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tionnés ne voient point de dangers quand ils font leur devoir; ils vivent sans remords et agissent sans crainte. »

» Voici le projet de décret que je suis chargé de vous pré

senter. >>

La lecture de ce projet fait une vive impression sur l'Assemblée, qui paraît enfin se rappeler qu'elle a le droit, qu'il est de son devoir d'examiner les mesures qu'on lui propose. Les membres présens du comité de salut public s'étonnent qu'après tant de lois révolutionnaires adoptées de confiance une opposition s'élève contre celle qui leur paraît devoir en être le complément nécessaire. Les débats s'engagent.

Ruamps. « Ce décret est important; j'en demande l'impres sion et l'ajournement. S'il était adopté sans l'ajournement je me brûlerais la cervelle! »

Lecointre (de Versailles). « J'appuie l'ajournement. (Plusieurs voix : Appuyé!)

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Barrère. « Ce n'est pas sans doute un ajournement indéfini que l'on demande! (Quelques voix : Non! Nou!) Lorsqu'on propose une loi toute en faveur des patriotes, et qui assure la punition prompte des conspirateurs, les législateurs ne peuvent avoir qu'un vœu unanime. Je demande qu'au moins l'ajournenement ne passe pas trois jours.

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Lecointre. « Nous ne le demandons qu'à deux jours. :

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Robespierre. « Il n'est pas de circonstance si délicate, il n'est pas de situation si embarrassante où l'on veuille mettre les défenseurs de la liberté, qui puisse les condamner à dissimuler la vérité! Je dirai donc que quoique la liberté de demander un ajournement soit incontestable, quoiqu'on la couvre de motifs spécieux peut-être, cependant elle n'en compromettrait pas moins évidemment le salut de la patrie.

» Deux opinions fortement prononcées se manifestent dans la République, citoyens : l'une est celle qui tend à punir d'une manière sévère et inévitable les crimes commis contre la liberté; c'est l'opinion de ceux qui sont effrayés de l'obstination cou

pable avec laquelle on cherche à ranimer les anciens complots, et à en inventer de nouveaux en raison des efforts que font les représentans du peuple pour les étouffer.

» L'autre est cette opinion lâche et criminelle de l'aristocratie, qui depuis le commencement de la révolution n'a cessé de demander, soit directement, soit indirectement, une amnistie pour les conspirateurs et les ennemis de la patrie.

>>

Depuis deux mois vous avez demandé au comité de salut public une loi plus étendue que celle qu'il vous présente aujourd'hui; depuis deux mois la Convention nationale est sous le glaive des assassins, et le moment où la liberté paraît obtenir un triomphe éclatant est celui où les ennemis de la patrie conspirent avec plus d'audace; depuis plus de deux mois le tribunal révolutionnaire vous dénonce les entraves qui arrêtent la marche de la justice nationale: la République entière vous dénonce de nouvelles conspirations, et cette multitude innombrable d'agens étrangers qui abondent sur sa surface. C'est dans cette circonstance que le comité de salut public vous présente le projet de loi dont vous venez d'entendre la lecture. Qu'on l'examine cette loi, et au premier aspect on verra qu'elle ne renferme aucune disposition qui ne soit adoptée d'avance par tous les aniis de la liberté ; qu'il n'y a pas un article qui ne soit fondé sur la justice et sur la raison; qu'il n'est aucune de ses parties qui ne soit rédigée pour le salut des patriotes et pour la terreur de l'aristocratie, conjurée contre la liberté.

» De plus il n'est personne qui ne sache qu'à chaque séance le tribunal révolutionnaire passe quelques heures sans pouvoir remplir ses fonctions, parce que le nombre des jurés n'est pas complet. Nous venons vous proposer de compléter ce nombre; nous venons vous proposer de réformer deux ou trois abus reconnus dans l'institution de ce tribunal, et dénoncés de toute part; et l'on nous arrête par un ajournement! Je soutiens qu'il n'est personne ici qui ne soit en état de prononcer sur cette loi aussi facilement que sur tant d'autres de la plus grande importance qui ont été adoptées avec enthousiasme par la Con

vention nationale.

Pourquoi fais-je ces réflexions? Est-ce pour empêcher l'ajournement? Non; j'ai uniquement voulu rendre hommage à

la vérité, avertir la Convention des dangers qu'elle court; car, soyez en sûrs, citoyens, partout où il s'établit une ligne de démarcation, partout où il se prononce une division, là il y a quelque chose qui tient au salut de la patrie. Il n'est pas naturel qu'il y ait une séparation entre des hommes également épris de l'amour du bien public. (Applaudissemens.) Il n'est pas naturel qu'il s'élève une sorte de coalition contre le gouvernement qui se dévoue pour le salut de la patrie. Citoyens, on veut vous diviser! ( Un grand nombre de voix : Non! Non! On ne nous divisera pas!) Citoyens, on veut vous épouvanter! Hé bien, qu'on se rappelle que c'est nous qui avons défendu une partie de cette Assemblée contre les poignards que la scélératesse et un faux zèle voulaient aiguiser contre vous! Nous nous exposons aux assassins particuliers pour poursuivre les assassins publics. Nous voulons bien mourir, mais que la Convention et la patrie soient sauvées! ( Vifs applaudissemens.) Nous braverons les insinuations perfides par lesquelles on voudrait taxer de sévérité outrée les mesures que prescrit l'intérêt public. Cette sévérité n'est redoutable que pour les conspirateurs, que pour les ennemis de la liberté et de l'humanité! » (Applaudissemens.)

