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de la cette confiance que le peuple lui accorda comme à un homme qui avait vu plus juste et plus loin que la ınajorité de ses collègues. Le peuple, après avoir conquis la liberté, s'était vu obligé de la défendre et de la conquérir encore; il écouta Robespierre, qui lui en promettait la possession absolue.

Mais la garantie de cette possession ne pouvait pas seulement résider dans les lois; elle devait aussi se trouver dans les mœurs il fallait une régénération complète. C'est alors que Robespierre, fort de sa popularité, entreprit une tâche qui eût été sublime chez un peuple encore jeune et pur, mais que l'état de la civilisation rendait impraticable en France. Il dit aux riches: plus de faste, plus de mollesse ; que votre superflu soit le bien du pauvre... Il dit aux employés aux administrateurs, aux magistrats : votre tête répondra de tous vos faits; vos fonctions seront honorées, mais pénibles, et ne vous procureront que le nécessaire; dans les villes dans les communes, dans les hameaux, partout c'est vous qui les premiers donnerez l'exemple des vertus... Il dit aux commerçans cessez d'être cosmopolites; que votre industrie, vos spéculations n'aient plus d'autre sphère, d'autre but que la patrie; n'ouvrez vos âmes qu'à l'égoïsme national... Il dit aux prêtres vos impostures ne feront plus de dupes; votre règne est irrévocablement détruit; nous adresserons directement nos hommages à l'Être suprême... Il dit

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aux athées : la mort est le commencement de l'immortalité... Il dit aux diplomates, aux publicistes, aux hommes d'état il n'y a de politique que ce qui est juste, il n'y a de juste que les droits du peuple, il n'y a de bon gouvernement que là où ces droits sont respectés... Il dit à toutes les classes : réformez-vous; punissez, chassez de votre sein les dilapidateurs, les ambitieux, les lâches et les êtres corrompus: surveillez l'homme timide et l'homme exagéré; l'un ne ressent pas l'amour de la patrie, l'autre le compromet; celui-ci peut être un hypocrite, celui-là un traître : défiez-vous de ces philanthropes qui font profession d'aimer tous les hommes pour se dispenser d'aimer leurs frères, qui se font citoyens du monde pour s'affran

chir des devoirs de citoyen français... (1) Veut-on appeler son intérêt sur les peuples victimes de leur gouvernement, il répond que des esclaves sont plus méprisables encore que des tyrans. Enfin il ne voit rien dans l'administration intérieure et extérieure de la République qui ne doive tendre au

(1) Extrait d'une réplique improvisée de Robespierre à la société des Jacobins, le 9 pluviose an 2.

« On veut séparer le peuple anglais de son gouvernement... Je ne demande pas mieux, à conlition qu'on distinguera aussi le peuple anglais faisant la guerre à la liberté conjointement avec son gouvernement, du peuple anglais punissant ce même gouvernement de ses attentats contre la liberté.

>> Qu'est-ce que cette anglomanie, déguisée sous le masque de la philanthropie!...

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» Assurez votre liberté avant de vous occuper de celle des autres! Pourquoi veut-on que je distingue un peuple qui se rend complice des crimes de son gouvernement de ce gouvernement si perfide?

» Je n'aime pas les Anglais moi, parce que ce mot me rappelle l'idée d'un peuple insolent, osant faire la guerre au peuple généreux qui a reconquis sa liberté !

» Je n'aime pas les Anglais, parce qu'ils ont osé entrer dans Toulon pour y proclamer un roi, ce que n'a pas voulu souffrir le peuple qui a reconquis ses droits!

» Je n'aime pas les Anglais, parce que leur gouvernement, perfidement machiavélique envers le peuple même qui le souffre, parce que ce même gouvernement a osé dire et proclamer qu'il ne fallait garder aucune foi, aucune règle d'honneur avec les Français dans cette guerre, que c'était un peuple de rebelles qui avait foulé aux pieds les lois les plus saintes; parce qu'une partie du peuple, les matelots, les soldats, ont soutenu par les armes cette odieuse proclamation! En qualité de Français, de représentant du peuple, je déclare que je hais le peuple anglais !

