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aux intérêts d'une faction, Le cœur flétri par l'expérience de tant de trahisons, je crois à la nécessité d'appeler surtout la probité et tous les sentimens généreux au secours de la Répu blique. Je sens que partout où l'on rencontre un homme de bien, en quelque lieu qu'il soit assis, il faut lui tendre la main, et le serrer contre son cœur. Je crois à des circonstances fatales dans la révolution, qui n'ont rien de commun avec les desseins criminels; je crois à la détestable influence de l'intrigue, et surtout à la puissance sinistre de la calomnie. Je vois le monde peuplé de dupes et de fripons; mais le nombre des fripons est le plus petit: ce sont eux qu'il faut punir des crimes et des malheurs du monde. Je n'imputerai donc point les forfaits de Brissot et de la Gironde aux hommes de bonne foi, qu'ils ont trompés quelquefois; (1) je n'imputerai point à

(1) Lignes raturées :

« Je les imputerai à ces personnages dangereux, et même à d'autres fripons qui, en combattant quelquefois contre eux avec les ennemis de la liberté, rendaient quelquefois la bonne cause douteuse aux yeux des hommes moins placés dans un point de vue avantageux pour la discerner. » — – Les tirades suivantes, jusqu'à ces mots inclusivement : la corruption qu'ils avaient établie, sont extraites d'un livret de Robespierre écrit au crayon, et qui n'ont pas été lues à la tribune ; nous avons cru devoir les adapter à cet endroit de lignes raturées : « J'en accuse la faiblesse humaine, et ce fatal ascendant de l'intrigue contre la vérité lorsqu'elle plaide contre elle dans les ténèbres et au tribunal de l'amour-propre ; j'en accuse des hommes pervers que je démasquerai; j'en accuse une horde de fripons qui ont usurpé une confiance funeste sous le nom de commis du comité de sûreté générale. Les commis de sûreté générale sont une puissance, et une puissance supérieure par ses funestes influences au comité même. Je les ai dénoncés depuis longtemps au comité de salut public et à celui qui les emploie, qui est convenu du mal sans oser y appliquer le remède : je les dénonce aujourd'hui à la Convention ces funestes artisans de discorde, qui trahissent à la fois le comité qui les emploie et la patrie, qui déshonorent la révolution, compromettent la gloire de la Convention nationale, protecteurs impudens du crime et oppresseurs hypocrites de la vertu! C'est en vain qu'on voudrait environner des fripons d'un prestige religieux; je ne partage pas cette superstition, et je veux briser les ressorts d'une surveillance corrompue qui va contre son but, pour la rattacher à des principes purs et salutaires. J'ai un double titre pour

tous ceux qui crurent à Danton les crimes de ce conspirateur ; je n'imputerai point ceux d'Hébert aux citoyens dont le patriotisme sincère fut entraîné quelquefois au delà des exactes limites de la raison. Les conspirateurs ne seraient point des

oser remplir ce devoir puisqu'il faut aujourd'hui de l'audace pour attaquer des scélérats subalternes, l'intérêt de la patrie et mon propre honneur. Ce sont ces hommes qui réalisent cet affreux système de calomnier et de poursuivre tous les patriotes suspects de probité, en même temps qu'ils protégent leurs pareils, et qu'ils justifient leurs crimes par ce mot, qui est le cri de ralliement de tous les ennemis de la patrie: c'est Robespierre qui l'a ordonné. C'était aussi le langage de tous les complices d'Hébert, dont je demande en vain la punition. Et qu'importe, comme on l'a dit, qu'ils aient quelquefois dénoncé et arrêté des aristocrates prononcés, s'ils vendent aux autres l'impunité, et s'ils se font de ces services faciles un titre pour trahir et pour opprimer? Que m'importe qu'ils poursuivent l'aristocratie, s'ils assassinent le patriotisme et la vertu, afin qu'il ne reste plus sur la terre que des fripóns et leurs protecteurs? Que dis-je ! les fripons ne sont-ils pas une espèce d'aristocratie? Tout aristocrate est corrompu, et tout homme corrompu est aristocrate. Mais cherchez sous ce masque de patriotisme; vous y trouverez des nobles, des émigrés, peut-être des hommes qui, après avoir professé ouvertement le royalisme pendant plusieurs années, se sont fait attacher au comité de sûreté générale, comme jadis les prostituées à l'Opéra, pour exercer leur métier impuuément, et se venger patriotiquement sur les patriotes de la puissance et des succès de la République.

