les patriotes à la persécution, ils vous

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