» Je déclare que j'augmenterai autant qu'il sera en moi la haine de mes compatriotes contre lui! Que m'importe ce qu'il en pense! Je n'espère qu'en nos soldats, qu'en la haine profonde qu'ont les Français pour ce peuple.

alors

>> Je ne m'intéresse au peuple anglais qu'en qualité d'homme ; j'avoue que j'éprouve quelque peine à en voir un si grand nombre lâchement soumis à des scélérats qui les conduisent insolemment. Cette peine chez moi est si grande que j'avoue que c'est dans ma haine pour son gouvernement que j'ai puisé celle que je porte à ce peuple. Qu'il le détruise donc, ou qu'il le brise! Jusqu'alors je lui voue une

triomphe de toutes les vertus, à l'anéantissement de tous les vices (1). Et Robespierre donne à ses préceptes la force de

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haine implacable. Qu'il anéantisse son gouvernement! Peut-être pourrions-nous encore l'aimer. Nous verrons si un peuple de marchands vaut un peuple agriculteur; nous verrons si quelques vaisseaux valent nos terres fertiles! Il est quelque chose de plus méprisable encore qu'un tyran; ce sont des esclaves. >>

(1) Note trouvée dans les papiers de Robespierre, et écrite de sa main. << Quel est le but? L'exécution de la Constitution en faveur du peuple.

>>

Quels seront nos ennemis ? Les hommes vicieux et les riches.

>> Quels moyens emploieront-ils ? La calomnie et l'hypocrisie.

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Quelles causes peuvent favoriser l'emploi de ces moyens? L'ignorance des sanculottes.

» Il faut donc éclairer le peuple. Mais quels sont les obstacles à l'instruction du peuple?

» Les écrivains mercenaires, qui l'égarent par des impostures journalières et impudentes.

» Que conclure de là? 1o qu'il faut proscrire ces écrivains comme les plus dangereux ennemis de la patrie; 2o qu'il faut répandre de bons écrits avec profusion.

» Quels sont les autres obstacles à l'établissement de la liberté ?

» La guerre étrangère et la guerre civile.

» Quels sont les moyens de terminer la guerre étrangère?

» De mettre des généraux républicains à la tête de nos armées, et de punir ceux qui nous ont trahis.

Quels sont les moyens de terminer la guerre civile?

» De punir les traîtres et les conspirateurs, surtout les députés ct les administrateurs coupables; d'envoyer des troupes patriotes sous des chefs patriotes pour réduire les aristocrates de Lyon, de Marseille, de Toulon, de la Vendée, du Jura et de toutes les autres contrées où l'étendard de la rébellion et du royalisme a été arboré, et de faire des exemples terribles de tous les scélérats qui ont outragé la liberté et versé le sang des patriotes.

» 1o. Proscription des écrivains perfides et contre révolutionnaires; propagation de bons écrits.

» 2o. Punition des traîtres et des conspirateurs, surtout des députés et des administrateurs coupables.

» 3°. Nomination de généraux patriotes; destitution et punition des

autres.

» 4°. Subsistances, et lois populaires.

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son exemple: sa vie privée est restée sans reproche. Relativement à un homme tel que lui les plus petits détails sont des faits intéressans: disons donc que dans le délire révolutionnaire qui porta tant de républicains à blesser les convenances et la pudeur même par leurs paroles et par leur costume, Robespierre se montra le sévère censeur de ses plus dévoués partisans: il les accusait autant par son maintien que par ses discours; sa coiffure et ses vêtemens n'ont cessé d'être soignés, mais sans recherche ; c'était l'élégance de la propreté.

Nous avons dénombré ses ennemis.