» Amar et Jagot, s'étant emparé de la police, ont plus d'influence seuls que tous les membres du comité de sûreté générale; leur puissance s'appuie encore sur cette armée de commis dont ils sont les patrons et les généraux; ce sont eux qui sont les principaux artisans du système de division et de calomnie. Il existe une correspondance d'intrigues entre eux et certains membres du comité de salut public, et les autres ennemis du gouvernement républicain ou de la morale publique, car c'est la même chose; aussi ceux qui nous font la guerre sont-ils les apòtres de l'athéisme et de l'immoralité. Une circonstance remarquable et décisive, c'est que les persécutions ont été renouvelées avec une nouvelle chaleur après la célébration de la fête à l'Étre suprême.

>> Nos ennemis ont senti la nécessité de réparer cette défaite décisive à force de crimes, et de ressusciter à quelque prix que ce fût la corruption qu'ils avaient établie. »

conspirateurs s'ils n'avaient l'art de dissimuler assez habilement pour usurper pendant quelque temps la confiance des gens de bien; mais il est des signes certains auxquels on peut discerner les dupes des complices, et l'erreur du crime. Qui fera donc cette distinction ? Le bon sens et la justice. Ah! combien le bon sens et la justice sont nécessaires dans les affaires humaines! Les hommes pervers nous appellent des hommes de sang, parce que nous avons fait la guerre aux oppresseurs du monde : nous serions donc humains si nous étions réunis à leur ligue sacrilege pour égorger le peuple et pour perdre la patrie!

» Au reste, s'il est des conspirateurs privilégiés, s'il est des ennemis inviolables de la République, je consens à m'imposer sur leur compte un éternel silence. J'ai rempli ma tâche ; (1) (je ne me charge point de remplir les devoirs d'autrui; un soin plus pressant m'agite en ce moment): il s'agit de sauver la morale publique et les principes conservateurs de la liberté; il s'agit d'arracher à l'oppression tous les amis généreux de la patrie.

» Ce sont eux qu'on accuse d'attenter à la représentation nationale! Et où donc chercheraient-ils un autre appui? Après avoir combattu tous vos ennemis, après s'être dévoués à la fureur de toutes les factions pour défendre et votre existence et votre dignité, où chercheraient-ils un asile s'ils ne le trouvaient pas dans votre sein?

» Ils aspirent, dit-on, au pouvoir suprême; ils l'exercent déjà......... La Convention nationale n'existe donc pas ! Le peuple français est donc anéanti! Stupides calomniateurs! vous êtesvous aperçu que vos ridicules déclamations ne sont pas une injure faite à un individu, mais à une nation invincible, qui dompte et qui punit les rois ? Pour moi j'aurais une répugnance extrême à me défendre personnellement devant vous contre la plus lâche de toutes les tyrannies, si vous n'étiez pas convaincus que vous êtes les véritables objets des attaques de tous les ennemis de la République. Eh! que suis-je pour mériter leurs persécutions, si elles n'entraient dans le système général

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(1) Les mots en parenthèses ont déjà été lus, et se trouvent répétés

en ces deux endroits dans le manuscrit.

de leur conspiration contre la Convention nationale? N'avezvous pas remarqué que pour vous isoler de la nation ils ont publié à la face de l'univers que vous étiez des dictateurs régnant par la terreur, et désavoués par le vœu tacite des Français ? N'ont-ils pas appelé nos armées les hordes conventionnelles, la révolution française le jacobinisme? Et lorsqu'ils affectent de donner à un faible individu en butte aux outrages de toutes les factions une importance gigantesque et ridicule, quel peut être leur but, si ce n'est de vous diviser, de vous avilir en niant votre existence même, semblables à l'impie, qui nie l'existence de la Divinité, qu'il redoute?