Bourdon (de l'Oise). « Il y a dans la discussion qui vient de s'élever un point autour duquel tous les esprits se rallieront. Dans son discours Robespierre nous a dit qu'il manquait de jurés; hé bien, comme aucun de nous ne veut ralentir la marche de la justice nationale, ni exposer la liberté publique, divisons la proposition; adoptons la liste que nous présente le comité pour compléter le nombre des juges et des jurés, et ajournons le reste. »

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Robespierre. « Je demande que le projet soit discuté article par article, et séance tenante. Je motive ma demande par un seul mot. D'abord cette loi n'est ni plus obscure ni plus compliquée que celles que le comité vous a déjà soumises pour le salut de la patrie; je ferai d'ailleurs observer que depuis longtemps la Convention nationale discute et décrète sur le champ, parce que depuis longtemps elle n'est plus asservie à l'empire des factions, parce que depuis longtemps il y a dans

sa très grande majorité un assentiment prononcé pour le bien public. (Vifs applaudissemens.) Je dirai donc que des demandes d'attermoiement de la fortune de la République sont affectées dans ce moment; que quand on est bien pénétré des dangers de la patrie et de ceux que courent ses défenseurs, dans quelque lieu qu'ils se trouvent, quelque poste qu'ils occupent, on est plus enclin à porter des coups rapides contre ses ennemis qu'à provoquer des lenteurs, qui ne sont que des délais pour l'aristocratie, qui les emploie à corrompre l'opinion et à former de nouvelles conspirations.

» On se trompe si l'on croit que la bonne foi des patriotes a trop de force contre les efforts des tyrans de l'Europe et de leurs vils agens, dont la rage se manifeste par les calomnies et les crimes, qu'ils ne cessent de vomir sur cette enceinte, qui ne vous laisseront aucun repos, et qui ne vous épargneront ni artifices ni conspirations impies que quand ils n'existeront plus! Quiconque est embrasé de l'amour de la patrie accueillera avec transport les moyens d'atteindre et de frapper ses

ennemis.

» Je demande que, sans s'arrêter à la proposition de l'ajournement, la Convention discute jusqu'à neuf heures du soir s'il le faut le projet de loi qui lui est soumis. » (Applaudissemens.)

Cette demande est généralement accueillie. La discussion s'ouvre aussitôt; mais loin d'occuper l'Assemblée jusqu'à neuf heures du soir, elle ne lui prend qu'environ trente minutes ce n'est guère qu'une seconde lecture du projet. Après quelques observations timides, quelques amendemens sans importance, il est décrété en ces termes, à une grande majorité.

Loi du 22 prairial an 2. ( 10 juin 1793.)

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète :

Art. er. Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et quatre vice présidens, un accusateur public, quatre substituts de l'accusateur public, et douze juges.

2. Les jurés seront au nombre de cinquante.

3. Les diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms suivent. (Ici était le tableau du tribunal.)

Le tribunal révolutionnaire se divisera par sections, composées de douze membres; savoir, trois juges et neuf jurés, lesquels jurés ne pourront juger en moindre nombre que celui de sept.

4. Le tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple.

5. Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse.

6. Sont réputés ennemis du peuple :

Ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain, dont elle est le centre;

Ceux qui auront trahi la République dans le commandement des places et des armées, ou dans toute autre fonction militaire, entretenu des intelligences avec les ennemis de la République, travaillé à faire manquer les approvisionnemens ou le service des armées; Ceux qui auront cherché à empêcher les approvisionnemens de Paris, ou à causer la disette dans la République ;

Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, 'soit en favorisant la retraite et l'impunité des conspirateurs et de l'aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la révolution, des lois ou des mesures du gouvernement par des applications fausses et perfides;

Ceux qui auront trompé le peuple ou les représentans du peuple pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté; Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République ;

Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple;

Ceux qui auront cherché à égarer l'opinion et à empêcher l'instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, et altérer l'énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination; Les fournisseurs de mauvaise foi, qui compromettent le salut de la République, et les dilapidateurs de la fortune publique, autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 frimaire;

Ceux qui, étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple;

Enfin tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes relatives

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