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» Citoyens, voulez-vous perdre en un jour six années de révolution, de sacrifices et de courage ? Voulez-vous revenir sous le joug que vous avez brisé? Non sans doute ! La Convention nationale ne cessera pas un instant de veiller aux droits de la liberté publique; elle invite donc les citoyens de Paris à l'aider de leur réunion, de leurs lumières, de leur patriotisme, pour la conservation du dépôt précieux que le peuple français lui a confié. Qu'ils veillent principalement sur l'autorité militaire, toujours ambitieuse, et souvent usurpatrice! La liberté n'est rien dans les pays où le militaire commande au civil.

Si vous ne vous ralliez à la représentation nationale les autorités constituées sont sans subordination, et les armées sans direction; les victoires deviennent un fléau, et le peuple français est livré à toutes les fureurs des divisions intestines, et à toutes les vengeances des tyrans. Entendez la voix de la patrie au lieu de mêler vos cris à ceux des ambitieux, des malveillans, des aristocrates et des ennemis du peuple, et la patrie sera encore une fois sauvée ! »

Vadier rouvre la discussion sur Robespierre. Il l'accuse d'être le seul auteur de la loi du 22 prairial, et d'avoir organisé un système d'espionnage ; mais ce qu'il reproche avec le plus d'amertume, ce qu'il ne peut pardonner au tyran, car Robespierre n'est plus autre chose à ses yeux, c'est le mépris qu'il a fait de son rapport sur la mère de Dieu. Cet apparent dédain était une protection réelle, et Vadier le prouve par une lettre trouvée dans les matelas de Catherine, écrite par elle, et adressée au tyran : la mère de Dieu annonce à Robespierre que sa mission est prédite dans Ezéchiel, et que c'est à lui que le monde devra le rétablissement de la vraie religion, débarrassée des prêtres. Le projet d'une constitution surnaturelle, adressé par un fou de Genève à Robespierre, sert encore à Vadier pour établir un chef d'accusation. Fort de ces importantes découvertes, il s'arme ensuite de l'ironie ; il affecte un ton léger pour louer la vertu, la modestie de Robespierre... Il provoque ainsi quelques éclats de rire, assez inconvenans dans la circonstance; mais en général il inspire un sentiment qui ne flatte ni son esprit ni son cœur.

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Tallien, plus adroit, interrompt le trop plaisant orateur, et demande à ramener la discussion à son vrai point. Je saurai bien l'y ramener, s'écrie Robespierre; et il se dispose à parler; mais il est contraint de céder aux murmures, aux cris de l'Assemblée, qui ne veut entendre que

ses accusateurs.

Tallien. Citoyens, ce n'est pas en ce moment sur des faits particuliers que doit se porter l'attention de l'Assemblée. Les faits qu'on a dits ont de l'importance sans doute; mais il n'est pas dans la Convention un membre qui ne pût en alléguer autant, qui ne pût se plaindre d'un acte tyrannique.

» C'est sur le discours prononcé hier à la Convention, et répété aux Jacobins, que j'appelle toute votre attention. C'est là que je rencontre le tyran! c'est là que je trouve toute la conspiration! c'est dans ce discours qu'avec la vérité, la justice et la Convention je veux trouver des armes pour le terrasser cet homme dont la vertu et le patriotisme étaient tant vantés, mais qu'on avait vu, à l'époque mémorable du 10 août, ne paraître que trois jours après la révolution! cet homme qui, devant être dans le comité de salut public le défenseur des opprimés, qui, devant être à son poste, l'a abandonné depuis quatre décades! Et à quelle époque? Lorsque l'armée du Nord donnait à tous ses collègues de vives sollicitudes! Il l'a abandonné pour venir calomnier les comités, et tous ont sauvé la patrie! (Applaudissemens.) Certes si je voulais retracer les actes d'oppression particuliers qui ont eu lieu, je remarquerais que c'est pendant le temps où Robespierre a été chargé de la police générale qu'ils ont été commis, que les patriotes du comité révolutionnaire de la section de l'Indivisibilité ont été arrêtés... »

Robespierre. « C'est faux! Je... (Murmures, cris. Robespierre arréte un moment ses yeux sur les plus constans montagnards; quelques uns détournent la téte, d'autres restent immobiles, la majorité le repousse. Alors, s'adressant incertain à tous les côtés de l'Assemblée :) C'est à vous, hommes purs, que je m'adresse, et non pas aux brigands... (Vio

XIV.

22

lente interruption.) Pour la dernière fois, président des assassins, je te demande la parole...» (Bruit.)

Le président (1). « Tu ne l'auras qu'à ton tour. » (Non! Non! reprend-on de tout côté. Le bruit continue; Robespierre s'épuise en efforts; sa voix s'éteint.)

Garnier (de l'Aube). « Le sang de Danton l'étouffe! »

Robespierre. « C'est donc Danton que vous voulez venger!» (Bruit.)

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Louchet. « Je demande le décret d'arrestation contre Robespierre. (Les applaudissemens, d'abord isolés, deviennent bientôt unanimes. ) Ma motion est appuyée; aux voix l'arrestation! »> (Aux voix ! Aux voix!)