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Cependant ce mot de dictature a des effets magiques : il flétrit la liberté ; il avilit le gouvernement; il détruit la République; il dégrade toutes les institutions révolutionnaires, qu'on présente comme l'ouvrage d'un seul homme; il rend odieuse la justice nationale, qu'il présente comme instituée par l'ambition d'un seul homme; il dirige sur un point toutes les haines et tous les poignards du fanatisme et de l'aristocratie. Quel terrible usage les ennemis de la République ont fait du seul nom d'une magistrature romaine! Et si leur érudition nous est si fatale, que sera-ce de leurs trésors et de leurs intrigues! Je ne parle point de leurs armées; mais qu'il me soit permis de renvoyer au duc d'Yorck et à tous les écrivains royaux les patentes de cette dignité ridicule, qu'ils m'ont expédiées les premiers : il y a trop d'insolence à des rois, qui ne sont pas sûrs de conserver leur couronne, de s'arroger le droit d'en distribuer à d'autres ! Je conçois qu'un prince ridicule, que cette espèce d'animaux immondes et sacrés qu'on appelle encore rois puissent se complaire dans leur bassesse et s'honorer de leur ignominie; je conçois que le fils de Georges, par exemple, puisse avoir regret à ce sceptre français qu'on le soupçonne violemment d'avoir convoité, et je plains sincèrement ce moderne Tantale; j'avouerai même, à la honte non de ma patrie, mais des traîtres qu'elle a punis, que j'ai vu d'indignes mandataires du peuple qui auraient échangé ce titre glorieux pour celui de valet-de-chambre de Georges ou de d'Orléans : mais qu'un représentant du peuple qui sent la dignité de ce caractère sacré, qu'un citoyen français digne

de ce nom puisse abaisser ses vœux jusqu'aux grandeurs coupables et ridicules qu'il a contribué à foudroyer, qu'il se soumette à la dégradation civique pour descendre à l'infamie du trône, c'est ce qui ne paraîtra vraisemblable qu'à ces êtres pervers qui n'ont pas même le droit de croire à la vertu ! Que dis-je, vertu! C'est une passion naturelle sans doute, mais comment la connaîtraient-ils ces âmes vénales qui ne s'ouvrirent jamais qu'à des passions lâches et féroces; ces misérables intrigans qui ne lièrent jamais le patriotisme à aucune idée morale, qui marchèrent dans la révolution à la suite de quelque personnage important et ambitieux, de je ne sais quel prince méprisé, comme jadis nos laquais sur les pas de leurs maîtres? Mais elle existe, je vous en atteste, âmes sensibles et pures! elle existe cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des cœurs magnauimes! cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de l'humanité, sans lequel une grande révolution n'est qu'un crime éclatant qui détruit un autre crime, elle existe cette ambition généreuse de fonder sur la terre la première République du monde! cet égoïsme des hommes non dégradés, qui trouve une volupté céleste dans le calme d'une conscience pure et dans le spectacle ravissant du bonheur public! Vous le sentez en ce moment qui brûle dans vos âmes je le sens dans la mienne. Mais comment nos vils calomniateurs la devineraient-ils? Comment l'aveugle-né aurait-il l'idée de la lumière ? La nature leur a refusé une âme; ils ont quelque droit de douter non seulement de l'immortalité de l'âme, mais de son existence. (1)

» Ils m'appellent tyran... Si je l'étais ils ramperaient à mes pieds, je les gorgerais d'or, je leur assurerais le droit de commettre tous les crimes, et ils seraient reconnaissans! Si je l'étais les rois que nous avons vaincus, loin de me dénoncer, quel tendre intérêt ils prennent à notre liberté ! me prêteraient leur

(1) Lignes raturées :

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Quant à l'existence de la Divinité, ils en fournissent eux-mêmes un argument irrésistible; ce sont leurs propres crimes. »

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