Cet impraticable projet de transformer en Spartiates un peuple aimable et poli, façonné aux molles habitudes que fait contracter un long despotisme, riche de tous les bienfaits de la civilisation comme infecté de tous les maux qu'elle a produits; ce projet fut accueilli sans examen : on eût dit que la Convention applaudissait à la lecture d'un livre de l'antiquité. Mais son exécution! Voilà la source de tant de violences et de larmes, de tant d'efforts et de tant de lâcheté. Robespierre présente des tableaux séduisans; on admire ; il réclame des lois terribles; on les accorde avec empressement. Leur premier résultat est la compression ou la mort d'un grand nombre de royalistes, de factieux, de traîtres, d'agens de l'étranger; c'est la force et la sûreté de la République : un appui constant est donné à celui qu'on regarde comme le président, comme l'âme du gouvernement révolutionnaire. Mais il veut arriver au second résultat; c'est de frapper autour de lui, au milieu même de ses flatteurs, de ceux qui se sont constitués ses esclaves, parce qu'il y voit aussi des hommes qui sont un obstacle, un danger pour l'affermissement du nouvel ordre de choses. Ici on l'arrête; ses nombreux ennemis sortent de l'état de gêne où il les avait placés; ils appellent à eux tous les partis, et Robespierre est renversé, et sa mémoire couverte de toutes les iniquités.

Robespierre a usurpé les pouvoirs de la représentation nationale... Mais pourquoi ses collègues les lui ont-ils laissé prendre? Pourquoi ont-ils donné à ses volontés tout le

poids de leur sanction? L'Assemblée n'était pas libre... Conçoit-on que plus de six cents hommes n'aient pas la force de trois? Quels étaient les moyens de Robespierre? Sans argent, sans troupes, sans relations, il n'avait que ses principes, ses discours et sa popularité. Ses principes, votre devoir était d'en calculer les conséquences; ses discours, il fallait les réfuter au lieu de les applaudir avec enthousiasme; sa popularité, vous aviez les mêmes voies que lui pour en acquérir; vous deviez éclairer le peuple, vous dévouer pour ses intérêts seuls, et ce que la calomnie a fait plus tard la bonne foi l'eût opéré plutôt. Dites plus franchement que vous avez cru bien faire; répétez avec un des vôtres qu'il y a eu des malheurs et non pas des torts et des fautes; convenez aussi que vous n'avez compris le système de Robespierre que lorsque le glaive a menacé vos têtes.

Tout ce que l'ère républicaine a produit de beau, de grand, d'immortel, a eu son germe ou sa naissance dans le second comité de salut public, ce comité douze fois réélu aux acclamations générales, et que Robespierre dominait comme toute la Convention. Vous dites que c'est à l'insu de cet homme stupide et barbare, de ce bourreau des sciences et de ceux qui les cultivent qu'ont été pensés et exécutés tant de prodiges... Mais Robespierre seul ne voyait donc pas ce que l'Europe admirait en frémissant? ou s'il le voyait, si son pouvoir était tel qu'on l'a fait après sa mort, qui l'empêchait d'ajouter à ses victimes les illustres membres dont les soins entretenaient le feu sacré, les Carnot, les Prieur de la Côte-d'or, les Guyton, les Fourcroy, les Grégoire, les Romme, les Lakanal, et tant d'autres qui ne s'enveloppaient point dans leur silence enattendant le retour de la liberté? Et cette réunion de savans, l'orgueil de la France, qui, réunis dans les bureaux des comités, s'offraient chaque jour à ses coups, ne les voyait-il pas? Et ces nombreux arrêtés du comité de salut public qui appelaient les artistes et les gens de lettres à des concours ouverts pour la proposition de monumens et d'inscriptions propres à perpétuer la magnificence, la gloire de la République, ces arrêtés sont tous revêtus de sa signature; est-ce Robespierre qui aurait approuvé, signé contre sa volonté ?...

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