Loseau. « Il est constant que Robespierre a été dominateur; je demande par cela seul le décret d'accusation. »> (De toute part: Appuyé! Aux voix!)

Robespierre jeune. « Je suis aussi coupable que mon frère : je partage ses vertus; je veux partager son sort. Je demande aussi le décret d'arrestation contre moi. » (Quelques membres paraissent émus; la majorité, par un mouvement d'indifférence, annonce qu'elle accepte ce vote généreux.)

Robespierre veut parler sur le dévouement de son frère; il lui est impossible de se faire entendre; alors il apostrophe de nouveau le président et toute l'Assemblée avec une grande véhémence.

Charles Duval. « Président, est-ce qu'un homme sera le maître de la Convention? » (Une voix : Il l'a été trop longtemps ! )

Fréron. « Ah! qu'un tyran est dur à abattre! »

Loseau. « Aux voix l'arrestation des deux frères !

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Billaud-Varenne. « J'ai des faits positifs que Robespierre

(1) Thuriot, ex-président, à qui Collot-d'Herbois avait cédé un moment le fauteuil.

n'osera pas nier. Je citerai d'abord le reproche qu'il a fait au comité d'avoir voulu désarmer les citoyens... >>

Robespierre. « J'ai dit qu'il y avait des scélérats... » (Violente interruption.)

Billaud-Varenne. « Je disais qu'il a reproché au comité d'avoir voulu désarmer les citoyens; hé bien, c'est lui seul qui a pris cet arrêté ! Il a accusé le gouvernement d'avoir fait disparaître tous les monumens consacrés à l'Etre suprême; hé bien, apprenez que c'est Couthon... par

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Couthon. « Oui, j'y ai coopéré... (Murmures, cris.)

Un grand nombre de membres. « L'arrestation de Robespierre!»

Le président la met aux voix, et l'Assemblée la décrète à l'unanimité, aux cris de vive la liberté ! vive la République!

Robespierre. « La République! elle est perdue, car les brigands triomphent!

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Louchet. « Nous avons entendu voter pour l'arrestation des deux Robespierre, de Saint-Just et de Couthon. »

Lebas. « Je ne veux pas partager l'opprobre de ce décret! Je demande aussi l'arrestation. »(Mouvemens divers.)

Elie Lacoste. » Je demande l'arrestation de Robespierre jeune; il est un de ceux qui ont sonné aux Jacobins le tocsin contre les comités. Il finissait son discours par ces paroles remarquables: on dit que les comités ne sont pas corrompus; mais si leurs agens le sont, les comités le sont aussi. »

L'arrestation de Robespierre jeune est décrétée. On applaudit.

Fréron. Citoyens collègues, la patrie en ce jour et la liberté vont sortir de leur ruine! ( Robespierre veut interrompre; les murmures le repoussent.) On voulait former un triumvirat qui eût rappelé les proscriptions sanglantes de Sylla; on voulait s'élever sur les ruines de la République,

et les hommes qui le tentaient sont Robespierre, Couthon et Saint-Just! (Plusieurs voix : Et Lebas.) Couthon est un tigre altéré du sang de la représentation nationale; il a osé, par passe-temps royal, parler dans la société des Jacobins de cinq ou six têtes de la Convention... (Oui! Oui! Mouvement d'indignation.) Ce n'était là que le commencement; il voulait se faire de nos cadavres autant de degrés pour monter au trône... (Couthon: Je voulais arriver au trône moi!) Je demande aussi le décret d'arrestation contre Saint-Just, Lebas et Couthon. >>

Elie Lacoste. « J'appuie cette proposition. C'est moi qui ai dit le premier au comité de salut public que Couthon, SaintJust et Robespierre formaient un triumvirat. Saint-Just a pâli et s'est trouvé mal. Lorsqu'il arriva de l'armée du Nord, après qu'il nous eut parlé de l'état et de la position de cette armée, il nous rapporta qu'un officier suisse fait prisonnier lui avait dit que nous ne devions pas compter sur nos succès, l'ennemi était instruit de nos ressources, et qu'il espérait que une scission dans le gouvernement, à l'aide de laquelle il traiterait de la paix avec une faction quelconque. Ce sont eux, les scélérats! qui ont voulu produire la scission! Depuis quelque temps nous étions tranquilles; les conjurations étaient déjouées; ceux qui les avaient formées périssaient sous le glaive de la loi, et les armées avaient mis la victoire à l'ordre du jour, lorsque ces hommes perfides ont tenté d'étouffer la liberté ! Je demande le décret d'arrestation contre Couthon, Saint-Just et Lebas. » (Adopté.)

Barrère rédige et réunit ces décrets, qui sont de nouveau reçus et proclamés aux applaudissemens, aux cris de joie de l'Assemblée et d'une partie des citoyens des tribunes:

« La Convention nationale décrète que Maximilien Robespierre, l'un de ses membres, sera sur le champ mis en état d'arrestation.

» La Convention nationale décrète que Robespierre le jeune, l'un de ses membres, sera mis sur le champ en état d'arrestation.

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